RFI et France 24 vous proposent un rendez-vous intitulé « Ici l’Europe ». Un entretien avec une personnalité européenne signé Dominique Baillard (RFI) et Caroline de Camaret (France 24). Tous les quinze jours, le vendredi, un grand entretien avec une personnalité européenne, un entretien avec un des grands acteurs de l’Europe d’aujourd’hui, qui nous parle de la construction de l'Europe, de sa proximité avec les citoyens et des enjeux internationaux qui l’attendent. Une coproduction RFI/France24.
Le ministre des Affaires étrangères de Belgique, Bernard Quintin, issu du parti Mouvement réformateur, libéral (groupe Renew), revient sur le dernier Conseil européen de la présidence hongroise, le 19 décembre, qui a porté sur la place de l’Europe dans le monde. Il estime que les Vingt-Sept sont unis dans leur soutien à l’Ukraine, où ils veulent peser, discutent de leur future relation avec les États-Unis, sans envisager une guerre commerciale, et observent l’évolution de la Syrie.
Sur le dossier syrien, les Vingt-Sept ont réaffirmé les conditions d'une reprise de leurs relations avec Damas : une Syrie plurielle respectant les minorités, y compris le droit des femmes : « Il faut d'abord se réjouir de la fin d'un régime dictatorial exécrable et criminel vis-à-vis de sa propre population. C'est un pays relativement morcelé, et nous appelons les nouvelles autorités syriennes à respecter l'intégrité et la souveraineté du pays, donc à respecter les droits fondamentaux ! » Mais l’interdiction des bases militaires russes ne doit pas conditionner le dialogue : « Il ne faut pas qu'on multiplie les conditions préalables », juge le diplomate, en concédant : « Quand on voit le rôle extrêmement négatif que la Russie a pu jouer avec un soutien inconditionnel à un régime criminel, on peut en tirer des conclusions : ces bases servent d'acheminement et même d'entraînement pour un certain nombre de milices russes qui sont envoyées sur des théâtres en Afrique. »
Le gouvernement belge a gelé les demandes d'asile syriennes, dont 35 000 Syriens ont bénéficié depuis dix ans : c'est une « suspension de l'examen des dossiers en cours, car il y a quand même un changement fondamental sur le terrain », justifie-t-il. « Mais le retour des réfugiés répond à trois principes. Il faut qu'ils soient volontaires, sûrs et dignes. »
Lors du dernier sommet hongroise de la présidence rotative, le premier du nouveau président du Conseil Antonio Costa et de la nouvelle cheffe de la diplomatie, Kaja Kallas, les Européens ont réaffirmé leur soutien à l’Ukraine : « Rien à propos de l'Ukraine ne peut être décidé sans les Ukrainiens », prévient le ministre belge. « Il faut quand même fondamentalement respecter la volonté des Ukrainiens… Est-ce que demain il y aura des négociations entre les Américains ou sous l'égide des Américains, entre le président Zelensky et le président Trump ou entre les Ukrainiens et les Russes ? Nous le verrons. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que nous resterons toujours, nous les voisins de l'Ukraine. » Fait rare, le président français ne participait pas au sommet européen, mais a rencontré Volodymyr Zelensky avant, pour discuter de l'envoi de troupes sur le sol ukrainien pour garantir un éventuel cessez-le-feu : « Si on parle d'une mission de maintien de la paix, c'est trop tôt pour l'évoquer, tout simplement parce qu'il n'y a pas la paix », estime le chef de la diplomatie européenne, tout en se félicitant de la capacité des Vingt-Sept à discuter de tout sans tabou.
Quand Trump menace les Européens de droits de douane intempestifs, en particulier s'ils n'achètent pas assez de gaz naturel ou de pétrole aux USA, Bernard Quintin s’inquiète que « 10 % de droits de douane plus élevés représentent 1 % du PIB européen. Le piège serait de tomber dans une forme de guerre d'isolationnisme ou de droits de douane. Nous devons nous préparer, comme je le disais, nous devons diversifier aussi nos partenariats, comme par l’accord avec le Mercosur », avance-t-il, même s’il va regarder de près cet accord et ses clauses de sauvegarde sur l’agriculture, sous pression du monde rural belge.
Cette semaine, nous recevons José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères au sein du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez. Accord du Mercosur, immigration et conflits dans diverses régions du monde, il commente les défis auxquels l’Union européenne doit faire face.
Alors que l’Espagne pourrait bientôt devenir le dernier grand pays social-démocrate d’Europe, son gouvernement adopte des politiques singulières sur plusieurs dossiers. Sur les migrations, tandis que de nombreux États membres durcissent leur politique d’accueil, notamment vis-à-vis des Syriens, l’Espagne vient d'adopter une réforme : elle entend régulariser 900 000 étrangers sans-papiers d'ici trois ans : «L'Afrique est le continent du futur et c'est pour cela que nous adoptons ces stratégies», explique José Manuel Albares. «Nous voulons une migration maîtrisée, sûre, ordonnée, avec nos frontières bien contrôlées. Mais en même temps, nous voulons aussi une migration humaine, qui respecte les droits de l'homme», détaille-t-il. Le chef de la diplomatie espagnole souhaite également «ne pas mentir aux citoyens» et explique que «l'immigration irrégulière est un tout petit pourcentage de tous les mouvements migratoires». Il assure que son gouvernement socialiste mène «une forte politique de développement dans certains pays africains pour pouvoir proposer à la jeunesse, des formations et des emplois» dans leurs pays d’origine, pour «lutter contre les mafias qui trafiquent des êtres humains». «Il ne faut pas oublier que la meilleure façon de décourager l'immigration irrégulière, c'est de proposer des filières d'immigration légale», estime José Manuel Albares.
L’autre dossier sur lequel l’Espagne compte peser est celui de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur : «Une large majorité des pays européens est en faveur du Mercosur qui va donner lieu au plus grand marché de libre-échange de la planète. Les avantages sont beaucoup plus importants que les inconvénients», estime-t-il. Pour lui, les supposés problèmes peuvent «être très facilement nuancés par des mesures de la Commission européenne». D’un point de vue environnemental, «des mesures ont déjà été inscrites dans le traité afin que les accords de Paris et la préservation de la biodiversité soient mieux respectés par l'Amérique latine». Selon lui, ce traité porte aussi des ambitions géopolitiques : «Nous avons besoin d’amis et d'alliés dans le monde. L'Amérique latine est la région la plus euro-compatible de la planète», juge le ministre espagnol. «Si nous ne leur tendons pas la main, ils vont se tourner vers d'autres partenaires». José Manuel Albares pense que si nous souhaitons défendre la préservation de l’environnement, les États membres devraient vouloir que l’Amérique latine s’associe à l’UE plutôt qu’à des pays qui n’ont pas à cœur la question écologique.
Face au conflit israélo-palestinien, l’Espagne se démarque à nouveau. Le pays a officiellement reconnu l’État de Palestine en mai 2024 : «Nous l‘avons fait par justice envers le peuple palestinien qui ne doit pas être condamné à être éternellement un peuple de réfugiés», s’émeut José Manuel Albares. «Nous l’avons également fait en pensant à la sécurité d'Israël car seul un État palestinien vivant en bon voisinage avec l'État d'Israël peut garantir prospérité et sécurité à tous les deux». La Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahu pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. À la différence de la France qui estime qu’il jouit d’une certaine immunité, le chef de la diplomatie espagnole explique qu’en tant que pays fondateur de la CPI, ils suivront «toutes les obligations que ce statut [leur] impose».
En Syrie, le pouvoir de Bachar el-Assad a été renversé par des groupes rebelles. Alors qu’un gouvernement de transition se met en place, José Manuel Albares salue la chute de la dictature mais appelle à surveiller les actions des nouvelles autorités. «Nous devons nous assurer que le futur de la Syrie sera un futur pluriel, comme l'est la société syrienne, avec différentes religions, différents peuples. Nous devons garantir l'intégrité territoriale de la Syrie. Il faut que le pays devienne une source de stabilité pour le Moyen-Orient».
Au sujet de la guerre en Ukraine, José Manuel Albares rappelle que «si la Russie gagne cette guerre d'agression, le monde et l'Europe seront moins sûrs demain». Alors que la Russie est accusée d’ingérence lors des récentes élections en Roumanie et en Géorgie, il apporte son soutien à ces deux pays. «Nous souhaitons que la Géorgie revienne sur le chemin européen. La Roumanie est un pays essentiel pour l'Union européenne», affirme-t-il. La Russie est également fréquemment accusée de pratiquer la désinformation sur le continent européen, qui représente «le plus gros danger pour nos démocraties» selon José Manuel Albares. «La désinformation est là pour diviser nos citoyens et nos sociétés», prévient-il.
Cette semaine, nous recevons Aurore Lalucq, députée européenne de l’Alliance des socialistes et démocrates et présidente de la Commission des Affaires économiques et monétaires au Parlement européen. Elle revient sur la motion de censure qui a fait tomber le gouvernement en France et sur la manière dont Bruxelles perçoit cette crise politique.
En France, l’Assemblée nationale a voté cette semaine une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier. Cette instabilité politique préoccupe nos voisins européens. «Il y a une grande inquiétude parce que nous connaissons le rôle de la France dans la construction européenne et son importance d'un point de vue économique», explique Aurore Lalucq.
La députée européenne justifie le vote de la motion de censure par son camp : «Il est très compliqué, quand on est un social-démocrate, de soutenir un gouvernement qui ne va pas chercher que du soutien du côté de l'extrême droite», note-t-elle. «Le responsable de cette situation, c'est Emmanuel Macron car il a dissous l'Assemblée nationale», ajoute Aurore Lalucq. Dans une tribune écrite avec le député européen Raphaël Glucksmann, elle appelle à présent toutes les forces opposées au Rassemblement national à travailler ensemble pour trouver un accord de non censure et à mettre en place un gouvernement provisoire. «Les Français ont fait un effort et se sont mobilisés pour faire barrage au Rassemblement national, nous, les politiques, devons être à la hauteur», rappelle la députée. «Il y a cependant une réalité arithmétique qui fait que la gauche n'est pas majoritaire. Je le regrette, mais c'est ainsi. Notre responsabilité, c'est donner de la stabilité au pays», affirme-t-elle.
En pleine crise politique, la France est également secouée par un mouvement social, marqué cette semaine par une grève nationale des enseignants. «Dans les pays de l'OCDE, nous faisons partie des pays qui payent le moins dans le domaine de l'éducation nationale. Nous sommes dans un pays où il y a très peu de dialogue social. Investir dans l’éducation, c'est une question sociale mais c’est aussi une question économique d'investissement dans l'avenir du pays», ajoute-t-elle.
Alors que les agences de notation pourraient dégrader la note de la France, détentrice d’un déficit budgétaire record de 6,1%, la présidente de la Commission des Affaires économiques et monétaire estime qu’«elles n’ont pas à définir quelle doit être la politique économique et publique du pays». Si elle reconnaît la nécessité d’adopter «une trajectoire crédible» en termes d’économies, elle explique que «la capacité de la France à emprunter reste toujours forte.»
Aurore Lalucq s'inquiète également de «la vague idéologique d'extrême droite» en Europe face à la droitisation de ses gouvernements : «La social-démocratie doit se renouveler, être forte et avoir un discours clair. Elle doit protéger les Européens sur la question du pouvoir d'achat ou de la réindustrialisation».
Au sujet de l’accord de libre-échange entre l’Union et les pays du Mercosur, que la France refuse de signer, Aurore Lalucq dit ne pas souhaiter «l'approfondissement de la mondialisation». «À la base, je n'ai rien contre les accords de commerce international», dit-elle. «Cependant, je pense que l'urgence aujourd'hui, c'est de réindustrialiser le pays». Alors qu’elle demande à la France de ne pas signer cet accord qui va, selon elle, engendrer des problématiques d'un point de vue environnemental et social, elle doute de la capacité d’Emmanuel Macron à parvenir à le bloquer : «La parole de la France est très dégradée au niveau européen», juge-t-elle.
En Géorgie, des manifestations ont lieu chaque jour depuis que le gouvernement du parti Rêve géorgien a suspendu le processus d'adhésion à l'Union européenne jusqu'en 2028. La députée européenne regrette : «Non nous n’avons pas été assez engagés à l’Est. Nous devons être plus présents. Pour moi, l’avenir de la Géorgie est en Europe».
Cette semaine, nous recevons Mariya Gabriel, ancienne commissaire européenne et ancienne ministre bulgare des Affaires étrangères. Actuellement présidente de l'Institut Robert Schuman, le think tank du Parti populaire européen, elle revient sur la validation de la nouvelle Commission européenne et les défis qui l'attendent.
Le Parlement européen a validé, cette semaine, la nouvelle Commission européenne menée par Ursula von der Leyen avec 370 voix pour et 282 contre. «C'est une Commission qui affirme des ambitions mais qui, au vu de la diversité de la majorité du vote, doit opérer avec beaucoup de minutie», explique Mariya Gabriel. «À cause des différentes sensibilités politiques, nous pourrions nous attendre à ce que la majorité soit relativement flottante. Or, aujourd'hui plus que jamais, l'Europe a besoin d'une majorité stable où chaque institution assume sa responsabilité de maintenir l'Europe unie», ajoute celle qui a siégé dans la précédente Commission.
Pour la première fois de l’histoire, le Collège des commissaires compte dans ses rangs un membre issu d’un parti d’extrême droite : Raffaele Fitto, un proche de la dirigeante italienne Giorgia Meloni, accède au poste de vice-président. Les partis de gauche dénoncent la fin d’un 'cordon sanitaire', mais Mariya Gabriel, une femme politique issue des rangs du PPE, rappelle que la Commission «doit prendre en considération les résultats des élections européennes» de juin 2024.
«Aujourd'hui, plus que jamais, l'Europe a besoin d'investir massivement [dans le secteur de la défense] pour ne pas avoir à compter sur d'autres pour assurer sa propre sécurité». Sur l'Ukraine en particulier, Mariya Gabriel appelle l’Union européenne à «rester unie». «Défendre la sécurité de l'Ukraine, c'est défendre notre propre sécurité», détaille-t-elle. «Il faut éviter les erreurs faites par le passé, comme des appels entre différents pays sans prendre en considération l’avis des autres».
La Pologne et la France refusent de signer l'accord du Mercosur. Mais pour Mariya Gabriel «l'agriculture est un secteur-clé». Si elle agrée que «nous ne pouvons pas ignorer les demandes et les préoccupations de nos agriculteurs», elle ajoute que «la question n’est pas de s'opposer à tout traité de commerce et de libre-échange car l'Europe doit se positionner». «Face aux États-Unis ou à la Chine, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de nouveaux marchés», défend-elle.
En Roumanie, le candidat d'extrême droite pro-russe, Calin Georgescu, est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle. Sa campagne menée sur TikTok suscite aujourd'hui des suspicions. L'ancienne Commissaire en charge du Numérique rappelle qu'«aucun État européen n'est à l'abri de ce qui vient de se passer en Roumanie. Il faut trouver un équilibre entre la préservation de la liberté d'expression, le droit à l'accès à l'information sur les réseaux sociaux […] et la lutte contre la désinformation».
Quant à son pays, la Bulgarie, il a connu sept scrutins législatifs et cinq Premiers ministres en moins de quatre ans. À cela s’ajoute la menace de la propagande russe. «La Bulgarie a une position géostratégique extrêmement importante», s'émeut Mariya Gabriel. «Il est important d'avoir dans le pays des responsables politiques qui tiennent parole, qui ont le sens du dialogue et du compromis car quand ces forces pro-européennes, pro-OTAN ne s'entendent pas, cela ouvre une brèche aux forces pro-russes, et aux populistes de toutes sortes».
De son côté, la France connaît un déficit budgétaire record et son gouvernement risque d’être visé par une motion de censure. Mariya Gabriel estime que «l’UE a toujours eu et a toujours besoin d'une France qui soit stable et solide. Il faut outrepasser ces petits calculs politiciens et gouverner pour le bien des citoyens et pour le bien de l’Europe», conclut-elle.
Cette semaine, nous recevons Stefano Sannino, secrétaire général du Service européen d’Action extérieure, qui dirige les ambassadeurs de l’UE à travers le monde et ancien diplomate italien. Guerre en Ukraine, conflit au Proche-Orient ou élection de Donald Trump, il commente les multiples crises auxquelles l’Union européenne doit faire face.
Face à la multiplication des crises et des conflits dans le monde, l’Union européenne (UE) se trouve dans une période d’incertitude. Selon Stefano Sannino, la situation est inédite : «Nous sommes dans une situation dans laquelle nous vivons des crises presque permanentes. Nous parlons de permacrises. Nous passons d’une crise à l’autre.»
Le conflit en Ukraine est au cœur des préoccupations des Vingt-Sept. «Il y a une volonté de continuer à soutenir l'Ukraine», affirme le secrétaire général du Service européen d’Action extérieure. «Le soutien à l'Ukraine, ce n'est pas seulement un soutien à ce pays, c'est aussi une ligne de défense pour l'UE en tant que telle», ajoute-t-il. Le diplomate reconnaît la situation critique dans laquelle se trouvent les Ukrainiens qui s'apprêtent à vivre leur troisième hiver de guerre. «Les armements commencent à être moins présents. Il y a un déséquilibre très fort entre les capacités militaires de la Russie et les capacités militaires de l'Ukraine», dit-il.
À la suite de la décision des États-Unis d’autoriser l’Ukraine à utiliser les armes longue portée contre la Russie, Stefano Sannino explique : « La décision de Biden est une réponse à celle de Vladimir Poutine d’envoyer des soldats nord-coréens sur le front ukrainien. L'escalade militaire a commencé à Moscou», martèle-t-il. «Maintenant, les Ukrainiens peuvent aussi attaquer. Il y a une volonté encore très forte de leur part de défendre leur territoire», estime-t-il. Cette décision des États-Unis a entraîné une riposte de Vladimir Poutine qui menace à nouveau d’avoir recours à l’arme nucléaire. À ce sujet, Stefano Sannino appelle à la prudence : «Nous ne pouvons pas sous-estimer ces risques dans le contexte d'une guerre».
L’embrasement du conflit au Proche-Orient est un autre défi pour l’Union qui tente de peser dans l’établissement d’un processus de paix. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, appelle à la suspension du dialogue politique entre l'UE et Israël. Proposition à laquelle s’opposent plusieurs pays telle que la République Tchèque. «Ce n’est pas facile de trouver un terrain d’entente entre les Vingt-Sept», admet Stefano Sannino. S’il y a un point sur lequel s’accordent les pays membres, c’est la mise en place urgente d’un cessez-le-feu. «Tout le monde est d'accord pour cela. La souffrance du peuple palestinien est terrible et tous nos efforts doivent aller dans cette direction. Il faudra aussi faire tous les efforts possibles pour libérer les otages», ajoute Stefano Sannino.
Au sujet des relations avec l’Afrique, continent où l’influence de l’UE diminue au profit de celle de la Russie ou de la Chine, le patron des ambassadeurs européens veut voir en l'Afrique «une grande opportunité et pas seulement un défi, un problème». «La question est de comment faire en sorte que l'Afrique puisse avoir un poids beaucoup plus grand dans sa capacité de décision, dans la résolution de ses propres crises et à travailler avec l'UE de manière plus utile pour les deux parties. Il faut être sur un pied d'égalité avec l'Afrique, voir quels sont leurs intérêts et quels sont nos intérêts», conclut-il.
Cette semaine, nous recevons Younous Omarjee, vice-président français du Parlement européen, membre du groupe de La Gauche (LFI). Il commente les auditions des futurs commissaires européens ainsi que les conséquences pour l’UE de l’élection de Donald Trump.
À la suite des auditions des futurs commissaires européens à Bruxelles, plusieurs nominations pourraient être retoquées par les eurodéputés sur fond de conflits politiques entre les différents partis : «C'est un moment qui doit être envisagé très sérieusement et nous regrettons évidemment la manière dont cela se déroule depuis le début, cela affaiblit considérablement le Parlement européen», explique le vice-président du Parlement. Il regrette les considérations politiques «qui entrent en ligne de compte et qui viennent parasiter ces auditions. Il y a encore une incertitude (sur leur issue) car les grands groupes politiques n'arrivent pas à se mettre d'accord. C’est une crise politique», regrette Younous Omarjee.
Au cœur de la polémique, l'Italien Raffaele Fitto, nommé par Giorgia Meloni et issu de son parti de droite radical Fratelli d'Italia : «Il aurait été surprenant que Giorgia Meloni nomme un gauchiste à la commission européenne», reconnaît Younous Omarjee. «Raffaele Fitto a été poussé dans ses retranchements sur la question de sa maîtrise des enjeux en matière de politique de cohésion, mais également sur un certain nombre de dimensions politiques. Chaque commissaire doit en réalité porter des valeurs de l’UE et des droits fondamentaux. Il est évident que notre groupe ne va pas accepter ce candidat», explicite-t-il. Le vice-président du Parlement européen questionne les intentions de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen : «Il y a une nouvelle possibilité de majorité dans le Parlement européen qui se dirige à droite toute», regrette-t-il. «Il y a un risque très élevé que nous entrions dans un moment de déconstruction de toutes les avancées obtenues en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de défense des droits fondamentaux et de défense des droits des femmes».
En ce qui concerne l’audition du Français Stéphane Séjourné, candidat au poste de commissaire européen à la stratégie industrielle, «elle s'est passée dans les formes acceptables». Son audition a notamment porté sur la question de la signature des accords du Mercosur alors que le Premier ministre français Michel Barnier a dit qu’il ne l'accepterait. Le vice-président du Parlement critique la toute-puissance de la Commission européenne qui négocierait directement ces accords, sans consulter ni les États membres ni le Parlement européen. «Les affirmations du Premier ministre qui consistent à dire que la France refusera le Mercosur doivent véritablement être suivies d'effets. La France doit organiser au sein du Conseil européen une minorité de blocage de cet accord. C'est le seul moyen de pouvoir faire reculer la Commission européenne qui a fait le choix de tuer une partie de l'agriculture européenne», estime Younous Omarjee.
L’élection de Donald Trump à la présidence américaine, pour l’eurodéputé insoumis, « c’est le moment pour l'Union d'exister en tant que puissance. Il y a une ambiguïté stratégique chez Donald Trump et une très grande imprévisibilité dans la manière dont il va conduire sa politique internationale. Il rappelle la responsabilité des Européens à continuer de soutenir l’Ukraine face à la Russie. Le vice-président concède tout de même des divergences d’opinion au sein des Vingt-Sept au sujet de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. «Nous ne sommes pas du tout préparés», ajoute-t-il à propos de cette possible adhésion.
Au procès des assistants parlementaires du Front National, accusé de détournement de fonds du Parlement européen, le Parquet réclame une peine d'inéligibilité pour tous les prévenus, dont Marine Le Pen. Younous Omarjee estime qu’il n'y a pas de procès politique. «Il y a eu la constatation par le Parlement européen de la violation des règlements du Parlement européen qui s'imposent à l'ensemble des groupes politiques», conclut le vice-président du Parlement européen, une institution qui s’est portée partie civile.
Cette semaine, nous recevons Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et ancien commissaire européen. Il commente la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine et ses conséquences pour l'Union européenne. Il revient également sur le déficit record de la France et les efforts financiers à réaliser dans les prochaines années.
À la suite de l'élection de Donald Trump, l'Union européenne s'inquiète des conséquences de cette victoire. «On a espéré conjurer cette victoire et je pense que c'est tout de même une nouvelle difficile pour le monde, pour la France, pour l'Europe», explique Pierre Moscovici. «Ce sera difficile, peut-être même très difficile», ajoute-t-il à propos du mandat à venir de Donald Trump.
S'il est sceptique face aux actions à venir du futur chef d’État américain, il explique qu'«il ne faut jamais condamner un président par avance». «Lors de son élection, Donald Trump a été un peu plus apaisé dans ses propos. Il a manifesté la volonté d'unir les Américains», ajoute le premier président de la Cour des comptes.
Pierre Moscovici rappelle les liens qui unissent les États-Unis et l'UE. «Ils sont nos alliés. Ce sont nos amis», dit-il. S'il estime que Joe Biden avait renoué des liens avec le Vieux Continent, il rappelle l'attitude beaucoup plus isolationniste de Donald Trump. «Depuis quelque temps, l'Europe n'est plus la priorité des États-Unis», explique Pierre Moscovici. «Donald Trump est un businessman, donc il fait ce qu'il dit. Les risques sont multiples», estime l'ancien commissaire européen. «Espérons le mieux mais le mieux, c'est une sorte de neutralité, d'amitié un peu contrariée», insiste-t-il.
En ce qui concerne le conflit en Ukraine, que Donald Trump affirme pouvoir régler en 24 heures, Pierre Moscovici reste prudent. «Si c'est aux conditions de Vladimir Poutine, c'est difficile», explique-t-il. Il rappelle les conséquences désastreuses qu'aurait un arrêt du soutien américain à l'Ukraine et ainsi l'importance de renforcer une défense européenne. «Il faut montrer que nous sommes capables de nous défendre, non pas sans les Américains car nous resterons dans l'OTAN mais éventuellement par nous-mêmes si la situation l'exige», explique Pierre Moscovici.
D'un point de vue économique, Pierre Moscovici rappelle que la politique de Donald Trump impliquera un protectionnisme plus appuyé du pays. Le républicain souhaite taxer l'Union de 10% de droits de douane supplémentaires. «Cela peut générer de l'inflation et créer des difficultés pour nos entreprises», explique-t-il. «C'est pour cela que je parle de sursaut existentiel de l'Europe, parce que ça veut dire que dans cette situation-là, nous n'avons pas d'autre alternative que de nous construire, de regarder le monde», ajoute-t-il.
En France, le déficit record qui risque de dépasser les 6% du PIB à la fin de l'année, alarme Pierre Moscovici. «Nous ne maîtrisons pas notre dette, elle est aujourd'hui la troisième de l'Union européenne en pourcentage du PIB, à plus de 110% et elle continue d'augmenter», explique-t-il. En ce qui concerne l'influence de la France dans l'Union, la situation économique du pays agit comme «un facteur d'affaiblissement objectif dans la mesure où nous avons connu une année noire en 2024», ajoute Pierre Moscovici. Sans parler d'austérité, il évoque «une phase d'effort qui va durer plusieurs années». «Il y a eu une phase expansionniste. Il faudra basculer dans un mode d'économie sur la dépense publique avec la réforme des services publics et une qualité de la dépense publique qui permet de réduire notre déficit», détaille-t-il.
Nous accueillons, cette semaine, Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne. Il revient sur le déficit record et l’endettement de la France, les fragilités du couple franco-allemand au sein de l’UE ainsi que sur les conséquences de l'élection américaine pour l’Union.
Avec un déficit record qui risque de dépasser les 6% du PIB cette année, la France est dans le viseur de l’Union européenne. « Elle est vraiment très endettée et elle est, de ce point de vue, le plus mauvais pays d'Europe », explique Jean-Claude Trichet. Si l’ancien président de la BCE se dit rassuré de voir le gouvernement français prendre le problème à bras-le-corps, il confirme qu’il faut « absolument redresser la barre ». « Il me semble que les marchés font pour le moment confiance au nouveau gouvernement », explique l’économiste qui pense que le pays évitera le pire si le déficit est ramené à 5% l’année prochaine.
Alors que la règle au sein de l’UE est de ne pas dépasser les 3% d'endettement par rapport à son PIB, la France fait figure de mauvais élève. La gestion des finances au cours de ces dernières années est à présent questionnée. « Je pense que nous aurons un début d'explication avec la commission qui a été créée et qui devrait nous permettre de mieux comprendre ce qui s'est passé », explique Jean-Claude Trichet.
Le pays doit aujourd'hui réaliser 60 milliards d'économies, ce qui implique un effort collectif de la part des Français. « Les Français parlent de rigueur, d'efforts considérables, alors que c'est un pays qui n'est pas rigoureux », estime l’économiste. « Les Français se plaignent en permanence d'une absence de dépenses publiques et en fait, ils dépensent plus que tous les autres », ajoute-t-il. « La France n’a plus de cartouches », constate Jean-Claude Trichet au sujet du déficit public.
En Allemagne, l’économie est également en berne. L’entreprise Volkswagen étudie actuellement un vaste plan de licenciements et la récession du pays est redoutée. « L’Allemagne est particulièrement touchée sur le plan de la croissance, mais c’est en même temps un pays sain qui inspire confiance et donc je ne crois pas qu'il faille dramatiser le problème allemand », estime l’ancien président de la Banque centrale européenne.
Face aux difficultés économiques de la France et de l’Allemagne, le couple franco-allemand, souvent considéré comme le moteur de l’UE, est mis à mal. « Il y a une chose qui est sûre : la condition nécessaire, sinon suffisante, pour que l'Europe fasse des progrès, c'est qu'il y ait un bon accord franco-allemand sur les progrès à faire », explique Jean-Claude Trichet. Il ne s’agit pas de la seule condition car, selon lui, « il faut convaincre les autres pays d'aller dans cette direction ».
À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, « quel que soit le nouveau président des États-Unis, les problèmes entre l'Europe et les États-Unis demeureront », selon Jean-Claude Trichet. « Les États-Unis sont très orientés sur leurs propres intérêts. Ils ont la capacité d'imposer beaucoup de choses au reste du monde pour des tas de raisons, et notamment à cause du fait qu'ils ont une fédération politique achevée », poursuit-il. L’économiste explique cette force par l’existence aux États-Unis d’un marché, d’une monnaie, d’une armée et d’une diplomatie unique. « Quel que soit le nouveau président, nous aurons à défendre nos intérêts avec acharnement », dit-il. « L’UE a besoin de faire encore beaucoup de progrès dans la voie de la fédération politique », conclut Jean-Claude Trichet.
Cette semaine, nous recevons Andrej Plenković, Premier ministre de la Croatie, pays des Balkans entré dans l'Union européenne en 2013. Membre du parti de droite HDZ qui siège au sein du Parti populaire européen en Europe, il revient sur un potentiel élargissement de l’UE à d’autres pays des Balkans occidentaux ainsi que sur le rôle des Vingt-Sept dans les conflits en Ukraine et au Proche-Orient.
En Moldavie, le «oui» l’a emporté de justesse lors du référendum sur l'inscription dans la constitution de l'objectif d'adhésion du pays à l'UE. La présidente sortante Maia Sandu devra affronter son opposant soutenu par les socialistes pro-russes à l'élection présidentielle du 3 novembre. «Il s'agit d’une nation divisée et polarisée où il y a sans doute eu beaucoup d'influences dans le débat», explique Andrej Plenković. Il apporte son soutien à Maia Sandu et dénonce «la guerre de la désinformation» venant de la Russie : «Elle est présente et il faut se battre pour la vérité et pour les faits», ajoute-t-il.
La Serbie est une candidate à l’adhésion à l’UE potentiellement problématique car elle n’a pas coupé ses liens avec la Russie : «Tous les pays de la région doivent remplir les critères» et s'«aligner» au mieux avec la politique de l’Union. «Si la Serbie est véritablement déterminée à rejoindre l'Union européenne, il faut qu’elle le montre dans tous les domaines, y compris la politique étrangère et en matière de sécurité», critique le Premier ministre croate.
L’UE veut durcir sa politique migratoire en envoyant des migrants dans des pays tiers « de retour ». Par exemple, l’Italie vient d'ouvrir deux centres de rétention en Albanie. «Nous sommes un peu réservés», explique-t-il au sujet de cette méthode de sous-traitance. «Pour le moment, nous voyons beaucoup de difficultés juridiques et opérationnelles. Nous attendons de voir quelles seront les vraies conséquences». Il dénonce par ailleurs « une politique de militarisation des migrants illégaux poussés vers la frontière orientale », envoyés par la Russie et la Biélorussie pour faire pression sur la Pologne de Donald Tusk.
Le sujet de la migration sera au cœur du débat avec la mise en place d’un nouveau portefeuille de Commissaire à la Méditerranée, Dubravka Šuica, une Croate nommée par M. Plenkovic : «Je suis sûr qu’elle va mettre l’accent sur toutes les politiques de l'UE en lien avec les pays du nord de l'Afrique et de la Méditerranée y compris la politique migratoire, les crises humanitaires, les politiques de transport, de développement et les politiques de coopération économique».
En ce qui concerne le rôle de l’Union dans la résolution du conflit au Proche-Orient, le Premier ministre affirme que le sujet est au centre des préoccupations : «C'est un des dossiers sur lequel nous débattons à presque chaque Conseil européen, à presque chaque réunion du ministère des Affaires étrangères», se défend-il. «Il faut que tous les pays de l'UE envoient de l'aide humanitaire lors de situations de crise où la population est en difficulté», assure Andrej Plenkovic.
À quelques semaines du résultat de l’élection présidentielle américaine qui pourrait voir Donald Trump élu, Andrej Plenkovic reconnaît par le passé «une cohabitation difficile» sur certains sujets avec l’administration Trump. Il reste cependant mesuré et souhaite une continuité de relations bilatérales : «Il faut mettre au premier plan ce qui nous lie. C’est plus fort que les choses qui nous séparent», conclut-il.
Nous recevons cette semaine Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la sécurité, dont le mandat prendra fin dans les semaines à venir. Il revient sur le rôle de la diplomatie européenne dans la résolution des conflits au Proche-Orient et en Ukraine. C’est également l’occasion pour Josep Borrell de faire le bilan de son mandat et d'envisager les priorités futures de l’UE.
Au lendemain de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, Josep Borrell appelle à la paix dans la région. «C'est l’occasion de finir la guerre et de faire libérer les otages», explique-t-il. «C'est le moment de dire assez et de regarder vers le futur», ajoute le chef de la diplomatie européenne. «Parmi les Vingt-Sept, il y a des positions très différentes», notamment face au droit à la défense de la part d’Israël. «Quelles sont les limites du droit à la défense ? Le Droit humanitaire,» répond Josep Borrell. «Quand on voit ce qu'on voit dans la destruction de Gaza, la question est pertinente», ajoute-t-il.
Cette semaine, l'Union européenne invitait à Bruxelles les États du Golfe à l’occasion d’un premier sommet. Josep Borrell rappelle sa volonté de travailler main dans la main avec les pays arabes. «La volonté de travailler ensemble est là», explique-t-il, pour travailler à la mise en place d'un État palestinien.
Sur le chapitre de l'Ukraine, Le président Volodymyr Zelensky a également présenté cette semaine son «plan de victoire» face à la Russie. Un plan que le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères juge «tout à fait logique, car le but final de l'Ukraine est l'adhésion à l'UE et à l'OTAN». Josep Borrell reconnait le blocage de certains pays et notamment du Premier ministre hongrois, Viktor Orban : «J'ai encore la tâche de trouver des solutions pour que la Hongrie ne bloque pas l'aide militaire à l'Ukraine. Je pense que nous allons y arriver au prochain Conseil de l’UE.»
L’immigration est également au cœur des débats. Alors que la position de l’UE se durcit sur la question de la sous-traitance des demande d’asile à des pays tiers, celui qui se définit comme «un homme de gauche» dit ne pas partager cette approche. «Certes, il faut protéger nos frontières» et faire en sorte «que les migrants arrivent d'une façon ordonnée», il prône cependant «une approche plus équilibrée», comme celle de Pedro Sanchez en Espagne. «La dynamique de la peur ne peut pas dicter la politique migratoire. Beaucoup de pays européens ne marcheraient pas sans un certain nombre de migrants, de jeunes et de leur capacité de travail», explique-t-il. Le chef de la diplomatie appelle également à renforcer la coopération avec l’Afrique sur d’autres sujets que la migration. «L’Afrique, c’est beaucoup plus que ça», dit-il. «Il ne faut pas oublier sa dynamique économique et sa capacité à produire tout ce qu'il nous faut, à commencer par des matériaux critiques».
Puis, à quelques semaines de l’élection présidentielle américaine, le chef de la diplomatie européenne juge la position de Kamala Harris «beaucoup plus réaliste» notamment au sujet de la résolution du conflit en Ukraine : «Qui peut imaginer que nous pouvons arrêter une guerre en une semaine ?», fustige Josep Borrell à la suite des propos de Donald Trump qui affirme qu’il réglerait le conflit en un jour s’il était élu.
Alors que son mandat touche à sa fin, Josep Borrell regrette le repli sur soi de certains pays européens. «Les Européens, chacun de leur côté, sont trop petits. Il faut absolument que nous ayons une politique beaucoup plus intégrée et je trouve que les réflexes nationaux sont encore beaucoup trop forts», conclut-il.
Nous accueillons cette semaine Pierre Vimont, chercheur associé à la Fondation Carnegie Europe et ancien secrétaire général du Service européen pour l'action extérieure. Il revient sur le grand oral du Premier ministre hongrois Viktor Orban devant le Parlement européen, qui a mis à jour les divisions sur l‘Ukraine ainsi que sur les défis à venir de la nouvelle mandature.
Pour Pierre Vimont, la position controversée du Premier ministre hongrois Viktor Orban sur l’Ukraine, tient pour une part de la « provocation. Mais Viktor Orban estime aussi qu'il dit haut et fort des choses que beaucoup d'autres dirigeants européens pensent mais n'osent pas dire », explique-t-il. « Depuis longtemps, il appelle ses partenaires européens à avoir entre eux une vraie discussion sur l'Ukraine et sur l'objectif final que nous souhaitons atteindre », reconnait Pierre Vimont. « Actuellement, sur le terrain, c'est devenu beaucoup plus difficile. La vérité, c'est que nous sommes un peu dans une impasse », admet-il. Il demande en même temps une « très grande fermeté quand Orban ignore les règles européennes, fait du chantage et bloque pratiquement toutes les décisions d'aide à l'Ukraine ».
En matière d’immigration, celui qui a été en charge d’un grand sommet UE-Afrique se désole des tragédies et noyades en mer qui touchent les migrants. Il conseille de signer de grands accords avec les pays de transit, mais aussi et surtout coopérer avec l’Afrique globalement, sur des questions autres que la migration. « Il faut s'attaquer à la source des problèmes et aller vers les pays d'origine en Afrique, dans le Sahel et dans d'autres pays encore, pour voir avec eux comment nous pourrions les aider à régler leurs problèmes de fond. » Il loue la politique migratoire de l’Espagne qui, selon lui, « essaie de manière très concrète de faire avancer les choses ».
L’ancien ambassadeur de France aux États-Unis évoque les conséquences d’une possible victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Selon les proches du candidat républicain, « il faudrait plus ou moins accepter la situation actuelle et donc reconnaître que la Russie occupe une partie du territoire ukrainien (…) et qu'il ne faut pas accepter que l'Ukraine entre dans l'OTAN », s’inquiète-t-il. « Nous voyons bien que ce sont des positions qui ne sont pas du tout celles des pays européens ! »
Face à l’embrasement du conflit au Proche-Orient, il reconnait « l’impuissance » de l’Europe : « Elle a disparu de la scène du Moyen-Orient depuis 10 ans », dit-il. Alors qu’elle fait les bonnes analyses et pèse économiquement, « Ce qui lui manque, c'est le passage à l'action », détaille l’ancien ambassadeur.
Enfin, au sujet du déficit et de l’endettement de la France, Pierre Vimont ne croit pas en une cure d’austérité comparable à celle de la Grèce, mais appelle le pays à « revenir dans les clous de Maastricht ». « Nous n'avons pas été capables de le faire depuis des dizaines d'années, alors que chaque fois que l'un de nos partenaires européens se retrouvait dans cette difficulté, nous lui demandions immédiatement de faire le nécessaire. Donc il est temps pour la France de revenir à un peu de rigueur », ajoute-t-il. Il connait bien Michel Barnier pour avoir été son directeur de Cabinet au Quai d’Orsay, et il reconnait la situation affaiblie du pays : « Quand vous êtes dans une situation de difficultés financières et plus généralement de difficultés économiques, les autres pays membres ne vous regardent plus tout à fait de la même manière. Un gouvernement sans majorité ne passe pas non plus inaperçu à Bruxelles ! ». Selon lui, la France est supplantée par d’autres pays, plus à l’Est et au Nord, qui font preuve de moins d’initiatives et d’idées: « L'affaiblissement de la France n'est pas forcément une bonne chose pour l'Europe », conclut-il.
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