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Il a vécu son baptême du feu en présidant son premier Conseil européen à Bruxelles ce jeudi 19 décembre : António Costa veut secouer les habitudes prises ces dernières années à Bruxelles… La « méthode Costa », faite de compromis et de relationnel, lui a plutôt réussi au Portugal, mais peut-elle fonctionner à Bruxelles dans un contexte de fortes tensions économiques et politiques ?
Lunettes rondes, cheveux argentés et sourire communicatif : António Costa est visiblement satisfait de « son » premier Conseil européen en tant que président de l’institution. Il faut dire que l’ancien Premier ministre portugais a déjà réalisé un petit exploit en concluant en une seule journée ce conclave des dirigeants européens… une « méthode Costa » déjà saluée par ses interlocuteurs de l’Union européenne. « Je pense que nous avons réussi à concentrer le travail des dirigeants sur la discussion stratégique et politique, en confiant la préparation du sommet à nos ambassadeurs », s’est donc félicité l’ancien Premier ministre à l’issue de ce premier Conseil européen, tandis qu’aux étages du bâtiment Justus Lipsius, les dirigeants européens ne cachaient pas leur soulagement de pouvoir rentrer dans leurs pays respectifs aussi rapidement. « Il a voulu ramasser le Conseil européen sur une seule journée alors que jusqu’à présent, c'était sur deux jours », salue Pascale Joannin, directrice générale de l’Institut Robert Schuman. « C’est vraiment la première mesure tangible que l’on voit de la "méthode Costa" — l’idée étant de permettre aux 27 de se voir, d’échanger, mais de le faire plus rapidement, même si l’agenda est chargé. »
Un premier point positif donc pour ce nouveau président du Conseil européen, nommé le 1ᵉʳ décembre dernier pour un premier mandat de deux ans et demi — renouvelable une seule fois. Aujourd’hui âgé de 63 ans, António Costa a grandi au Portugal dans une famille très politisée et engagée contre la dictature de Salazar, une histoire familiale qui l’a beaucoup marqué, de même que les origines indiennes de son père. « Orlando da Costa était originaire d’une famille de Goa, un comptoir indien resté portugais jusque dans les années 1960, et il a ensuite vécu un temps au Mozambique, il a donc eu une histoire familiale liée à la colonisation portugaise », raconte Victor Pereira, chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne. « Autre élément important dans cette histoire familiale : son père était écrivain et il militait au Parti communiste portugais, qui était le principal parti d’opposition pendant la dictature de Salazar. Sa mère, Maria Antonia Palla, était une journaliste engagée à gauche. Elle a fait notamment des reportages sur les avortements clandestins, ce qui lui a valu des mésaventures avec la justice, mais aussi une réputation de journaliste courageuse et engagée. »
C’est donc très jeune qu’António Costa s’engage en politique, il a d’ailleurs organisé sa première grève à l’âge de 14 ans pour dénoncer l’éviction d’une professeure dans son collège. Passionné de football — il soutient le Benfica — et de cinéma, il devient avocat, milite au Parti socialiste et entre pour la première fois au gouvernement en 1995 à l’âge de 34 ans, sous la houlette d’António Guterres, l’actuel secrétaire général de l’ONU. Il est maire de Lisbonne pendant huit ans, un mandat qu’il met à profit pour revaloriser et dynamiser la capitale portugaise. Puis, en 2015, il devient Premier ministre en formant une alliance à gauche qui est alors totalement inédite au Portugal. Cet amateur de puzzle à 1 000 pièces déploie alors des talents de négociateur hors pair afin d’y parvenir. « Il va réussir à gouverner durant quatre ans avec une formation de gauche radicale et avec les communistes, dont les relations avec les socialistes portugais ont toujours été très tendues, décrypte Victor Pereira. Et ce alors que c’est la droite qui était arrivée en tête aux élections ! En outre, il parvient à rompre avec la politique d’austérité de ses prédécesseurs tout en améliorant la situation financière du pays. »
Un « miracle portugais » qui finit mal pour António Costa : le dirigeant portugais est contraint de démissionner, fin 2023, lorsque son nom apparaît dans une affaire de corruption. L’enquête n’aboutit pas, mais l’ancien avocat doit renoncer à ses ambitions nationales et finit par rebondir au niveau européen, en profitant du départ de Charles Michel pour diriger le Conseil européen.
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À Bruxelles, l’ancien Premier ministre n’arrive pas en terrain inconnu. Il a été député européen, et, surtout, il a participé durant huit ans aux Conseils européens dont il connaît toutes les ficelles. Il bénéficie d’une réputation flatteuse : on le sait adepte du compromis — qualité indispensable à Bruxelles. Il maîtrise plusieurs langues, dont le français et l’anglais. Et il a un très bon sens des relations humaines, ce qui pourra lui être utile pour « pacifier » les relations avec Ursula von der Leyen, qui étaient notoirement exécrables avec Charles Michel. « Il souhaite que cette rivalité entre institutions n’existe plus, et qu’il n’y ait plus ces chicaneries et ces mauvaises manières qui ont pu exister auparavant », observe Pascale Joannin, de l’Institut Robert Schuman. « Même si l’on n’est pas toujours d’accord et même si les objectifs ne sont pas toujours les mêmes, il veut éviter que s’installe une rivalité avec la présidente de la Commission comme cela a été le cas durant le mandat de Charles Michel. »
La « méthode Costa », ce sera également plus d’entretiens bilatéraux avec les dirigeants européens — plus de relationnel pour que l’Europe fonctionne mieux… Et pour cela, António Costa veut organiser des « retraites informelles » en plus des traditionnels sommets à Bruxelles. Avec moins de journalistes, et sans déclaration finale. La première de ces « retraites » sera consacrée aux questions de Défense, et devrait avoir lieu en février prochain à Bruxelles.
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Alors que les manifestations perdurent depuis plus de deux semaines contre la décision du gouvernement de suspendre jusqu'à 2028 les négociations d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne, l'ex-footballeur Mikhaïl Kavelachvili a été élu samedi 14 décembre pour succéder à la présidente pro-européenne Salomé Zourabichvili.
Quarante-six sélections, neuf buts en équipe nationale, sacré trois fois champion de Géorgie avec le Dinamo Tbilissi… Mikhaïl Kavelachvili, 53 ans, est considéré dans son pays comme un des attaquants les plus talentueux de sa génération. Passé par Manchester City, il a fait carrière dans des clubs suisses — du Grasshopper Zurich au FC Bâle — avant de retirer ses crampons en 2007. Reconverti en agent, pour aider ses jeunes compatriotes à partir jouer à l’étranger, il brigue en 2015 la présidence de la Fédération géorgienne de football. Mais, faute de diplômes suffisants (il n'a pas fait d'études supérieures), il est écarté de ce poste.
C’est alors qu’il bascule en politique : en 2016, il devient député pour Le Rêve géorgien, un parti national-populiste fondé par l’oligarque Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie et est devenu en une dizaine d’années le véritable homme fort du pays.
S’il n’a a priori pas le CV pour être président, il est un fidèle du parti et a le physique de l’emploi. « Le Rêve géorgien utilise beaucoup le sport dans sa propagande », constate Thorniké Gordadzé, ancien ministre de l’Intégration européenne entre 2010-2012, et chercheur à l’Institut Jacques Delors et au sein du think tank géorgien Gnomon Wise. « Parmi les députés du Rêve géorgien, il y a des haltérophiles, des rugbymen, des joueurs de basket, plusieurs footballeurs, des lutteurs. C’est un parti populiste qui capitalise beaucoup sur la renommée des sportifs géorgiens. Kavelachvili fait partie de cette stratégie. »
En tant que député, Mikhaïl Kavelachvili a notamment défendu la loi dite « des agents étrangers », calquée sur la Russie, selon laquelle les ONG qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger doivent s’enregistrer en tant « qu’organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère. » Une décision adoptée par la majorité parlementaire du Rêve géorgien qui avait provoqué des manifestations massives à Tbilissi au printemps 2024.
« Mikhaïl Kavelachvili représente l’aile la plus radicale du Rêve géorgien, juge Thorniké Gordadzé. Il faisait même partie d’un groupe de députés qui étaient les avant-coureurs de la stratégie anti-occidentale et anti-européenne du Rêve géorgien. Ils ont repris la rhétorique, le narratif russe sur la menace LGBTQ+, sur l’Europe et les États-Unis comme étant les ennemis des traditions géorgiennes, et les occidentaux comme étant promoteurs et instigateurs de la guerre en Ukraine… Il est de cette mouvance. »
Pour la première fois, le futur président n'est pas élu au suffrage universel direct, mais nommé par une Commission électorale d’élus, suite à un changement constitutionnel décidé en 2017 à la demande du Rêve géorgien. Ainsi, le parti au pouvoir contrôlera la dernière institution qui lui échappait encore. En effet, l’actuelle présidente, Salomé Zourabichvili, une diplomate pro-européenne, est devenue la porte-voix de ceux qui s’opposent à l’éloignement de la trajectoire européenne de la Géorgie, acté par l’actuel Premier ministre, Irakli Kobakhidzé, qui a annoncé il y a deux semaines reporter l’adhésion de la Géorgie à l’UE à 2028. Une décision qui a déclenché de nouvelles manifestations massives à Tbilissi et dans tout le pays, soutenues par Salomé Zourabichvili qui réclame de nouvelles élections depuis les législatives du 26 octobre, entachées de fraudes.
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« Depuis que le Rêve géorgien est au pouvoir, nous avons eu deux présidents de la République. Les deux ont fini par prendre leurs distances et s'opposer à Bidzina Ivanichvili, qui dirige le pays comme son entreprise et ne tolère pas d’indépendance d’esprit, estime Thorniké Gordadzé, qui ne cache pas son opposition au pouvoir en place. Donc, cette fois, Ivanichvili a choisi Mikhaïl Kavelachvili, parce qu’il n’a pas les compétences, qu’il lui est fidèle et ne se servira pas de l’institution contre lui. »
Le mandat de Salomé Zourabichvili arrivant à son terme le 29 décembre, « il n’est pas très étonnant que le Rêve géorgien choisisse une personnalité plus favorable à la ligne du gouvernement », nuance Taline Ter Minassian, directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques. Elle souligne que « malgré les sincères aspirations d’une partie de la population à rejoindre l’Union européenne, la Géorgie reste très dépendante de la Russie » dans ses approvisionnements en blé ou en gaz naturel, ainsi que pour l’exportation de son vin.
Selon cette spécialiste des pays du Caucase, au-delà des questions idéologiques qui divisent le pays et des soupçons de fraude électorale non élucidés, le gouvernement géorgien actuel défend une posture pragmatique, de realpolitik, au vu de la géographie et des intérêts vitaux de la Géorgie.
La présidence en Géorgie est une fonction essentiellement symbolique, aux ressources très limitées. Mais il lui reste des prérogatives, garanties par la Constitution. Notamment une qui pourrait s'avérer déterminante pour l'avenir de la contestation dans les rues : si le gouvernement souhaitait décréter l'état d'urgence, pour imposer un couvre-feu par exemple — et ainsi faire taire la contestation de manière légale — il aurait besoin de la signature du président.
Une signature impossible à obtenir de l'actuelle présidente pro-européenne, Salomé Zourabichvili, qui a par ailleurs déclaré qu'elle ne quittera pas le palais présidentiel tant que de nouvelles élections législatives ne sont pas convoquées, le Parlement élu étant « illégitime » selon elle et, par extension, le président choisi par un collège électoral le 14 décembre l’est également. Une position que n’a pas manqué de critiquer le président élu, Mikhaïl Kavelachvili : « Le président actuel a ouvertement insulté et méprisé notre document le plus important, la Constitution de la Géorgie, et continue de la violer à ce jour. En conséquence, notre société s'est divisée. La radicalisation et la polarisation sont alimentées, d'autant plus que nos "amis" malveillants contribuent à exacerber ce processus. »
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Son nom fait grincer des dents à gauche. L'Italien Raffaele Fitto devient commissaire européen en charge de la politique de cohésion dans la nouvelle équipe d'Ursula von der Leyen, qui entre en fonction le 1er décembre. Pour la première fois, un homme issu de l'extrême droite, du parti de Giorgia Meloni, obtient même un des huit sièges de vice-président au sein de la Commission. Mais qui est vraiment Raffaele Fitto ? Le loup est-il entré dans la bergerie comme le redoutent certains ?
Symboliquement, c'est un tournant. Et la gauche de l’hémicycle européen pouvait difficilement ne pas s’en indigner. Mais, à y regarder de plus près, Raffaele Fitto n'est ni un néo-fasciste, ni un extrémiste. Il est même l'une des figures les plus modérées du parti Fratelli d'Italia, et c'est bien pour cela que Giorgia Meloni l'a proposé à Bruxelles. « C'est la personnalité la plus "sérieuse" de son gouvernement. Quand il a été nommé ministre des Affaires européennes en 2022, il était l'un des rares à ne pas faire partie des fidèles ou de la garde rapprochée de Giorgia Meloni », explique Giulia Sandri, conseillère scientifique à l'Université libre de Bruxelles et collaboratrice au Cevipol. « Raffaele Fitto était l'élu le plus expérimenté : au niveau local, national, mais aussi européen. Il a donné au gouvernement de Meloni une dimension de respectabilité et d'expérience. »
Grâce à lui, à Bruxelles, Giorgia Meloni continue de consolider sa quête de légitimité auprès de l'establishment politique : « La stratégie de rapprochement de Meloni vis-à-vis des institutions européennes, c'est de montrer que son parti n'est plus eurosceptique, pro-Russie ou anti-atlantiste comme il l'était avant. Et même si Fratelli d'Italia a des positions souverainistes et une vision assez spécifique de l'intégration européenne, il veut montrer qu'il respecte les institutions européennes et peut-être un partenaire sérieux. » Raffaele Fitto sert cet objectif.
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Il est en fait l'incarnation du glissement qui s'est opéré du centre vers la droite conservatrice en Italie et ailleurs. C'est un homme issu d'une famille bourgeoise du sud de l'Italie. Son père était le président régional des Pouilles, un homme populaire, qui meurt dans un accident de voiture quand Raffaele Fitto a 19 ans. C'est là que Raffaele Fitto entre en politique et hérite du capital politique du paternel. Il va faire ses classes au sein du parti de la démocratie chrétienne. Le nouveau commissaire européen en conserve la modération, la foi catholique et une certaine sensibilité européenne, dans la tradition de De Gasperi, l'un des Pères de l'Europe.
Mais dans les années 90, la démocratie-chrétienne, le bateau amiral du centre-droit italien, fait naufrage suite à l'opération « Mains propres » qui révèle la corruption endémique de la classe politique de la péninsule. C'est alors que Raffaele Fitto rejoint Silvio Berlusconi, l'entrepreneur providentiel qui va permettre de tourner la page. Et c'est sous la bannière du parti Forza Italia que Raffaele Fitto va devenir président de la région des Pouilles, comme son père, puis député, avant d'être propulsé ministre des Affaires régionales de 2008 à 2011 dans le quatrième gouvernement du « Cavaliere ».
C'est là que Raffaele Fitto sympathise avec celle qui est alors ministre de la Jeunesse : Giorgia Meloni. Mais il ne partage pas avec elle son idéologie, si on en croit Lorenzo Castellani, spécialiste des institutions politiques à l'Université LUISS de Rome : « Il est avant tout un politicien de carrière et a fait un choix pragmatique. Quand le parti de Berlusconi s'est morcelé, dans les années 2015-2016, il s'est uni à Georgia Meloni, parce que, en tant qu'élu bien ancré dans son territoire, il a senti le vent tourner. Certains ont rallié la Ligue de Matteo Salvini, lui a choisi ce petit parti, Fratelli d'Italia. C'était un bon pari. »
Raffaele Fitto ne fait donc pas partie du cercle rapproché, intime, de Giorgia Meloni : « Ils se reconnaissent mutuellement comme des politiciens fiables, de parole », abonde le chercheur, spécialiste des droites italiennes. « En somme, elle peut compter sur lui. Il n'est pas enclin aux coups de tête, aux déclarations gênantes ou grandiloquentes, il travaille discrètement et n'aime pas être sous les projecteurs. Il n'est certainement pas un homme de combat, plutôt de compromis. »
Sans doute, Raffaele Fitto était la meilleure carte que Meloni pouvait jouer au niveau européen. D'autant qu'il a été eurodéputé de 2014 à 2022 et occupait actuellement le poste de ministre pour les Affaires européennes de l'Italie. C'est lui qui a été chargé de mettre en œuvre le plan de relance européen pour la péninsule.
C'est donc un homme expérimenté qui aura la charge de la politique de cohésion de l'Europe, le développement des territoires, la gestion des fonds structurels. Un portefeuille de 392 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Lors de son audition devant le Parlement européen, l'Italien s'est engagé sur plusieurs fronts. En matière de politique de cohésion, il a fait la promesse de maintenir une gestion partagée avec les régions et de se concentrer sur les territoires les plus pauvres. Il a défendu une approche sur mesure pour les îles et les régions périphériques, soulignant l'importance de créer des opportunités pour retenir les jeunes dans ces territoires. Sur les questions de gouvernance, il s'est engagé à créer un mécanisme d'accès direct aux fonds de cohésion pour les autorités locales et régionales.
Raffaele Fitto est aussi quelqu'un qui est réputé à Bruxelles pour savoir construire des ponts entre son groupe (les Conservateurs et réformistes européens dont il est coprésident), le PPE (droite) et Renew (centre). De quoi servir aussi les intérêts de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui n'a pas de majorité garantie au Parlement et devra composer avec les voix de l'extrême droite.
96% des voix en sa faveur : c’est le score presque unanime récolté par Robert Habeck pour devenir le candidat des écologistes allemands aux élections fédérales qui auront lieu en février prochain. Mais le ministre sortant de l'Économie et du Climat aura un sacré défi à relever : relancer un parti écologiste en plein doute à trois mois de ces élections anticipées.
C’est plein d’ambition que Robert Habeck se lance dans cette campagne électorale… même si, pour l’heure, les Verts sont plutôt à la traîne dans les sondages. Les « Grünen » sont crédités de 10 à 12 % des voix, en repli très net par rapport aux dernières élections.
Robert Habeck en est conscient, mais il dispose de plusieurs atouts pour tenter de remonter la pente : il a du charisme, il est très à l’aise sur les tribunes électorales comme sur les plateaux télévisés, et il a des convictions environnementales fortes sans être dogmatique. « C'est quelqu'un qui sait écouter et qui sait aussi reconnaître des erreurs ont été faites », décrypte Éric-André Martin, spécialiste de la vie politique allemande et ancien secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa). « Je prendrai comme exemple la loi sur le chauffage domestique de 2023, qui avait suscité beaucoup d'oppositions et de réticences dans la population. Il a su reconnaître que ce n'était pas le moment et il a su reculer. Il a des convictions très fortes sur la transition énergétique et sur l’opposition au nucléaire, mais c'est quelqu'un qui sait quand même ménager les sensibilités. »
Avant de se lancer en politique, Robert Habeck a été professeur de philosophie et écrivain à succès. C’est à l'âge de 33 ans, au début des années 2000, qu’il décide de s’engager auprès des Verts pour une raison très simple : il n’y a pas de piste cyclable dans son quartier ! Dix ans plus tard, il devient ministre de la Transition énergétique dans la région septentrionale du Schleswig-Holstein. Il échoue à deux reprises pour devenir le candidat des Verts à la chancellerie, mais il devient ministre de l’Économie et du Climat et numéro deux du gouvernement lors de la victoire de la coalition « tricolore » en 2021.
Ses objectifs sont alors très ambitieux pour la transition énergétique de l’Allemagne, mais tout sera chamboulé en 2022 lorsque la Russie envahit l’Ukraine. « La conséquence de la guerre en Ukraine, ça a été de priver l'Allemagne du gaz russe, un gaz bon marché, ce qui a fortement perturbé le calcul politique et économique qui avait été fait au départ », rappelle Éric-André Martin. « Robert Habeck a su réagir en faisant preuve de pragmatisme puisqu'il a très vite entamé une tournée auprès des pays qui pourraient suppléer au gaz russe. Il est notamment allé dans les pays du Golfe pour essayer de conclure des contrats d'approvisionnement en gaz et, dans ce dossier, il a fait preuve d'un très grand réalisme. »
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Ce réalisme lui a été vivement reproché par la gauche du parti écologiste allemand, mais il lui permet aussi aujourd’hui de courtiser les électeurs centristes – et même d’envisager, ce qui paraitrait impensable en France, une coalition de gouvernement non pas avec les socialistes, mais avec la CDU, le parti conservateur qui devrait arriver en tête du prochain scrutin…
Une ambition réaliste et même souhaitable aux yeux de Daniel Cohn-Bendit, l’ancien eurodéputé écologiste qui a assisté le week-end dernier au Congrès des Verts allemands à Wiesbaden. « Cette coalition serait un compromis historique pour faire passer la transition écologique et pour faire passer une position migratoire qui tienne compte des angoisses de la population, mais qui respecte le droit international. Je crois que c'est un défi intéressant et que Robert Habeck, par sa personnalité et son intelligence, est le personnage pour arriver à ce genre de coalition. »
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Bien entendu, Robert Habeck suscite l’hostilité d’une bonne partie de la droite allemande en raison de ses convictions écologiques – et pour la base militante de la CDU, il est en grande partie responsable des difficultés actuelles de l’économie allemande. Mais, sur d’autres sujets, il peut trouver des points de convergence, notamment sur l’aide militaire à l’Ukraine, dont il est un farouche partisan. « Il a été le premier à dire qu’il fallait livrer des armes à Kiev, lors de la dernière campagne électorale en 2021 », pointe Daniel Cohn-Bendit. « À l'époque, tout le monde lui est tombé dessus au sein de son propre parti et de l’ensemble de la classe politique allemande – y compris la CDU… Et c’est lui qui avait raison ! » Officiellement, Robert Habeck affirme qu’il vise la chancellerie, mais c’est un objectif hors de portée pour les Verts. Son objectif sera en réalité de talonner ou même de dépasser le SPD lors du scrutin de février.
Avec un espoir : rester au gouvernement pour continuer sur la voie de la transition énergétique. Car, malgré la guerre en Ukraine et les très fortes turbulences économiques rencontrées par l’Allemagne, le pays a tenu son objectif de faire monter la part de renouvelables dans son « mix énergétique », en le faisant passer de 42% en 2021 à plus de 50% en 2023.
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En Espagne, deux semaines après des crues meurtrières qui ont fait plus de 224 morts, un homme cristallise les polémiques pour sa gestion de la crise : Carlos Mazon, le président de la région de Valence, épicentre de cette catastrophe naturelle. Il comparaissait ce vendredi 15 novembre devant le Parlement valencien.
Carlos Mazon a présenté ses « excuses » et admis des « erreurs », mais il ne démissionnera pas. Auditionné pour sa mauvaise gestion de la catastrophe, le comportement du président de région suscite d’autant plus d’indignation que ce 29 octobre, jour où la tempête s’est abattue sur Valence, il était injoignable.
La presse a révélé que Carlos Mazon s’était rendu à un déjeuner avec une journaliste, entre 14 h et 18 h, et qu’il était arrivé à 19 h 30, en retard de plus d’une heure à une réunion avec les secours. L’alerte n’a donc été lancée qu’à 20 h 11, alors que la crue était déjà en cours et que des villes comme Paiporta, épicentre des dégâts qui concentre un tiers des victimes, était déjà inondée.
« Il a menti plusieurs fois sur son agenda, probablement — c’est ce que tout le monde pense — parce que cette journaliste est son amante », indique Guillermo Fernandez Vasquez, politologue à l’Université de Madrid. « Surtout, les gens n’ont pas été avertis et vivaient donc leur vie normalement. Ce qui explique pourquoi, quand ces terribles torrents d’eau ont afflué, de nombreuses personnes sont mortes dans la rue, dans les parkings, chez eux, partout. »
Pourtant, l’agence nationale météorologique (AEMET) avait placé la région valencienne en vigilance rouge pour « risque très élevé », dès 7 h 30 du matin. Il aura fallu 12 h pour que les notifications massives sur les téléphones portables des habitants des zones à risque (système ES-Alert) soient envoyées. Une mesure de prévention qui aurait permis de sauver des vies.
Lors de son intervention de 1 h 30 au Parlement régional ce vendredi 15 novembre, Carlos Mazon n’a pratiquement pas fait d’autocritique sur sa gestion, il ne s’est pas exprimé sur son rendez-vous avec la journaliste et a accusé la Confédération hydrographique de Jucar, un organisme national qui dépend du ministère de la Transition écologique, d’avoir fait un « black out d’information » dans ses communications avec l’administration locale. Le président régional de Valence réclame par ailleurs 31 milliards d’euros au gouvernement pour l’aide à la reconstruction. Près de 300 personnes s’étaient réunies pour demander sa démission.
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Outre cet épisode dramatique, le président de la région de Valence est surtout connu pour ses liens avec Vox, le parti d’extrême droite espagnole. Carlos Mazon est l’un des premiers représentants du Parti populaire, la droite traditionnelle espagnole, à avoir noué une alliance de gouvernement au niveau régional avec cette formation nationaliste farouchement climatosceptique. Un accord qui n’a pas été sans conséquence sur la gestion des crues autour de Valence.
« L’une des premières choses que les deux partis ont signées dans l’accord, c’était d’en finir avec les mesures qui visaient justement à lutter contre le changement climatique », rappelle Maria Elisa Alonso Garcia, spécialiste des partis espagnols à l’Université de Lorraine.
« Avant que Mazon ne soit élu à la tête de la région, il y avait une coalition entre les socialistes et les écologistes. En 2023, ils ont mis en place une unité d’urgence spéciale pour Valence qui cherchait à coordonner les services en cas de crise climatique, d’inondations et d’incendies, explique la chercheuse. Ils avaient même alloué un budget de 9 millions d’euros. Ils avaient trouvé les locaux, les experts, etc. Mais la première chose qu’a faite Mazon en arrivant au gouvernement avec Vox a été de démanteler ce système et de s’en vanter sur les réseaux sociaux, disant que ce projet était du gaspillage des deniers publics, qu’ils allaient utiliser l’argent pour d’autres choses. »
Ces derniers jours, il a également été rendu public le fait qu’un quart des postes chargés de la protection civile et des interventions d’urgence au sein de l’administration de la région de Valence étaient vacants depuis un an et n’avaient pas été remplacés.
La droite et la gauche espagnole s’écharpent sur qui — de la région ou de l’État — est le principal responsable. Carlos Mazon, appuyé par le Parti populaire, ne cesse de mettre la faute sur le gouvernement central, dirigé par un socialiste, Pedro Sanchez, qu’il accuse d’inaction.
Or, l’Espagne est un pays décentralisé, très polarisé, où la gestion de crise est une prérogative avant tout régionale : il aurait fallu que Carlos Mazon déclenche le niveau d’alerte 3 pour obtenir de l’aide du gouvernement. Le président régional de Valence n’a pas signifié qu’il en avait besoin.
De son côté, Pedro Sanchez, le chef du gouvernement n’a pas non plus déclaré l’état d’urgence qui aurait permis d’outrepasser l’autorité de la région. Le Premier ministre espagnol était probablement échaudé par son expérience pendant la pandémie de Covid, quand il était passé en force et avait imposé le confinement aux régions : énormément de tensions entre Madrid et les communautés autonomes avaient paralysé la vie politique pendant des mois.
Derrière la tragédie valencienne, il y a donc des enjeux institutionnels et politiques, qui devraient servir de leçons dans les prochaines crises climatiques.
C'est un virage à droite toute qui se confirme à la tête des conservateurs britanniques avec la désignation de Kemi Badenoch. Âgée de 44 ans, élevée au Nigeria, elle devient la première femme d'origine africaine à occuper un tel poste au Royaume-Uni. Son ambition : relancer un parti très affaibli après la débâcle subie aux dernières élections législatives.
Désignée avec près de 57% des suffrages pour succéder à l'ancien Premier ministre Rishi Sunak, elle promet de revenir aux valeurs fondamentales du Parti conservateur britannique. Députée depuis 2017, plusieurs fois ministre depuis 2019, Kemi Badenoch est l'une des figures d'une aile droite qui a pris le dessus au sein du parti.
« Pour être entendus, nous devons être honnêtes sur le fait que nous avons commis des erreurs et que nous avons laissé nos principes de base nous échapper », a-t-elle ainsi déclaré après sa victoire face à Robert Jenrick, qui s'était, lui aussi, positionné à la droite du parti. Avant d'arriver à la tête des Tories, cette informaticienne de formation a eu un parcours hors du commun.
Aujourd'hui âgée de 44 ans, mère de trois enfants, elle a grandi au Nigeria au sein d'une famille plutôt aisée – son père est médecin, sa mère universitaire. Dans les années 1990, ses parents décident de l'envoyer au Royaume-Uni en raison des turbulences politiques et économiques qui secouent le Nigeria. Et, dès les années 2000, elle s'inscrit au Parti conservateur où elle rencontre son futur mari, Hamish Badenoch, un banquier d'origine écossaise.
Elle va rapidement gravir les échelons au sein d'un parti qui souhaite se montrer plus inclusif sous la houlette de David Cameron. « Il y avait eu un ensemble de dispositifs et de mesures pour promouvoir les minorités ethniques, mais aussi les femmes au sein du Parti conservateur, décrypte Agnès Alexandra-Collier, professeur en civilisation britannique à l'université de Bourgogne. Et on a vu apparaître plusieurs personnalités issues de minorités ethniques comme Priti Patel ou Rishi Sunak, tous deux d'ascendance indienne. Kemi Badenoch parvient à réconcilier ces deux stratégies d'un parti qui se veut inclusif et qui poursuit sa progression idéologique vers la droite de l'échiquier politique. »
Au-delà de ce parcours, il y a la personnalité de la nouvelle dirigeante conservatrice, reconnue pour son charisme et son franc-parler, mais parfois critiquée pour ses déclarations à l'emporte-pièce. « Kemi Badenoch tient des propos assez provocateurs, mais, à la différence d'autres personnalités à laquelle elle est parfois comparée, c'est aussi quelqu'un d'assez réfléchi dans ses déclarations, sans l'agressivité et la virulence que l'on perçoit souvent à l'aile droite de la classe politique », nuance toutefois Agnès Alexandra-Collier.
Sur le fond, Kemi Badenoch propose un retour à ce qu'elle appelle le « vrai conservatisme » : favorable au Brexit, elle veut réduire l'immigration illégale, limiter le rôle de l'État, favoriser les entreprises. Enfin, elle affirme vouloir lutter contre le « wokisme », c'est-à-dire l'influence supposée des idées gauchistes au sein de la société. Et elle met en avant deux modèles : Winston Churchill et surtout Margaret Thatcher, la première femme à avoir dirigé le Parti conservateur (elle fut désignée en 1975) et le Royaume-Uni (de 1979 à 1989).
« La référence à Margaret Thatcher est un peu une référence obligatoire pour tout leader du Parti conservateur, pointe Thibaud Harrois, maître de conférences en civilisation britannique à l'université Sorbonne Nouvelle. Mais c'est aussi une façon pour elle d'assumer cet héritage libéral, de montrer qu'elle ne cherchera pas à transiger avec ce libéralisme, et qu'elle n'est pas du tout dans la lignée plus modérée de certains conservateurs. »
C'est donc un virage à droite assumé que propose Kemi Badenoch avec un double objectif : incarner une opposition frontale au nouveau gouvernement travailliste et reconquérir les électeurs séduits par Reform UK, le parti de Nigel Farage, positionné à la droite des Tories. Un double pari risqué pour la nouvelle dirigeante conservatrice, qui s'est fixé comme objectif de ramener son parti au 10 Downing Street, en 2029, lors des prochaines élections législatives.
Pour ce faire, elle devra remettre sur pied un Parti conservateur qui vient de subir sa pire défaite depuis des décennies – et qui se voit pris en tenaille sur sa droite par le Reform Party, et sur sa gauche par le Parti libéral-démocrate, revenu en force à la Chambre des Communes avec 72 députés. Avec seulement 121 sièges, le parti dont elle prend la direction aura du mal à exister face à un Parti travailliste, qui bénéficie d'une large majorité (402 députés).
Lorsque le Parti conservateur avait abandonné le pouvoir en 1997 au bénéfice des Travaillistes de Tony Blair, il avait mis 14 années à retrouver le pouvoir. La tâche s'annonce ardue pour Kemi Badenoch, qui pourrait bénéficier cependant des débuts plus que laborieux du gouvernement de Keir Starmer, déjà confronté à de nombreuses polémiques depuis que le dirigeant du Labour est entré au 10 Downing Street.
Il est Géorgien et se nomme Bidzina Ivanishvili. Il est l'homme le plus riche du pays et président d'honneur du parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012. Il est vu comme l'homme qui tire les ficelles de la turbulente vie politique de ce pays du Caucase déchiré entre l'aspiration à l'intégration européenne et le renforcement de la sphère d'influence russe.
À Tbilissi, il est difficile d'échapper à sa présence pour une raison simple et bien visible : son immense villa s'étale sur une colline dominant le quartier historique de la capitale. On y trouve, dit-on, un héliport, des appartements privés, un bureau panoramique, une galerie d'art où est exposé son Picasso à 95 millions de dollars... Il y a même un zoo privé et un aquarium dans lequel il cajole lui-même, de son propre aveu, un requin et une raie manta.
Le maître des lieux de ce palais de verre et d'acier porte des costumes de prix et des cheveux poivre-et-sel toujours impeccablement brossés en arrière. Calme, assumant une allure un peu pincée de colonel en civil, Bidzina Ivanishvili règne sur sa famille, sur son clan, sur son argent et sur son pays avec la même rigidité. De l'avis de nombre de ses adversaires qui l'ont connu dans le passé, c'est un homme qui aime exercer le pouvoir et qui, pour ce faire, s'appuie sur un entourage obscur. Mais c'est aussi un chef de parti très soucieux de préserver ses intérêts privés.
« Le qualificatif d'homme politique ne convient pas toujours à Ivanishvili parce que c'est une personnalité de l'ombre, explique ainsi le politologue Thorniké Gordadzé, enseignant à Sciences-Po, qui a été ministre dans le gouvernement ayant précédé l'arrivée en politique de l'oligarque. C'est quelqu'un qui déteste les réunions, qui n'aime pas parler aux diplomates et qui préfère rester chez lui. En revanche, il a un contrôle total à la fois sur le parti et le cabinet des ministres qui étaient ses anciens employés : son ancien garde-du-corps a été ministre de l'Intérieur puis chef des renseignements, son avocat ministre de la Justice, le dentiste de son épouse ministre de la Santé… Et on peut multiplier les exemples. »
Bidzina Ivanishvili dirige donc, de fait, les gouvernements successifs de la Géorgie depuis 2012. Et c'est lui qui, à l'aide de sa machine électorale et de ses obligés, a engagé la Géorgie dans la voie actuelle.
Vers quel but ? Après avoir voté le 26 octobre au milieu d'une violente bousculade de journalistes et de garde-du-corps, il a formulé ainsi ce qui, à ses yeux, était l'enjeu des législatives, qui sont depuis si controversées : « Soit nous choisissons un gouvernement qui vous servira, vous, le peuple géorgien, la société géorgienne, notre patrie, et s'occupera réellement de notre pays, soit nous choisissons des agents de l'étranger qui ne feront qu'obéir aux ordres de pays étrangers. »
Des forces occultes seraient donc à l'œuvre, selon lui, pour pousser la Géorgie à la guerre, comme elles auraient poussé l'Ukraine à la guerre en 2022 : tel était d'ailleurs son axe de campagne, telle est son obsession, tel est son croquemitaine préféré.
« L'homme est assez friand des théories du complot, explique Thorniké Gordadzé. Comme lui-même adore être dans l'ombre, il pense que le monde est gouverné par un nombre restreint de personnalités qui n'apparaissent pas : il le nomme le "Parti global de la guerre". Ce petit nombre contrôlerait Joe Biden, Ursula von der Leyen et la plupart des dirigeants et des chefs de gouvernement européens. Et dans cette configuration, il serait la seule personne qui protégerait la Géorgie d'une nouvelle guerre contre la Russie. »
La Russie, qui occupe encore une partie du pays depuis 2008 et qui est dans toutes les têtes en Géorgie, est en effet l'autre patrie de Bidzina Ivanishvili. Champion de la libre entreprise et de l'Europe hier, célébré par les milieux d'affaires occidentaux, il a même eu, pendant un temps, la nationalité française. Ce fils de mineur a bâti sa fortune à Moscou dans les années 1990, les grandes années du dépeçage de l'Union soviétique. Et de l'avis des bons connaisseurs du pays, on ne sort pas indemne ou totalement affranchi du Kremlin.
Pourtant, ses partisans et lui-même se taisent obstinément sur le sujet. Alors, son penchant pour Moscou ne serait-il qu'une rumeur malveillante ? Non, il s'agit d'un projet politique, estimait la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili. Les prochaines étapes pour son parti et lui, a-t-elle ainsi déclaré le 29 octobre 2024 sur RFI, « ils les ont annoncé au cours de la campagne électorale : l'arrestation des opposants, l'interdiction des partis politiques d'opposition, la mise en œuvre ''rigoureuse'' – comme ils disent – de la loi russe sur les ''agents étrangers'' qui pratiquement revient comme en Russie à la mise à pied et le placement sous contrôle de la société civile dans ses différentes formes, les ONG, les organisations humanitaires ou les médias... Et voilà, c'est bouclé, c'est un régime russe. »
Un régime, donc, qui serait au service exclusif de l'empire politique et financier de Bidzina Ivanishvili. On comprend pourquoi le site Politico le surnomme « l'homme qui s'est acheté un pays ».
C’est un second tour très délicat qui se profile le 3 novembre prochain pour Maia Sandu, la présidente pro-Europe de la Moldavie. Arrivée en tête du premier tour de l’élection présidentielle, le 20 octobre dernier, Maia Sandu est fragilisée par la victoire étriquée du référendum sur l’Union européenne organisé le même jour : seulement 50,4 % des voix en faveur de l’Union européenne.
C’est seulement au bout d’une nuit électorale éprouvante pour les nerfs que le verdict est tombé, avec une victoire du « oui » sur le fil du rasoir, obtenue grâce à l’apport tardif des voix de la diaspora. Pour le camp pro-européen, l’essentiel est sauf puisqu'avec ce « oui », l’objectif d’adhésion à l’Union européenne sera bien gravé dans le marbre de la constitution moldave.
Mais l’impact politique de ce vote étriqué sera forcément négatif, tant la présidente s’était personnellement impliquée dans la bataille du référendum. Maia Sandu ne s’y est pas trompée, qui fustigeait dans le courant de la nuit, alors qu’un décompte encore provisoire accordait la victoire au « non », une « attaque sans précédent contre la démocratie, à coups de désinformation et d’achat de voix. »
Aujourd’hui âgée de 52 ans, Maia Sandu conserve toutefois une base électorale importante - elle a tout de même obtenu 42 % des voix au premier tour et elle reste aux yeux de ses électeurs une présidente à la fois intègre et compétente. « J’ai voté pour elle parce qu’à mon avis, c’est la présidente idéale pour la Moldavie, nous confiait avec enthousiasme Tatiana, une habitante de Chisinau rencontrée lors de la journée d’élection du 20 octobre. Elle est intelligente, elle parle plusieurs langues, elle a rencontré les plus grands dirigeants de la planète. Et puis elle est intègre ! Elle se bat contre la corruption dans tous les domaines. »
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De fait, cette ancienne économiste de la Banque mondiale a un CV impressionnant et continue de vivre simplement, dans le modeste appartement qu’elle occupe avec sa mère. Les détracteurs de Maia Sandu lui reprochent cependant de ne pas avoir mesuré les conséquences de l’inflation qui a suivi la guerre en Ukraine (29 % en 2022).
« Elle devait augmenter les retraites, mais ce sont les prix qui ont augmenté, souffle Parascovia, une ancienne institutrice de 76 ans qui a été obligée de reprendre un travail pour subvenir à ses besoins. « Moi, j'ai travaillé plus de 40 ans et maintenant, j'ai une retraite de 4 300 lei [environ 200 euros, NDLR] ! Comment pourrais-je payer mon loyer, acheter mes médicaments ? Maia Sandu n’a pas tenu ses promesses et elle m’a beaucoup déçue. C’était des paroles, beaucoup de paroles, mais pas de résultats. »
Lors de son élection en 2020, Maia Sandu s’est engagée à réformer la justice et à combattre la corruption. Elle se présentait comme une candidate favorable à l’Europe, mais n’a pas tout de suite rompu avec la Russie. « À partir de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en 2022, la Moldavie ne pouvait plus rester à l’écart et rester amie avec tout le monde, l’Occident et la Russie, ce qu’elle faisait depuis son indépendance, il y a 30 ans, se rappelle Vladislav Kulminiski, ancien vice-Premier ministre de Maia Sandu. Dès lors, son discours et son attitude ont changé : elle a dit que la menace venait de la Russie et que pour préserver la paix en Moldavie, il fallait rejoindre l’Union européenne. »
Sandu rompt alors avec la Russie, se tourne résolument vers le camp occidental et voit son activisme diplomatique couronné de succès, puisque l’Union européenne accepte d’ouvrir des négociations d’adhésion avec la Moldavie en juin dernier.
Revers de la médaille, ce choix pro-occidental suscite l’inquiétude d’une partie de la population, attachée à la neutralité de la Moldavie. « La propagande russe a imposé l’idée que l’UE veut dire l’Otan, décrypte Catherine Durandin, professeur honoraire à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). La propagande insiste sur le fait que l’UE va entraîner la Moldavie dans la guerre en Ukraine. Or, la population veut la paix à tout prix et a peur de ce glissement vers l’UE et vers l’Otan. »
Autre angle d’attaque du camp pro-russe, tout comme en Géorgie : l’idée qu’une adhésion à l’UE menacerait les valeurs traditionnelles – valeurs fondées sur la religion orthodoxe et une conception conservatrice de la famille. « L’Union européenne est présentée par la propagande pro-russe comme un monde décadent qui rendrait obligatoire, par exemple, les mariages homosexuels, pointe Catherine Durandin. L’UE est également associée à un irrespect des valeurs familiales. Et la propagande insiste sur la vie privée de Maia Sandu qui est une femme célibataire et sans enfants. »
Le second tour qui aura lieu le 3 novembre prochain s’annonce d’autant plus délicat pour Maia Sandu qu’elle ne dispose que d’une très faible réserve de voix. Tandis que son adversaire, l’ancien procureur général de Moldavie Alexander Stoianoglu, va pouvoir compter sur le ralliement de quasiment tous les candidats défaits au premier tour, favorables comme lui à une relation apaisée avec la Russie.
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Elle vient tout juste d’avoir son diplôme mais elle a déjà une sacrée expérience politique. Dasha Navalnaïa est notre Européenne de la semaine. La fille aînée d’Alexeï Navalny, l’opposant russe mort en détention en février dernier, s’est engagée dans le prolongement du combat mené par son père jusqu'à prêter main forte à la campagne de Kamala Harris.
En 2023, âgée d’à peine 23 ans, Dasha Navalnaya donne une conférence Ted en Géorgie et se met dans les pas de son père. Alexeï Navalany était à l’époque encore en vie dans sa prison : « Si être la fille de mon père m'a appris quelque chose, c'est de ne jamais céder à la peur et à la tristesse. La Russie est ma maison et je vous le promets : je continuerai à m'exprimer, à dire la vérité et à me battre jusqu'à ce que la Russie devienne un pays libre et démocratique. Libérez Alexeï Navalny ».
C’est aussi elle qui reçoit au nom de son père le prix Sakharov au Parlement européen en 2021. Très jeune mais déjà très politique. À tel point qu’elle est aujourd’hui l’une des rares voix de l’opposition russe en exil.
Son vrai prénom est Daria mais tout le monde la connaît sous son diminutif Dasha. Elle vient de finir ses études dans la prestigieuse université américaine de Stanford en Californie après une enfance évidemment particulière. La première fois que la police est entrée dans l’appartement familial, elle avait 10 ans. « C'est l'engagement politique de son père au péril de sa vie qui est le fait le plus marquant de cette enfance », note Cyrille Bret chercheur à l’institut Montaigne, spécialiste de la Russie. « Cela détermine sa prise de position dans la politique russe bien sûr, mais aussi dans la politique américaine ». Son diplôme de psychologie et de sciences politiques en poche, Dasha Navalnaya a fait un choix surprenant : elle vient de s’engager pour Kamala Harris. Pour s’occuper de sa campagne en Pennsylvanie comme nous l'apprend le journal britannique The Times.
Dasha Navalnaya est « field organiser », une coordinatrice sur le terrain chargée d'organiser la mobilisation des électeurs et l’animation des sections locales du parti démocrate. Depuis le mois d’août, elle s’est engagée en Pennsylvanie, un État clé pour l’élection de novembre. Un premier job annoncé discrètement sur son compte Linkedin. Si elle n’a pas soutenu officiellement Kamala Harris, c’est quand même un choix surprenant, même pour le chercheur Cyrille Bret : « c'est évidemment un engagement politique dans la continuité des valeurs défendues par son père. Mais en même temps, c'est une façon de s'ancrer dans le paysage politique américain, ce qui risque de la discréditer assez durablement sur la scène politique russe ».
À l'étranger, c’est déjà l’une des principales figures anti-Poutine, aux côtés de sa mère. Dasha Navalnaya a donné plusieurs interviews marquantes, au magazine allemand Spiegel ou la télé américaine CNN. Elle a aussi mené une série d’entretiens très politiques avec des jeunes sur sa chaîne YouTube. Mais c’est surtout sur son compte Instagram et avec ses 264 mille followers que Dasha partage sa vie quotidienne d’une jeune de son temps, malgré les menaces qui pèsent sur elle. Alors peut-elle vraiment jouer un rôle politique en Russie en vivant aux États-Unis ? « Si elle voulait jouer un rôle politique actif en Russie, c'était plutôt le chemin du martyr de son père qu'il aurait fallu suivre », relève le chercheur Cyrille Bret. « Pour qu’une figure de ce type-là, de l'exil, diplômé de Stanford, ait un rôle politique en Russie, il faudrait tout simplement qu'il y ait un changement de régime à Moscou ». On se pose la même question pour sa mère Ioulia. Et c’est difficile de mesurer auprès des Russes l’impact des prises de paroles de la veuve de Navalny, qui vit cachée quelque part en Europe. Pour Cyrille Bret, les jeunes russes, même s’ils entendaient Dasha Navalnaya, ne la suivraient probablement pas : « La population jeune des grands centres urbains de Russie est évidemment plus enclin à rejoindre la contestation du régime. Mais c'est intégralement une génération Poutine. C'est Vladimir Poutine qui a façonné la culture politique du pays. Et cette culture politique est aujourd'hui faite pour rendre inaudible toute parole qui viendrait de l'étranger ». Dasha Navalnaya, elle, l’assure, elle retournera vivre un jour à Moscou, sa ville préférée.
Il avait choisi de prendre les armes contre son propre pays pour défendre l’Ukraine. Et sa mort sur le front, dans la région de Kharkiv, a suscité une immense émotion dans les rangs de l’opposition russe. Ildar Dadin était en effet une figure emblématique de la lutte contre Vladimir Poutine, des premières manifestations contre les fraudes électorales au refus de la guerre en Ukraine.
Mort les armes à la main contre les soldats de son propre pays, Ildar Dadine était devenu un symbole de l’opposition russe bien des années auparavant. En 2015, il fut le premier à être condamné à une peine de prison ferme simplement pour avoir manifesté dans les rues de Moscou. Deux ans et demi de prison en vertu d’un article du code criminel russe adopté sous la pression de Vladimir Poutine. L’arrestation et la condamnation d’Ildar Dadine sera le signe avant-coureur de la machine répressive qui allait progressivement broyer l’opposition russe.
« Ildar Dadine était un militant acharné contre l’injustice et pour la défense des droits et des libertés en Russie », témoigne Olga Prokopieva, présidente de l’association Russie-Libertés. « Et pour avoir manifesté à plusieurs reprises il a été condamné à plusieurs années de prison. Pour nous, il incarnait la résistance non-violente face à fraudes électorales et à la dérive répressive du régime poutinien. » Le symbole est tel que l’article 212.1 qui permet à la justice de condamner un individu pour avoir manifesté à plusieurs reprises sans autorisation préalable sera surnommé « loi Dadin » par les opposants et les médias russes.
Né en avril 1982 dans la région de Moscou, Ildar Dadine devient agent de sécurité après son service militaire et se met à militer au début des années 2010. Comme il le raconte lui-même dans un entretien accordé des années plus tard à l’ONG russe OVD-Info, ce sont les fraudes électorales qui le poussent à s’engager. « J’ai manifesté pour la première fois sur la place Bolotnaya à Moscou, en décembre 2011… J’étais indigné par la victoire frauduleuse de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, et j’avais réalisé que nous étions trompés par le pouvoir ».
Cet engagement le conduit en prison où il sera battu et torturé – simulations de noyade et menaces de viol, des sévices qu’il dénoncera publiquement. « À cette époque-là, les mauvais traitements s’appliquaient surtout aux prisonniers de droit commun, qui avaient peu accès à des avocats et encore moins aux médias », explique Anne Le Huérou, maîtresse de conférence à l’Université de Nanterre, et spécialiste de la Russie. « Ildar Dadine, lui, était déjà un petit peu connu, il savait que des organisations existaient qu’ils pouvaient solliciter, comme le Comité contre la torture… Il n’a pas eu peur, il a réussi à rendre visible son cas et à décrire de manière très précise tout ce dont il a été victime ».
Sa détention et les sévices qui lui ont été infligés ne brisent pas sa détermination et sa volonté de résister au régime poutinien. Et il continuera de militer et de manifester dans les années qui suivent sa libération. Puis, le 24 février 2022, Vladimir Poutine lance l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Comme nombre d’opposants à la guerre, sur lesquels plane désormais le risque d’une condamnation à plusieurs années de prison, il se résout à fuir la Russie. Il passe par la Pologne puis se rend en Ukraine où il s’engage, sous le pseudonyme « Ghandi », dans les bataillons de volontaires russes.
« Il a pris les armes tout en disant qu'il était pacifiste, qu’il détestait l'idée de tuer quelqu'un, mais qu’il devait s’opposer de la façon la plus efficace possible à un mal aussi immense que celui représenté par la Russie lorsqu'elle attaque l'Ukraine, pointe Cécile Vaissié, professeure en études russes à l’Université de Rennes-II. « Et il avait cette phrase : "la seule façon que je vois de s'opposer aux crimes commis par la Russie, c'est malheureusement de tuer le tueur"… Il aurait pu rester tranquillement dans l'immigration, il aurait pu rester à Varsovie comme d'autres le font encore maintenant. Mais il a dit qu’il se devait de prendre la défense du plus faible, y compris quand il s'agit de se battre contre les troupes de son propre État ».
Pour se battre, Ildar Dadine rejoint le Bataillon de Sibérie puis il intègre la Légion liberté de la Russie, un groupe de volontaires russes qui veut défendre l’Ukraine bien sûr mais qui veut également préparer la chute de Vladimir Poutine. À leurs yeux, seule une défaite militaire de la Russie pourra permettre de renverser le président russe et son régime – et la guerre en Ukraine ne serait de ce point de vue que le prélude à cette lutte armée sur le sol russe. Une stratégie qui suscite un vif débat au sein de l’opposition en exil – ce qui ajoute aux divisions qui contribuent à l’affaiblir.
« Certains leaders de l'opposition se sont positionnés pour un soutien à cette lutte armée - y compris financièrement pour ceux qui en auraient les moyens – et c’est le sens de l’appel lancé récemment par Gary Kasparov, décrypte Anne Le Huérou, de l’Université de Nanterre. « Mais d’autres sont résolument contre, et estiment qu'il n'y aurait rien de pire que d'ajouter une guerre civile à cette guerre d'agression que mène la Russie. Ceux-là considèrent que ce n'est tout simplement pas possible aujourd'hui de vaincre le régime de Vladimir Poutine par une résistance armée ».C’est le cas notamment, des partisans d’Alexeï Navalny. Mort en prison en février 2024 l'opposant avait toujours refusé de lancer des appels à l’action violente et prônait une contestation pacifique du pouvoir en place. Loin des débats et des dissensions qui agitent aujourd’hui l’opposition russe en exil, Ildar Dadine avait choisi d’agir, au péril de sa vie. Son itinéraire de militant l’aura conduit des rassemblements pacifiques de l’hiver 2011-2012 aux tranchées de la guerre en Ukraine – un raccourci tragique et emblématique de ce qu’auront vécu, en moins d’une décennie, les militants russes de l’opposition anti-Poutine.
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Il a pris la tête de l’Otan mardi 1er octobre : le Néerlandais Mark Rutte est le nouveau visage de l’Alliance atlantique. Celui qui affiche une longue expérience politique a placé son mandat sous le signe du soutien à l’Ukraine, où il s'est rendu pour son premier déplacement.
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