N’a-t-on pas dit, longtemps, que du passé il fallait faire table rase, afin que les lendemains chantent et que l’avenir soit radieux ? Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et aujourd’hui il semble bien qu’on ait changé de cap et fait un demi-tour complet : on ne veut plus regarder vers le futur, inconnu, trop chargé de menaces encore indéchiffrables, et on se retourne avec délectation vers le passé, connu, irréversible, mais interprétable à loisir, tel un mythe. Déjà rognée par de multiples et plus ou moins vraisemblables dystopies, l’utopie cède la place à ce que le sociologue Zygmunt Bauman a nommé, dans un ouvrage écrit quelques mois avant sa disparition en 2017, une « rétrotopie », faite de la volonté rétrograde de revenir à un passé tantôt réinventé, tantôt idéalisé ou sacralisé, qui fait dire à ceux et celles qui la portent : « C’était mieux avant ! »
Comment expliquer cette navigation à rebours, dans les mentalités, les postures sociales ou les discours politiques ? Cela n’existe pas, une société ou une civilisation qui affirme : voilà, la perfection est atteinte, en tous les domaines, il s’agit désormais d’aller vers le moins bien, le pire. Comme l’écrit Thomas d’Aquin (Somme théologique, I-II, Q97, a1), il semble naturel, pour la raison humaine, d’« aller par degrés de l’imparfait au parfait », ou du moins de s’en approcher « progressivement ». Ce qui est pensé et fait, partout et à toute époque, l’est toujours en vue d’une amélioration, d’un pas en avant, d’un progrès – même si les résultats, ensuite, non calculés, non prévus, se révèlent catastrophiques. Nul n’aurait l’idée de construire exprès des ponts moins solides, des télescopes moins précis ou des avions moins sûrs que ceux qui existent. C’est pourquoi l’avenir demeure un habitat naturel d’espoirs et de légitimes expectatives – sinon une sphère de liberté, où tout peut encore advenir. On peut comprendre évidemment que l’élan vers le futur, telle la perche du sauteur en hauteur, s’appuie sur le sol de la tradition, de ce que le passé a charrié comme expériences, leçons, mises en garde. Mais comment comprendre que la foi dans le progrès – au nom de laquelle on a parfois justifié le pire – se dissipe et puisse laisser se répandre une « épidémie globale de nostalgie » (Bauman), voire un passéisme qui se rend lui-même aveugle aux réalités présentes ? C’était vraiment mieux avant ? Mais avant… Quand ? Avant 1989 ? Avant les Trente glorieuses ? La Première guerre ? L’âge des Lumières ? La Renaissance ? Le Moyen Âge ? l’Empire romain ? Quand il y avait l’esclavage, quand les enfants mouraient en nombre à la naissance, quand les femmes n’avaient aucun droit, quand on ne savait pas soigner les épidémies, quand on s’éclairait à la bougie ? Nul ne nie que de sombres nuages obscurcissent l’avenir, que le changement climatique menace la vie même sur Terre, que la révolution numérique et les réseaux sociaux ont provoqué des modifications radicales dans les façons de connaître, de faire, d’être et d’être-ensemble, provoqué de profondes déchirures du tissu social et renforcé la croyance que dans les États-nations la politique est impuissante. Est-ce parce que la route devant nous est de brouillard que l’on préfère, non sans risques, regarder dans le rétroviseur ? C’était mieux avant ? Peut-être. Du moins si on enferme la question dans une simple psychologie personnelle : bien sûr, c’était mieux avant, car « avant » est le temps de la jeunesse, le temps, pour chacun, de ses vingt ans.
Robert Maggiori
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Un déjeuner-philo avec Charlotte Casiraghi et Élodie Pinel, autour du récent ouvrage « Moi aussi je pense donc je suis » (Stock, 2024), préfacé par Charlotte Casiraghi.
En association avec la Médiathèque de Monaco, la rencontre est présentée par Béatrice Novaretti, conservateur de la Médiathèque de Monaco.
Simone de Beauvoir, Hannah Arendt, Simone Weil… difficile pour la plupart d’entre nous de citer d’autres noms de femmes philosophes que ceux-là. Sans doute parce que la plupart d’entre elles n’ont pas eu la chance de se voir attribuer le noble statut de « philosophe », tantôt qualifiées de « femme de lettres », ou au mieux de « penseuses » et « intellectuelles ». Et pour les quelques chanceuses qui sont au panthéon des philosophes, on ne connaît bien souvent qu’une infime partie de leur pensée, ou on les réduit à leur pensée féministe.
Ce livre vous invite à changer de point de vue et à reparcourir l’histoire de la pensée à travers celle de femmes qui ont fait œuvre de philosophe, alors qu’elles étaient soit exclues de l’institution soit empêchées par les hommes. Vous découvriez une pensée riche, originale, des sujets forts, des formes inattendues, novatrices, car il a bien fallu faire preuve de créativité pour faire entendre sa voix.
Pour Elodie Pinel, elle-même professeure de philosophie, il est plus que temps de prendre au sérieux ces femmes philosophes, d’entrer pleinement dans leur œuvre et de militer pour qu’elles intègrent les programmes scolaires et que leurs idées infusent enfin dans notre société.
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Un déjeuner-philo avec Servane Mouton, docteure en médecine, neurologue et neurophysiologiste, autour de son récent ouvrage Humanité et numérique (Apogée, 2023).
En association avec la Médiathèque de Monaco, la rencontre est présentée par Robert Maggiori, philosophe, critique littéraire et membre fondateur des Rencontres Philosophiques de Monaco.
On ne sait où vont les humanités numériques – qui visent à éclairer les objets traditionnels des sciences humaines et sociales, sinon de l’art, des études littéraires ou de la philosophie, par les savoirs et les savoir-faire issus des infosciences ou technologies de l’information. Mais il est avisé de se demander ce que le numérique fait à l’humanité – au sens de ce que l’exercice physique ou la maladie font au corps. Est-ce déjà trop tard, ou vain ? Les sciences et les techniques, en effet, ne vont jamais à rebours, n’ont pas de « frein » interne, et ne connaissent de limites que celles que peuvent éventuellement leur imposer, d’une faible voix, le droit, l’éthique, la religion ou la philosophie. Il en va de même pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Elles ont apporté tant de facilités, d’opportunités, de connaissances, de nouveaux modes d’interaction, de plaisirs, que tous préfèrent prolonger la période de « jouissance » plutôt que d’envisager quelque effet catastrophique à venir. Pourtant les dégâts, dus à leur usage extensif – relatifs à la cognition, à l’attention, aux fonctions du langage, au neuro-développement, aux maladies neuro-dégénératives, à la sexualité, mais aussi à l’économie et à la pollution industrielle – sont déjà là : il s’agit, à présent, de les recenser, de les analyser, de les caractériser, d’en empêcher les excroissances, de les « guérir », et de prévenir ceux qui vont se produire si rien n’est fait.
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Un déjeuner-philo avec Olivier Rey, polytechnicien, mathématicien, romancier, essayiste et philosophe, autour de Réparer l’eau (Stock, 2021).
En association avec la Médiathèque de Monaco, la rencontre est présentée par Céline Sabine.
Qui ignore ce qu’est l’eau ? Chacun a une connaissance intime et immédiate de cet élément frais, liquide, miroitant et irrésistiblement attiré vers le bas. Comment en sommes-nous arrivés, dès lors, à laisser cet élément premier, si présent dans notre expérience de tous les jours, si prégnant dans notre imaginaire, si riche de symbolique, être défini par la laconique formule chimique H2O ? Que perdons-nous dans cette opération ?
La science moderne s’est édifiée en répudiant les sensations, les impressions immédiates, au profit de la raison et des mesures : notre rapport au monde en a été bouleversé. Précisé à bien des égards, appauvri à d’autres. À présent qu’une chose aussi simple que l’eau devient une affaire d’analyse chimique et une ressource à gérer, on peut se demander : la science a tenu sa promesse de dévoiler le monde dans sa vérité ? Nous en a-t-elle rapproché, ou éloigné ?
Dans cet essai brillant et sensible, Olivier Rey s’attache à retrouver ce que, chemin faisant, nous avons perdu de l’eau. De Léonard de Vinci à Bachelard et Ponge, en passant par Courbet, il remonte son cours, afin de rendre à l’eau sa dignité, et nous faire éprouver, grâce à elle, ce qui ne se laisse pas mettre en formule : la poignante volupté d’être au monde.
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Les Matinales de la Semaine PhiloMonaco sont organisées par Les Rencontres Philosophiques de Monaco, en association avec Monaco Info et la Mairie de Monaco.
Animées chaque matin par Sandrine Nègre, les Matinales donnent lieu à des rencontres, des conversations et des échanges autour des questions du public et avec les personnalités invitées pour chaque Journée de la Semaine PhiloMonaco.
Les intervenants de la Journée dédiée aux Femmes :
Fanny Arama, docteure en littérature française
Anne Berest, romancière et scénariste
Sarah Chiche, philosophe
Martin Legros, philosophe et journaliste
Olivia Gazalé, philosophe et essayiste
Laurent de Sutter, professeur et auteur
Augustin Trapenard, journaliste
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Les Matinales de la Semaine PhiloMonaco sont organisées par Les Rencontres Philosophiques de Monaco, en association avec Monaco Info et la Mairie de Monaco.
Animées chaque matin par Sandrine Nègre, les Matinales donnent lieu à des rencontres, des conversations et des échanges autour des questions du public et avec les personnalités invitées pour chaque Journée de la Semaine PhiloMonaco.
Les intervenants de la Journée dédiée au Soin :
Paul Audi, philosophe
Christine Bergé, anthropologue et philosophe
Raphaël Gaillard, psychiatre et professeur de psychiatrie
Sandrine Louchart de la Chapelle, Chef du Service de Gérontologie Clinique et Centre Mémoire au CHPG, Secrétaire générale AMPA
Nathalie Prieto, psychiatre
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Animées chaque matin par Sandrine Nègre, les Matinales donnent lieu à des rencontres, des conversations et des échanges autour des questions du public et avec les personnalités invitées pour chaque Journée de la Semaine PhiloMonaco.
Les intervenants de la Journée dédiée à l’Éducation :
Isabelle Alfandary, auteure et professeure
Frédérique Bonnet-Brilhaut, médecin, pédopsychiatre et professeure
Laurence Joseph, psychologue et psychanalyste
Claire Marin, philosophe
Philippe Meirieu, professeur
Servane Mouton, neurologue et neurophysiologiste
Sébastien Talon, psychologue clinicien et psychothérapeute
Bertrand Quentin, philosophe
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Les intervenants de la Journée dédiée à l'Écologie :
Serge Audier, philosophe
Alexandre Kouchner, analyste politique et journaliste
Ainoha Pascual, avocate
Thierry Paquot, philosophe
Corine Pelluchon, philosophe
Olivier Rey, polytechnicien, mathématicien, romancier, essayiste et philosophe
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L’amour maternel est un amour à l’origine de la vie de tout humain : c’est la relation la plus ancienne qui soit, une relation nourricière, littéralement vitale à l’enfant qui vient au monde. Sans les soins et le nourrissage prodigués par la mère ou la personne en charge du nouveau-né, celui-ci ne pourra connaître un développement harmonieux. Quelle est la nature de cet amour premier ? Relève-t-il de l’instinct ? Comment un individu – une femme – devient-elle capable d’un tel amour ? Quels sont les effets et les traces de l’amour maternel dans la vie de l’individu devenu grand ?
#philomonaco
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Le terme de « charge mentale » a été introduit dans les années 1980 en sociologie du travail pour désigner la part psychique et cognitive qui accompagne le plus souvent l’effectuation d’une tâche physique. Rapidement, cette notion a été reprise dans une perspective féministe pour éclairer des aspects méconnus du travail de soin effectué principalement par les femmes dans le cadre du foyer. La charge mentale vient alors désigner les aspects psychiques, cognitifs et émotionnels impliqués dans le fait de prendre soin des autres, notamment des jeunes enfants, et les tensions induites pour les femmes par le partage inégal du travail de soin. Nous reviendrons sur la genèse de ce concept et montrerons son importance pour décrire et rendre visible des aspects méconnus du travail de soin prodigué le plus souvent par les mères, et pour permettre de mettre en discussion et de mieux partager ce travail essentiel sur lequel repose la continuation de la vie et du monde.
#philomonaco
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