RFI et France 24 vous proposent un rendez-vous intitulé « Ici l’Europe ». Un entretien avec une personnalité européenne signé Dominique Baillard (RFI) et Caroline de Camaret (France 24). Tous les quinze jours, le vendredi, un grand entretien avec une personnalité européenne, un entretien avec un des grands acteurs de l’Europe d’aujourd’hui, qui nous parle de la construction de l'Europe, de sa proximité avec les citoyens et des enjeux internationaux qui l’attendent. Une coproduction RFI/France24.
Cette semaine, nous recevons Younous Omarjee, vice-président français du Parlement européen, membre du groupe de La Gauche (LFI). Il commente les auditions des futurs commissaires européens ainsi que les conséquences pour l’UE de l’élection de Donald Trump.
À la suite des auditions des futurs commissaires européens à Bruxelles, plusieurs nominations pourraient être retoquées par les eurodéputés sur fond de conflits politiques entre les différents partis : «C'est un moment qui doit être envisagé très sérieusement et nous regrettons évidemment la manière dont cela se déroule depuis le début, cela affaiblit considérablement le Parlement européen», explique le vice-président du Parlement. Il regrette les considérations politiques «qui entrent en ligne de compte et qui viennent parasiter ces auditions. Il y a encore une incertitude (sur leur issue) car les grands groupes politiques n'arrivent pas à se mettre d'accord. C’est une crise politique», regrette Younous Omarjee.
Au cœur de la polémique, l'Italien Raffaele Fitto, nommé par Giorgia Meloni et issu de son parti de droite radical Fratelli d'Italia : «Il aurait été surprenant que Giorgia Meloni nomme un gauchiste à la commission européenne», reconnaît Younous Omarjee. «Raffaele Fitto a été poussé dans ses retranchements sur la question de sa maîtrise des enjeux en matière de politique de cohésion, mais également sur un certain nombre de dimensions politiques. Chaque commissaire doit en réalité porter des valeurs de l’UE et des droits fondamentaux. Il est évident que notre groupe ne va pas accepter ce candidat», explicite-t-il. Le vice-président du Parlement européen questionne les intentions de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen : «Il y a une nouvelle possibilité de majorité dans le Parlement européen qui se dirige à droite toute», regrette-t-il. «Il y a un risque très élevé que nous entrions dans un moment de déconstruction de toutes les avancées obtenues en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de défense des droits fondamentaux et de défense des droits des femmes».
En ce qui concerne l’audition du Français Stéphane Séjourné, candidat au poste de commissaire européen à la stratégie industrielle, «elle s'est passée dans les formes acceptables». Son audition a notamment porté sur la question de la signature des accords du Mercosur alors que le Premier ministre français Michel Barnier a dit qu’il ne l'accepterait. Le vice-président du Parlement critique la toute-puissance de la Commission européenne qui négocierait directement ces accords, sans consulter ni les États membres ni le Parlement européen. «Les affirmations du Premier ministre qui consistent à dire que la France refusera le Mercosur doivent véritablement être suivies d'effets. La France doit organiser au sein du Conseil européen une minorité de blocage de cet accord. C'est le seul moyen de pouvoir faire reculer la Commission européenne qui a fait le choix de tuer une partie de l'agriculture européenne», estime Younous Omarjee.
L’élection de Donald Trump à la présidence américaine, pour l’eurodéputé insoumis, « c’est le moment pour l'Union d'exister en tant que puissance. Il y a une ambiguïté stratégique chez Donald Trump et une très grande imprévisibilité dans la manière dont il va conduire sa politique internationale. Il rappelle la responsabilité des Européens à continuer de soutenir l’Ukraine face à la Russie. Le vice-président concède tout de même des divergences d’opinion au sein des Vingt-Sept au sujet de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. «Nous ne sommes pas du tout préparés», ajoute-t-il à propos de cette possible adhésion.
Au procès des assistants parlementaires du Front National, accusé de détournement de fonds du Parlement européen, le Parquet réclame une peine d'inéligibilité pour tous les prévenus, dont Marine Le Pen. Younous Omarjee estime qu’il n'y a pas de procès politique. «Il y a eu la constatation par le Parlement européen de la violation des règlements du Parlement européen qui s'imposent à l'ensemble des groupes politiques», conclut le vice-président du Parlement européen, une institution qui s’est portée partie civile.
Cette semaine, nous recevons Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et ancien commissaire européen. Il commente la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine et ses conséquences pour l'Union européenne. Il revient également sur le déficit record de la France et les efforts financiers à réaliser dans les prochaines années.
À la suite de l'élection de Donald Trump, l'Union européenne s'inquiète des conséquences de cette victoire. «On a espéré conjurer cette victoire et je pense que c'est tout de même une nouvelle difficile pour le monde, pour la France, pour l'Europe», explique Pierre Moscovici. «Ce sera difficile, peut-être même très difficile», ajoute-t-il à propos du mandat à venir de Donald Trump.
S'il est sceptique face aux actions à venir du futur chef d’État américain, il explique qu'«il ne faut jamais condamner un président par avance». «Lors de son élection, Donald Trump a été un peu plus apaisé dans ses propos. Il a manifesté la volonté d'unir les Américains», ajoute le premier président de la Cour des comptes.
Pierre Moscovici rappelle les liens qui unissent les États-Unis et l'UE. «Ils sont nos alliés. Ce sont nos amis», dit-il. S'il estime que Joe Biden avait renoué des liens avec le Vieux Continent, il rappelle l'attitude beaucoup plus isolationniste de Donald Trump. «Depuis quelque temps, l'Europe n'est plus la priorité des États-Unis», explique Pierre Moscovici. «Donald Trump est un businessman, donc il fait ce qu'il dit. Les risques sont multiples», estime l'ancien commissaire européen. «Espérons le mieux mais le mieux, c'est une sorte de neutralité, d'amitié un peu contrariée», insiste-t-il.
En ce qui concerne le conflit en Ukraine, que Donald Trump affirme pouvoir régler en 24 heures, Pierre Moscovici reste prudent. «Si c'est aux conditions de Vladimir Poutine, c'est difficile», explique-t-il. Il rappelle les conséquences désastreuses qu'aurait un arrêt du soutien américain à l'Ukraine et ainsi l'importance de renforcer une défense européenne. «Il faut montrer que nous sommes capables de nous défendre, non pas sans les Américains car nous resterons dans l'OTAN mais éventuellement par nous-mêmes si la situation l'exige», explique Pierre Moscovici.
D'un point de vue économique, Pierre Moscovici rappelle que la politique de Donald Trump impliquera un protectionnisme plus appuyé du pays. Le républicain souhaite taxer l'Union de 10% de droits de douane supplémentaires. «Cela peut générer de l'inflation et créer des difficultés pour nos entreprises», explique-t-il. «C'est pour cela que je parle de sursaut existentiel de l'Europe, parce que ça veut dire que dans cette situation-là, nous n'avons pas d'autre alternative que de nous construire, de regarder le monde», ajoute-t-il.
En France, le déficit record qui risque de dépasser les 6% du PIB à la fin de l'année, alarme Pierre Moscovici. «Nous ne maîtrisons pas notre dette, elle est aujourd'hui la troisième de l'Union européenne en pourcentage du PIB, à plus de 110% et elle continue d'augmenter», explique-t-il. En ce qui concerne l'influence de la France dans l'Union, la situation économique du pays agit comme «un facteur d'affaiblissement objectif dans la mesure où nous avons connu une année noire en 2024», ajoute Pierre Moscovici. Sans parler d'austérité, il évoque «une phase d'effort qui va durer plusieurs années». «Il y a eu une phase expansionniste. Il faudra basculer dans un mode d'économie sur la dépense publique avec la réforme des services publics et une qualité de la dépense publique qui permet de réduire notre déficit», détaille-t-il.
Nous accueillons, cette semaine, Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne. Il revient sur le déficit record et l’endettement de la France, les fragilités du couple franco-allemand au sein de l’UE ainsi que sur les conséquences de l'élection américaine pour l’Union.
Avec un déficit record qui risque de dépasser les 6% du PIB cette année, la France est dans le viseur de l’Union européenne. « Elle est vraiment très endettée et elle est, de ce point de vue, le plus mauvais pays d'Europe », explique Jean-Claude Trichet. Si l’ancien président de la BCE se dit rassuré de voir le gouvernement français prendre le problème à bras-le-corps, il confirme qu’il faut « absolument redresser la barre ». « Il me semble que les marchés font pour le moment confiance au nouveau gouvernement », explique l’économiste qui pense que le pays évitera le pire si le déficit est ramené à 5% l’année prochaine.
Alors que la règle au sein de l’UE est de ne pas dépasser les 3% d'endettement par rapport à son PIB, la France fait figure de mauvais élève. La gestion des finances au cours de ces dernières années est à présent questionnée. « Je pense que nous aurons un début d'explication avec la commission qui a été créée et qui devrait nous permettre de mieux comprendre ce qui s'est passé », explique Jean-Claude Trichet.
Le pays doit aujourd'hui réaliser 60 milliards d'économies, ce qui implique un effort collectif de la part des Français. « Les Français parlent de rigueur, d'efforts considérables, alors que c'est un pays qui n'est pas rigoureux », estime l’économiste. « Les Français se plaignent en permanence d'une absence de dépenses publiques et en fait, ils dépensent plus que tous les autres », ajoute-t-il. « La France n’a plus de cartouches », constate Jean-Claude Trichet au sujet du déficit public.
En Allemagne, l’économie est également en berne. L’entreprise Volkswagen étudie actuellement un vaste plan de licenciements et la récession du pays est redoutée. « L’Allemagne est particulièrement touchée sur le plan de la croissance, mais c’est en même temps un pays sain qui inspire confiance et donc je ne crois pas qu'il faille dramatiser le problème allemand », estime l’ancien président de la Banque centrale européenne.
Face aux difficultés économiques de la France et de l’Allemagne, le couple franco-allemand, souvent considéré comme le moteur de l’UE, est mis à mal. « Il y a une chose qui est sûre : la condition nécessaire, sinon suffisante, pour que l'Europe fasse des progrès, c'est qu'il y ait un bon accord franco-allemand sur les progrès à faire », explique Jean-Claude Trichet. Il ne s’agit pas de la seule condition car, selon lui, « il faut convaincre les autres pays d'aller dans cette direction ».
À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, « quel que soit le nouveau président des États-Unis, les problèmes entre l'Europe et les États-Unis demeureront », selon Jean-Claude Trichet. « Les États-Unis sont très orientés sur leurs propres intérêts. Ils ont la capacité d'imposer beaucoup de choses au reste du monde pour des tas de raisons, et notamment à cause du fait qu'ils ont une fédération politique achevée », poursuit-il. L’économiste explique cette force par l’existence aux États-Unis d’un marché, d’une monnaie, d’une armée et d’une diplomatie unique. « Quel que soit le nouveau président, nous aurons à défendre nos intérêts avec acharnement », dit-il. « L’UE a besoin de faire encore beaucoup de progrès dans la voie de la fédération politique », conclut Jean-Claude Trichet.
Cette semaine, nous recevons Andrej Plenković, Premier ministre de la Croatie, pays des Balkans entré dans l'Union européenne en 2013. Membre du parti de droite HDZ qui siège au sein du Parti populaire européen en Europe, il revient sur un potentiel élargissement de l’UE à d’autres pays des Balkans occidentaux ainsi que sur le rôle des Vingt-Sept dans les conflits en Ukraine et au Proche-Orient.
En Moldavie, le «oui» l’a emporté de justesse lors du référendum sur l'inscription dans la constitution de l'objectif d'adhésion du pays à l'UE. La présidente sortante Maia Sandu devra affronter son opposant soutenu par les socialistes pro-russes à l'élection présidentielle du 3 novembre. «Il s'agit d’une nation divisée et polarisée où il y a sans doute eu beaucoup d'influences dans le débat», explique Andrej Plenković. Il apporte son soutien à Maia Sandu et dénonce «la guerre de la désinformation» venant de la Russie : «Elle est présente et il faut se battre pour la vérité et pour les faits», ajoute-t-il.
La Serbie est une candidate à l’adhésion à l’UE potentiellement problématique car elle n’a pas coupé ses liens avec la Russie : «Tous les pays de la région doivent remplir les critères» et s'«aligner» au mieux avec la politique de l’Union. «Si la Serbie est véritablement déterminée à rejoindre l'Union européenne, il faut qu’elle le montre dans tous les domaines, y compris la politique étrangère et en matière de sécurité», critique le Premier ministre croate.
L’UE veut durcir sa politique migratoire en envoyant des migrants dans des pays tiers « de retour ». Par exemple, l’Italie vient d'ouvrir deux centres de rétention en Albanie. «Nous sommes un peu réservés», explique-t-il au sujet de cette méthode de sous-traitance. «Pour le moment, nous voyons beaucoup de difficultés juridiques et opérationnelles. Nous attendons de voir quelles seront les vraies conséquences». Il dénonce par ailleurs « une politique de militarisation des migrants illégaux poussés vers la frontière orientale », envoyés par la Russie et la Biélorussie pour faire pression sur la Pologne de Donald Tusk.
Le sujet de la migration sera au cœur du débat avec la mise en place d’un nouveau portefeuille de Commissaire à la Méditerranée, Dubravka Šuica, une Croate nommée par M. Plenkovic : «Je suis sûr qu’elle va mettre l’accent sur toutes les politiques de l'UE en lien avec les pays du nord de l'Afrique et de la Méditerranée y compris la politique migratoire, les crises humanitaires, les politiques de transport, de développement et les politiques de coopération économique».
En ce qui concerne le rôle de l’Union dans la résolution du conflit au Proche-Orient, le Premier ministre affirme que le sujet est au centre des préoccupations : «C'est un des dossiers sur lequel nous débattons à presque chaque Conseil européen, à presque chaque réunion du ministère des Affaires étrangères», se défend-il. «Il faut que tous les pays de l'UE envoient de l'aide humanitaire lors de situations de crise où la population est en difficulté», assure Andrej Plenkovic.
À quelques semaines du résultat de l’élection présidentielle américaine qui pourrait voir Donald Trump élu, Andrej Plenkovic reconnaît par le passé «une cohabitation difficile» sur certains sujets avec l’administration Trump. Il reste cependant mesuré et souhaite une continuité de relations bilatérales : «Il faut mettre au premier plan ce qui nous lie. C’est plus fort que les choses qui nous séparent», conclut-il.
Nous recevons cette semaine Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la sécurité, dont le mandat prendra fin dans les semaines à venir. Il revient sur le rôle de la diplomatie européenne dans la résolution des conflits au Proche-Orient et en Ukraine. C’est également l’occasion pour Josep Borrell de faire le bilan de son mandat et d'envisager les priorités futures de l’UE.
Au lendemain de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, Josep Borrell appelle à la paix dans la région. «C'est l’occasion de finir la guerre et de faire libérer les otages», explique-t-il. «C'est le moment de dire assez et de regarder vers le futur», ajoute le chef de la diplomatie européenne. «Parmi les Vingt-Sept, il y a des positions très différentes», notamment face au droit à la défense de la part d’Israël. «Quelles sont les limites du droit à la défense ? Le Droit humanitaire,» répond Josep Borrell. «Quand on voit ce qu'on voit dans la destruction de Gaza, la question est pertinente», ajoute-t-il.
Cette semaine, l'Union européenne invitait à Bruxelles les États du Golfe à l’occasion d’un premier sommet. Josep Borrell rappelle sa volonté de travailler main dans la main avec les pays arabes. «La volonté de travailler ensemble est là», explique-t-il, pour travailler à la mise en place d'un État palestinien.
Sur le chapitre de l'Ukraine, Le président Volodymyr Zelensky a également présenté cette semaine son «plan de victoire» face à la Russie. Un plan que le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères juge «tout à fait logique, car le but final de l'Ukraine est l'adhésion à l'UE et à l'OTAN». Josep Borrell reconnait le blocage de certains pays et notamment du Premier ministre hongrois, Viktor Orban : «J'ai encore la tâche de trouver des solutions pour que la Hongrie ne bloque pas l'aide militaire à l'Ukraine. Je pense que nous allons y arriver au prochain Conseil de l’UE.»
L’immigration est également au cœur des débats. Alors que la position de l’UE se durcit sur la question de la sous-traitance des demande d’asile à des pays tiers, celui qui se définit comme «un homme de gauche» dit ne pas partager cette approche. «Certes, il faut protéger nos frontières» et faire en sorte «que les migrants arrivent d'une façon ordonnée», il prône cependant «une approche plus équilibrée», comme celle de Pedro Sanchez en Espagne. «La dynamique de la peur ne peut pas dicter la politique migratoire. Beaucoup de pays européens ne marcheraient pas sans un certain nombre de migrants, de jeunes et de leur capacité de travail», explique-t-il. Le chef de la diplomatie appelle également à renforcer la coopération avec l’Afrique sur d’autres sujets que la migration. «L’Afrique, c’est beaucoup plus que ça», dit-il. «Il ne faut pas oublier sa dynamique économique et sa capacité à produire tout ce qu'il nous faut, à commencer par des matériaux critiques».
Puis, à quelques semaines de l’élection présidentielle américaine, le chef de la diplomatie européenne juge la position de Kamala Harris «beaucoup plus réaliste» notamment au sujet de la résolution du conflit en Ukraine : «Qui peut imaginer que nous pouvons arrêter une guerre en une semaine ?», fustige Josep Borrell à la suite des propos de Donald Trump qui affirme qu’il réglerait le conflit en un jour s’il était élu.
Alors que son mandat touche à sa fin, Josep Borrell regrette le repli sur soi de certains pays européens. «Les Européens, chacun de leur côté, sont trop petits. Il faut absolument que nous ayons une politique beaucoup plus intégrée et je trouve que les réflexes nationaux sont encore beaucoup trop forts», conclut-il.
Nous accueillons cette semaine Pierre Vimont, chercheur associé à la Fondation Carnegie Europe et ancien secrétaire général du Service européen pour l'action extérieure. Il revient sur le grand oral du Premier ministre hongrois Viktor Orban devant le Parlement européen, qui a mis à jour les divisions sur l‘Ukraine ainsi que sur les défis à venir de la nouvelle mandature.
Pour Pierre Vimont, la position controversée du Premier ministre hongrois Viktor Orban sur l’Ukraine, tient pour une part de la « provocation. Mais Viktor Orban estime aussi qu'il dit haut et fort des choses que beaucoup d'autres dirigeants européens pensent mais n'osent pas dire », explique-t-il. « Depuis longtemps, il appelle ses partenaires européens à avoir entre eux une vraie discussion sur l'Ukraine et sur l'objectif final que nous souhaitons atteindre », reconnait Pierre Vimont. « Actuellement, sur le terrain, c'est devenu beaucoup plus difficile. La vérité, c'est que nous sommes un peu dans une impasse », admet-il. Il demande en même temps une « très grande fermeté quand Orban ignore les règles européennes, fait du chantage et bloque pratiquement toutes les décisions d'aide à l'Ukraine ».
En matière d’immigration, celui qui a été en charge d’un grand sommet UE-Afrique se désole des tragédies et noyades en mer qui touchent les migrants. Il conseille de signer de grands accords avec les pays de transit, mais aussi et surtout coopérer avec l’Afrique globalement, sur des questions autres que la migration. « Il faut s'attaquer à la source des problèmes et aller vers les pays d'origine en Afrique, dans le Sahel et dans d'autres pays encore, pour voir avec eux comment nous pourrions les aider à régler leurs problèmes de fond. » Il loue la politique migratoire de l’Espagne qui, selon lui, « essaie de manière très concrète de faire avancer les choses ».
L’ancien ambassadeur de France aux États-Unis évoque les conséquences d’une possible victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Selon les proches du candidat républicain, « il faudrait plus ou moins accepter la situation actuelle et donc reconnaître que la Russie occupe une partie du territoire ukrainien (…) et qu'il ne faut pas accepter que l'Ukraine entre dans l'OTAN », s’inquiète-t-il. « Nous voyons bien que ce sont des positions qui ne sont pas du tout celles des pays européens ! »
Face à l’embrasement du conflit au Proche-Orient, il reconnait « l’impuissance » de l’Europe : « Elle a disparu de la scène du Moyen-Orient depuis 10 ans », dit-il. Alors qu’elle fait les bonnes analyses et pèse économiquement, « Ce qui lui manque, c'est le passage à l'action », détaille l’ancien ambassadeur.
Enfin, au sujet du déficit et de l’endettement de la France, Pierre Vimont ne croit pas en une cure d’austérité comparable à celle de la Grèce, mais appelle le pays à « revenir dans les clous de Maastricht ». « Nous n'avons pas été capables de le faire depuis des dizaines d'années, alors que chaque fois que l'un de nos partenaires européens se retrouvait dans cette difficulté, nous lui demandions immédiatement de faire le nécessaire. Donc il est temps pour la France de revenir à un peu de rigueur », ajoute-t-il. Il connait bien Michel Barnier pour avoir été son directeur de Cabinet au Quai d’Orsay, et il reconnait la situation affaiblie du pays : « Quand vous êtes dans une situation de difficultés financières et plus généralement de difficultés économiques, les autres pays membres ne vous regardent plus tout à fait de la même manière. Un gouvernement sans majorité ne passe pas non plus inaperçu à Bruxelles ! ». Selon lui, la France est supplantée par d’autres pays, plus à l’Est et au Nord, qui font preuve de moins d’initiatives et d’idées: « L'affaiblissement de la France n'est pas forcément une bonne chose pour l'Europe », conclut-il.
Premier ministre belge de 2014 à 2019, il a ensuite pris la tête du Conseil pour un mandat qui se termine fin novembre 2024. Inquiet pour notre Europe dans un monde impitoyable : « Depuis ces dernières années, on voit bien qu'il y a un cocktail d'incidents, de crises de guerre qui est extrêmement dangereux. Je lance au nom de l'Union européenne un appel à se ressaisir ».
Le Proche-Orient s’est embrasé depuis un an : « Je crois qu'il faut faire plus, martèle-t-il, l'obsession maintenant doit être de stopper cette escalade. Il y a évidemment une très forte condamnation de la part de l'Union européenne de ces attaques terroristes immondes qui ont été perpétrées par le Hamas contre le peuple d'Israël. Et dans le même temps, Israël a le droit de se défendre et doit le faire dans le respect du droit international. » Quelle diplomatie européenne ? « Je pense que nous sous-estimons nos capacités d'influencer positivement la situation dans cette région, répond-il. Et trop souvent, il y a peut-être la tentation facile de considérer que d'autres sont en responsabilité. Les États-Unis ou les pays de la région. »
En Ukraine, avant un hiver redouté, la présidente de la Commission a annoncé 35 milliards d'euros garantis par les bénéfices exceptionnels provenant des avoirs russes gelés : « Le message est très simple, explicite-t-il. L’Union européenne tient et tiendra ses engagements. Et d'ailleurs, il pourrait y avoir une voix discordante, celle peut être du Premier ministre hongrois Viktor Orban. Cela n'empêchera pas de prendre la décision puisque nous pourrons, sur un sujet pareil, agir à la majorité qualifiée. » Orban a eu beau rencontrer Vladimir Poutine, 26 États membres sur les 27 se sont soudés pour réaffirmer avec encore plus de force et plus de détermination le soutien à l'Ukraine.»
Le rapport de Mario Draghi demande aux dirigeants de l'Union européenne de mobiliser des fonds supplémentaires à hauteur de 800 milliards d'euros par an pour financer des investissements essentiels, mais les pays « frugaux » ne veulent pas de nouvelle dette en commun : « l’Union européenne est une démocratie, juge Charles Michel. On doit être fier de cela. Et qui dit démocratie dit effectivement des sentiments, des opinions qui ne sont pas spontanément convergentes. On l'a démontré malgré des positions au départ divergentes, on réussit à être dans l'unité à force de dialogue et à force de négociation, à force de discussion. » Une piste ? « Il y a de l'épargne en Europe qui va trop, selon moi, financer d'autres économies notamment les États-Unis, et c'est un peu absurde ! »
Sur l’immigration, le président du Conseil européen se prononce pour financer des clôtures aux frontières de la Grèce et de la Pologne : « Moi j'ai pris position, il y a plusieurs années déjà en faveur du soutien de l'Union européenne pour sécuriser les frontières extérieures de l'Union européenne. J’y suis favorable dès lors que c'est compatible avec le fait qu'il y a des points de passage sécurisés pour permettre une immigration régulière contrôlée. Je n'accepte pas que ce soient les passeurs, les trafiquants, les criminels qui décident qui a le droit ou pas le droit de rentrer sur le sol européen. Sur le plan de la migration, le débat est évidemment difficile, avec beaucoup d'émotion et parfois la tentation d'instrumentalisation par des groupes populistes », reconnait-il. Contre cette poussée des extrêmes « droite et gauche », précise-t-il, « il faut avoir nos valeurs européennes chevillées au corps et ne pas être honteux, ne pas être gêné ; dans le narratif, dans la bataille pour le récit, on doit être plus offensif et ne pas rester sur le terrain défensif ! »
Il nous parle de la position de la France en Europe, pense que Michel Barnier fera un excellent Premier ministre : « Ce n'est pas un désavantage pour un Premier ministre français de bien connaître l'Europe. La France gagnerait beaucoup à mieux connaître l'Europe (...) Je ne crois pas que Michel Barnier sera l'esclave du Rassemblement national. »
Il estnéanmoins inquiet de la rhétorique anti-migrants en France : «J'ai toujours considéré qu'il ne faut pas transiger sur les grands principes avec l'extrême droite, que si les familles politiques classiques, les socialistes, les démocrates-chrétiens, les libéraux, les Verts commençaient à imiter en disant la même chose que l'extrême droite, l'extrême droite sortira renforcée de ces imitations qui n'ont pas lieu d'être. C'est pourquoi l'extrême droite, il ne faut pas la suivre.»
Sur les déficits excessifs français, il y a urgence, selon lui : « Il n'est pas convenable ni décent qu'un des grands pays européens soit si peu présentable en matière budgétaire. Et donc je veux croire que le gouvernement Barnier mettra de l'ordre dans les finances publiques. C'est nécessaire. Le déficit français, si jamais il devait s'élever à 6%, ce qui sera probablement le cas, correspond exactement au PIB de la Hongrie.»
Concernant la fermeture des frontières allemandes pour 6 mois, il se récrie : « Il y a au Luxembourg, 200 000 frontaliers dont 50 000 travailleurs allemands. Le Luxembourg est un pays qui connaît un taux d'immigration de 49%. Quel serait le résultat de madame Le Pen en France si le taux d'immigration était de 49% ? Donc, nous sommes assez sensibles aux mauvais comportements comme celui adopté par le gouvernement allemand. Mais je crois que nous courons le risque que l'exception, c'est-à-dire l'accord de Schengen permettant de prévoir des contrôles aux frontières, devienne la règle si l'on ne prête pas attention à ce dérapage. »
Que dire de la Commission Von der Leyen 2 qui a offert une vice-présidence à un parti radical, celui de Giorgia Meloni, les frères d'Italie ? : «Je ne l'aurais pas fait », cingle-t-il.
La guerre en Ukraine reste prioritaire pour lui, mais sa vision de Poutine a changé : « je me suis lourdement trompé. Je l'ai souvent vu en aparté sous quatre yeux, sans interprète. Je reste abasourdi par le comportement dangereux de Poutine qui met en cause le système sécuritaire de l'Europe et la géométrie sécuritaire de l'Europe en violant les frontières et en attaquant sans gêne et sans raison ses voisins directs. » Mais l’UE doit s’occuper aussi des autres conflits et peser dans le monde : « Il faudra que nous donnions au Liban, pays malheureux parmi tous les pays nobles, vu la qualité de ses habitants, une chance à la diplomatie ! »
Arancha González Laya, l’ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole, et l’actuelle doyenne de l’École des Affaires Internationales (PSIA) de Sciences-Po Paris, estime qu’avec un déficit de 5.6% du PIB, «la France doit vite se mettre au travail sur le budget, à la fois sur les revenus et sur les dépenses», car «plus on fait de la dette aujourd'hui, plus on endette les générations futures et moins on donne de l'agilité à nos économies. Il ne s'agit pas simplement de l'économie française et de la capacité de la France de projeter son économie à l'international, mais aussi de la grande bataille pour le budget européen qui commencera l'année prochaine et qui doit permettre à l'Union européenne de se doter des moyens nécessaires aux ambitions de la présidente von der Leyen lors de sa nomination.»
Le nouveau collège de commissaires européens ? Après la surprise du retrait du candidat français, Thierry Breton, sur fond de conflit avec la présidente von der Leyen, le poste revient à Stéphane Séjourné, en charge de la Prospérité et de la Stratégie Industrielle : «ce portefeuille sera au centre de l’agenda de ces cinq prochaines années, avec l'économie et en particulier la macroéconomie.» L’ex-ministre des Affaires étrangères du gouvernement Attal «va devoir travailler main dans la main avec Teresa Ribera, qui a aussi un gros portefeuille économique, car elle a comme mandat de faire en sorte que la compétitivité - c'est-à-dire la macro et la microéconomie - soit alignée avec les objectifs de décarbonation de l'Union européenne et avec la justice sociale. Donc ces deux gros portefeuilles sont les plus importants à mon avis pour les cinq prochaines années.» Pour elle, les eurodéputés pourraient récuser après leurs auditions plusieurs commissaires, notamment l’Italien et le Hongrois : « si leurs réponses devant le Parlement européen ne sont pas convaincantes, ils ne passeront pas ! »
Pour la doyenne de PSIA, le risque n’est plus de voir certains pays «sortir de l'Union européenne, mais rester et la détricoter de l'intérieur. Détricoter l’état de droit, ce n’est pas européen. Donc aux autres d'être très vigilants, aux autres de mettre des lignes très claires - il faut être clair [et savoir] là où «détricoter» entre en collision avec ce que c’est que l'Union européenne, ce que sont les valeurs européennes, ce que sont les principes de l'Europe.»
Les questions migratoires sont toujours au cœur de l’actualité : aux Pays-Bas, le gouvernement dirigé par le parti d’extrême droite PVV de Geert Wilders a annoncé vouloir demander une dérogation aux règles européennes d’asile. Pour Arancha González Laya, «C'est un divorce entre faits et perceptions. C'est le jeu des populistes en Europe. Mais pour un continent comme l'Europe, qui a un déficit démographique énorme, qu'il faut à la fois changer les discours et réconcilier fait et perception, sinon on va droit dans le mur [...] Nous devons avoir une politique migratoire à la fois sur la migration régulière dont on a besoin parce qu'on a un déficit démographique, mais aussi sur l'immigration irrégulière où nous devons aussi avoir des règles claires et nous devons les appliquer».
Elio Di Rupo, ancien Premier ministre belge et élu député européen chez les socialistes et démocrates pour cette Xe législature.
Elio Di Rupo, redevenu député européen socialiste, juge le Premier ministre français Michel Barnier, bon négociateur, « notamment avec le Brexit, et négocier avec les Britanniques n’est pas facile, mais il reste un homme ancré à droite avec un profil très affirmé. Je ne peux pas oublier qu’il a voté conte la dépénalisation de l’homosexualité et qu’il a voulu très récemment que la France sorte de la Cour européenne des droits de l’homme ». La crise politique en Belgique aussi ? « Le 9 juin, la droite a gagné les élections. Du côté francophone, c'est plus net. Du côté de la Flandre, les socialistes flamands ont fait un excellent résultat. Et tous ces vainqueurs sont en train de tenter de former un gouvernement. Laissons-les travailler. » Quant aux déficits excessifs français et belge : « Pour le socialiste que je suis, on ne peut pas toucher aux soins de santé, on doit protéger nos concitoyens. (..) Où va-t-on chercher les moyens financiers ? Il y a des entreprises, des personnes, qui ont des gains astronomiques et par rapport à ces gains astronomiques, ne contribuent pas assez à la société. (...) Et donc il est normal qu'on demande à celles et ceux qui ont des épaules plus larges de contribuer davantage que celles et ceux qui ont des épaules plus étroites. » Mario Draghi a selon lui raison de parler de « lente agonie » dans son rapport sur la compétitivité : « Nous avons un retard terrible par rapport aux États-Unis et à la Chine », c’est pourquoi « il faut que l’Union européenne ait ses propres ressources financières » pour construire une Europe de la défense qu’il appelle de ses vœux. Car pour Elio Di Rupo, l’Union européenne n’est pas à la hauteur en ce qui concerne la guerre en Ukraine : « on ne peut pas laisser Poutine gagner parce que s’il gagne, nous sommes nous-mêmes, Européens, en danger. Nous avons besoin d'une Europe de la défense, non pas pour aller nous battre ailleurs, mais pour être capable de nous défendre nous-mêmes au sein de l'Otan », conclut-il.
Sur les racines du populisme, l’ancien Premier ministre belge estime que « les citoyens ont besoin d'être rassurés, sécurisés, d'avoir des perspectives pour eux-mêmes et pour leurs enfants, un pouvoir d'achat qui soit suffisant pour vivre dignement ». Il fustige par ailleurs les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux et ont, selon lui, plus d’impact que les informations précises, pédagogiques, positives : « En tout cas, moi, j'ai la volonté de travailler avec mon groupe social-démocrate pour contribuer à combattre sans relâche l'extrême droite. »
L’Allemagne a annoncé l’extension des contrôles migratoires à l’ensemble de ses frontières dès le 16 septembre et pour une durée de six mois : « Je pense que l’on doit être sans pitié avec ces criminels, ces fondamentalistes religieux, ces terroristes », or en Allemagne, « il y a eu des drames, avec des morts, et une réaction du gouvernement », même si « bien entendu, dans l'Europe que nous voulons construire, fermer les frontières est un acte qui n'est pas dans l'esprit de l'Union européenne ».
L’Allemande Ursula von der Leyen, va présenter une « Commission très à droite avec même des commissaires d’extrême droite : ce qui est assez insupportable, c'est que le groupe socialiste est le deuxième groupe le plus important du Parlement européen et, personnellement, je ne me retrouve pas dans la Commission européenne a dû proportion de ce que nous représentons ». Les commissaires seront auditionnés par le Parlement européen et s’ensuivront un vote pour confirmer ou non la mise en place de cette nouvelle Commission. « Le fait que nous n'ayons pas un minimum d'équilibre par rapport aux sociaux-démocrates est quelque chose qui pourrait nous conduire à voter contre », met-il en garde.
S’apprêtant à accueillir Viktor Orban dans l’hémicycle le 18 septembre, l’eurodéputé veut « continuer à se battre pour défendre les minorités, la démocratie, les libertés. (...) On doit continuer à ne pas considérer que notre système démocratique de liberté et de défense des minorités est acquis pour toujours et à se battre, à nourrir et à chérir cette démocratie ».
Cette rentrée européenne est marquée par la formation de la nouvelle Commission européenne d'Ursula von der Leyen, mais surtout, en France, par la nomination d'un nouveau Premier ministre, 50 jours après la démission de Gabriel Attal. Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier, un bon connaisseur de Bruxelles, négociateur principal du Brexit, nommé par le président de la Commission de l'époque, par Jean-Claude Juncker. « C'est un grand soulagement pour la capitale européenne », estime l'économiste Jean Pisani-Ferry, qui est notre invité cette semaine. Professeur à Science Po Paris et au think tank européen Bruegel, il revient sur les conséquences européennes de cette nomination.
Pour Jean Pisani-Ferry, le nouveau locataire de Matignon est dans une position difficile, car « la gauche va certainement déposer une motion de censure. Elle ne sera pas votée. D'une certaine manière, Michel Barnier est l'otage du Rassemblement national. » Après deux mois d'âpres débats autour du nom du nouveau Premier ministre, la nomination d'une figure de la droite française à Matignon a provoqué la colère du Nouveau Front populaire, arrivé en tête des élections législatives. Pour notre invité, la France aurait à gagner en s'inspirant d'autres pays européens, plus habitués aux négociations de coalition : « Si nous étions un pays européen "normal", dans lequel on fait les élections et puis après on voit quelle majorité peut se constituer [...] on négocierait un accord de coalition avec des concessions de part et d'autre. Chacun définit ses lignes rouges, chacun définit ses priorités et sur cette base, on constitue un accord de coalition. »
Les défis qui attendent le nouveau Premier ministre français sont de taille, notamment sur le plan économique : Bercy table sur un déficit de 5.6% en 2024, ce qui signifie, selon Jean Pisani-Ferry, un « effort d'ajustement de 120 milliards d'euros sur plusieurs années ». Pour lui, cela « passera nécessairement par plus d'impôts – un tiers par les impôts et deux tiers par les dépenses » donc les coupes budgétaires. Ce qui signifie un changement majeur pour le pays et pour le nouveau Premier ministre, pourtant issu des rangs des Républicains, car « ça va marquer la fin de la hausse des prélèvements, et plus particulièrement revenir sur le tabou de la hausse des prélèvements sur les plus fortunés. »
L'économie de l'Union européenne est aussi à un tournant : le rapport Draghi sur la Compétitive de l'UE et Jean Pisani-Ferry considèrent que le continent a déjà pris trop de retard par rapport à ses concurrents principaux. « Aujourd'hui, nous avons un retard considérable sur la productivité par rapport aux États-Unis. Le retard s'est creusé de manière importante au cours des dernières années. Nous avons une situation dans laquelle, sur des industries comme les industries d'armement, on n'a pas de système intégré sur tout ce qui est innovation, technologie. On est en retard. » Alors que le contenu du rapport Draghi n'est pas encore entièrement connu, M. Pisani-Ferry fait la proposition suivante : « Il faut absolument introduire plus de flexibilité dans le budget européen. »
La nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen est aussi déjà sous pression politique, notamment concernant sa composition et son manque de parité homme/femme. Pour Jean Pisani-Ferry, si les pays membres de l'UE ont échoué à proposer suffisamment de candidates femmes, ce sera désormais au Parlement européen d'arbitrer, et il s'attend à des sanctions : « Le Parlement ne laissera pas faire parce que la parité faisait partie des acquis de la dernière Commission von der Leyen. [...] Le Parlement va nécessairement mettre sur le grill un certain nombre de commissaires potentiels, et ça ne m'étonnerait pas qu'ils créent des difficultés. »
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