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Connaissez-vous les bayas ? Ces bijoux de hanches sont faits de perles en verre, en noix, de bois ou en métal… ou en plastique, dans sa version la plus accessible. Traditionnellement employés à des fins rituelles ou symboliques, ils ont longtemps été réservés à l'intimité du couple. Mais en Côte d’Ivoire, une partie de la jeunesse citadine les porte désormais comme un accessoire de beauté, qu'il n’est plus nécessaire de cacher. Non sans quelques réticences…
Avec notre correspondante à Abidjan, Marine Jeannin
C'est un secret de femmes qui se transmet de générations en générations, en Côte d'Ivoire. On met d'abord les bayas aux petites filles en bas âge, car ils sont supposés affiner la taille pendant la croissance. Mais une fois adulte, ils deviennent un outil de séduction. Betty Konan, propriétaire de restaurant à Cocody Bonoumin, dit porter jusqu'à une vingtaine de bayas à la fois. « C'est pour séduire ! explique-t-elle. On sent que tu es une femme, ça excite ton homme. C'est toujours caché. Pour nous, les femmes d'un certain âge, ça ne se montre pas, on cache. C'est dans la chambre que l'homme découvre. Mais les jeunes préfèrent les montrer. Le monde évolue. »
Car pour la jeunesse abidjanaise, connectée aux réseaux sociaux et cosmopolite, les bayas sont désormais souvent utilisés comme un simple ornement. Au risque d'un choc des générations, souligne Marie-Hélène Banimbadio Tusiama, qui tient un compte Instagram consacré à la beauté féminine dans l'audiovisuel en Côte d'Ivoire.
« J'ai pas mal de jeans taille basse, de minijupes taille basse aussi, et du coup, les bayas ressortaient de manière un peu instinctive, comme si j'avais juste une belle ceinture, ceinture de taille un peu juste avec des perles, etc, énumère-t-elle. Pour moi, c'était un accessoire au même titre que mes bracelets, donc je le mettais un peu tout le temps… Jusqu'à ce que je me prenne plein de remarques, du style ''Ah mais ma chérie, il faut cacher ça !'' des tanties au marché, ou des hommes un peu plus âgés qui disent ''Ah ma chérie, il ne faut pas montrer ça en public'', etc. Et puis, petit à petit, c'est comme ça que même moi, j'ai commencé à le regarder différemment, et me dire ''Ah ce n'est pas forcément un bijou anodin, comme un petit collier ou des bracelets en perles''. C'est vraiment un truc qui accompagne tes sous-vêtements, d'une certaine manière, dans l'objet de la séduction, dans le contexte marital, si on veut vraiment repartir dans la tradition. »
Avant de mettre des tenues qui laissent voir leurs bayas, les jeunes femmes accordent donc une attention toute particulière à l'atmosphère et au lieu. « Quand on est à la plage, j'ai l'impression qu'avec les bayas, ça passe mieux, reconnaît Marie-Hélène Banimbadio Tusiama. Et surtout en soirée, aussi, quand on est tous dans le noir. À chaque fois, je me dis que je vais danser et que ça se verra juste un peu. C'est vraiment dans ces deux contextes-là qu'on les retrouve plus. »
Mais les bayas permettent aussi de renouer avec la tradition, puisqu'ils sont investis d'une dimension symbolique et rituelle, souligne l'artiste et curatrice Lyra-May Ouattara, qui a choisi de porter les siens par-dessus ses vêtements. « Là, je porte un baya de ma grand-mère, indique-t-elle en montrant ses quatre ceintures de cordes et de grosses perles noires et blanches, ornées de motifs abstraits. Donc quand je le porte, pour moi, c'est l'hégémonie matrimoniale. C'est ma grand-mère, son bagage, que je mets sur mes reins aujourd'hui, dans cet environnement-là. Ce sont des bayas baoulés, c'est identitaire. Je ramène, je revitalise l'héritage que ma grand-mère m'a passé parce qu'ils ne restent pas dans mes tiroirs. Je porte ma culture. Donc c'est tout un bagage porté aux reins très simplement, montré pour être partagé, finalement. »
La sculptrice appelle à « laisser en paix la jeune fille qui veut s'exprimer par son apparat, par sa manière de s'habiller ». Pour elle, le baya « peut finalement être un sujet social, un sujet d'analyse, sur comment est-ce que la société réagit au corps, au genre, à la sensualité, à la sexualité ». Et un héritage commun à la plupart des cultures ouest-africaines, puisque si le terme « baya » vient du malinké, le même objet est appelé « bine-bine » en wolof, et « afflema » dans les langues akans.
Troisième et dernière partie de notre série de reportages auprès des communautés sud-soudanaises ayant fui les inondations dans le comté d'Ayod, au nord-est du pays. Elles ont trouvé refuge le long du canal de Jonglei depuis 2021, et vivent dans un certain isolement. Il n'y a pas de route praticable, les marchés ne sont pas approvisionnés, et les habitants ont perdu une grande partie de leurs troupeaux à cause de l'eau. Les conditions de vie sont très rudes, et le manque de services de base a un lourd impact sur la santé.
Dans le village de Paguong, au nord-est du Soudan du Sud, où vivent plus de 10 000 réfugiés climatiques, il y a bien une clinique, mais elle manque de tout. Entourée d'eau stagnante et de boue, elle ne compte que deux petites structures en tôle ondulée. Quant aux patients, en majorité des femmes et des enfants, ils attendent leur consultation assis à même le sol, à l'ombre d'un arbre.
Nyawech Wal Bipal, 80 ans, arrive à la clinique en s'aidant d'une canne. « Je me sens mal, confie-t-elle. Je ne sais pas de quoi je souffre. » Déplacée par les inondations depuis quatre ans, elle vit dans des conditions déplorables, non sans conséquences sur sa santé : « J'ai perdu ma maison dans les inondations. Maintenant, je vis sans moustiquaire ni bâche en plastique pour me protéger de la pluie. Avant, nous avions des vaches, mais elles sont mortes. Je souffre de la faim, je n'ai plus de lait à boire », se désole-t-elle.
Lors d'un moment de panique, la cinquantaine de patients assis par terre sursautent et s'enfuient, car un serpent vient de passer parmi eux. Il y a eu plus de peur que de mal, puisque ce serpent-là n'était pas venimeux. Mais les serpents dangereux sont nombreux par ici, dans l'eau qui entoure le village, comme l'explique le docteur Juong Dok Tut :
« Ici, nous nous approvisionnons en médicaments depuis Ayod, qui est très loin. La ville est à six heures de marche, dans l'eau. C'est très dangereux pour les gens qui y vont, car il y a des serpents. Nous avons eu quatre morsures potentiellement mortelles le mois dernier. Nous avons pu les traiter, mais maintenant, nous n'avons plus d'anti-venin. Nous avons alerté les autorités du comté, mais pour l'instant, nous n'avons pas de réponse. Nous ne savons que faire désormais en cas de morsure de serpent. »
La santé maternelle est tout aussi préoccupante, malgré la présence d'une sage-femme à la clinique. Mary Nyalieth Wicnuor, une patiente de 38 ans, se rappelle ce qui est arrivé à l'une de ses voisines lors de l'accouchement de son premier enfant :
« Elle avait de graves complications. Elle a passé une nuit et un jour ici sans arriver à accoucher. Elle a dû être transportée vers un autre centre de santé, à une heure de marche d'ici. Là-bas, elle a pu accoucher avec une aide médicale, mais le bébé est mort. Et depuis, elle souffre énormément, car elle n'arrive pas à avoir d'enfant. C'est le manque de services de santé qui a causé ça. »
Un malheur aussi causé par le paludisme, qui fait des ravages ici à Paguong, la zone étant infestée de moustiques à cause de l'eau stagnante.
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Le comté d’Ayod, dans l’État du Jonglei, est dévasté par les inondations depuis six ans. Plus de 70 000 habitants, déplacés par la montée des eaux du Nil, ont trouvé refuge le long du canal de Jonglei. Coupés du reste du comté par l’eau, ces déplacés sont aussi isolés à cause de la situation politique volatile au Soudan du Sud : ils vivent dans un bastion de l’opposition armée du vice-président Riek Machar, entré en guerre contre le président Salva Kiir en 2013. Un accord de paix a été signé en 2018, mais pour les habitants de ces zones, il reste lettre morte et la crise humanitaire s’aggrave.
De notre envoyée spéciale à Paguong, dans l'État du Jonglei,
Des nénuphars flottent dans l'eau stagnante le long de la digue qui entoure le village de Paguong, où plus de 10 000 réfugiés vivent. Gatluok Chuol Dong, un officiel local, se remémore comment la communauté a été déplacée à plusieurs reprises par la montée de l’eau : « Les inondations nous ont poussés vers l’est. Nous avons dû abandonner notre bétail et migrer jusqu’au canal. Mais ses berges ne peuvent pas accueillir un grand nombre de personnes, donc nous avons décidé de chercher un endroit où construire une digue pour mettre nos enfants et nos anciens à l’abri. C'est ainsi que nous avons construit cette digue. »
Propriétaire d’une demi-douzaine de vaches qu’elle trait chaque matin, Nyakuom Deng Jioknyang, 35 ans, mère de trois enfants, confie que la nourriture manque : « Nous avions beaucoup de vaches avant les inondations, mais beaucoup sont mortes, celles-ci sont les seules qu'il nous reste. » Elle montre une poignée de végétaux de forme ronde, coupés en deux, dont l'intérieur est rempli de grains blancs : « Ces bulbes de nénuphars, c’est ce qui nous permet de survivre. Nous les ramassons dans l’eau, les faisons sécher, les transformons en farine pour les cuisiner et les manger sans aucune sauce, explique-t-elle. Le lait des vaches, nous ne le donnons qu’aux enfants, car il n’y en a pas assez pour nous, les adultes. »
De l’aide alimentaire doit être livrée bientôt par avion, c’est pourquoi la communauté coupe des arbres pour créer une « zone de largage » dans la forêt inondée.
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Philip Kuon Roha, le chef de l’administration locale, supervise les travaux. Avant le début de la guerre civile en 2013, il était enseignant à Ayod, la capitale du comté, aujourd’hui contrôlée par le gouvernement. D’enseignant, il est devenu combattant aux côtés des forces de Riek Machar, en guerre contre l’armée gouvernementale jusqu’à l’accord de paix de 2018. Un accord qui n’a selon lui pas été mis en œuvre :
« S’il y avait vraiment la paix au Soudan du Sud, les gens ne souffriraient pas comme maintenant. Avant la guerre, nous étions à Ayod, nous n’habitions pas dans ce coin reculé, tout le monde vivait ensemble et travaillait. Les gens faisaient de l’agriculture et élevaient leur bétail. Mais quand les combats ont éclaté, tout s’est effondré. J’en appelle à la communauté internationale pour que cet accord de paix soit enfin mis en œuvre et que nous reprenions une vie normale. »
L’officiel espère qu’une réconciliation entre les communautés sera possible, afin que les habitants des bastions de l'opposition puissent circuler librement.
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Pour la sixième année consécutive, le Soudan du Sud a été frappé en 2024 par des inondations catastrophiques. 1,4 million de personnes ont été touchées, dont 379 000 ont dû fuir de chez elles. Dans le comté d’Ayod, les populations nuer ont fui vers l’est et trouvé refuge sur le canal de Jonglei.
De notre envoyée spéciale à Pajiek, au Soudan du Sud,
Les tukuls, des huttes sud-soudanaises rondes au toit de chaume, et les abris des familles déplacées par les inondations défilent sur les rives du canal de Jonglei. Au passage du bateau, les enfants dévalent les berges et plongent dans l'eau pour jouer dans les vagues. Mathok Kong Char, employé de l’ONG Catholic relief services, explique : « Ces inondations viennent de l’ouest, et la communauté ne sait pas quand elles vont s’assécher ».
Pajiek a été créé à partir de rien en 2021, à l’est du canal de Jonglei. Ici, il n’y a aucun service de base. Seule l’aide alimentaire larguée par avion par le Programme alimentaire mondial (PAM) soulage un peu le quotidien. Des dizaines de femmes font la queue pour recevoir leur ration. Mathok Kong Char supervise la distribution : « Quand ils sont venus ici, ça a été très difficile pour eux. Ils n’avaient rien, aucun abri, aucune couvertures, car ils ont tout perdu pendant les inondations de 2021 ».
Un sac de sorgho de 50 kg sur la tête, Nyabuot Reath Kuor se dirige à pas rapides vers chez elle. La vie ici à Pajiek est rude. Mais retourner un jour vivre à Gorwai, son village natal, semble bien improbable. « Gorwai est complètement sous l’eau. Tout a changé là-bas, ce n’est plus un endroit vivable. Les arbres sont morts, il ne reste que des hautes herbes. Vous ne reconnaissez même plus où était le village, et encore moins où était votre maison. Gorwai est devenu un marécage ».
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Débuté il y a des décennies, ce phénomène d’expansion des marais du Nil préoccupe le chef coutumier Peter Kuach Gatchang : « Notre communauté a déjà été déplacée vers l'est par les inondations dans les années 1960. Nous avons de la chance d’avoir ce canal de Jonglei, il nous sert de digue, mais si les inondations s’aggravent et nous chassent à nouveau, nous ne savons pas où nous irons ». Le chef traditionnel déplore la « négligence » des autorités à l’égard des déplacés de Pajiek, tout particulièrement dans le domaine de la santé. Les malades doivent en effet être transportés à pied par leurs proches dans l’eau des inondations pour rejoindre la clinique la plus proche.
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Au Togo, le Festival des divinités met en effervescence la ville d’Aného et la cité spirituelle de Glidji jusqu’à dimanche 19 janvier. Des sociétés initiatiques venues du Bénin et du Togo sont montées sur les planches et ont animé la fête avec leurs chants et leurs danses toute la semaine.
De notre envoyé spécial à Aného,
Aného et Glidji vibrent au son du tam-tam, des castagnettes et de danses, dans une spiritualité à l’unisson depuis le début de la semaine. Toute la nuit du jeudi 16 janvier, les prêtres vaudous et leurs adeptes, tout de blanc vêtus, ont veillé pour invoquer les dieux pour les morts. « Nous devons faire la cérémonie pour des défunts, parce que nos ancêtres aussi ont leur monde à part, rapporte Da Silveira Têtê, l’un des prêtres qui a conduit la cérémonie. Pour que nos ancêtres soient reçus dans ce paradis, nous devons faire la cérémonie de Tchessicoco pour qu'ils soient reçus dans le paradis de nos ancêtres. »
La journée, plusieurs sociétés initiatiques venues de divers horizons ont tenu en haleine le public par leurs danses. Comme les Kondona, venus de la région de la Kara, au nord du Togo. « Durant les quatre ans, tu dois jeûner, explique le chef des Kondona, Tètougnima Sama. Et le jeûne, c'est un jeûne alimentaire et verbal. Alimentaire veut dire quoi ? Alimentaire veut dire, tu ne manges pas hors de ta maison. Et verbale, tu ne parles pas au-dehors. Et c'est quand tu effectues tout ça, tu fais ça durant quatre ans et la cinquième année, maintenant, tu deviens Kondona. »
L’initiation est pratiquée auprès de jeunes adultes de 24 à 28 ans qui ont fini le rite des luttes appelé Evala pendant trois années. Une quatrième année, faite de jeûne et d’interdits, est destinée à rendre plus aguerris et « complets » les jeunes hommes pour qu’ils passent dans la classe des adultes.
Il y a aussi l’initiation des jeunes filles pubères, qu’on appelle adjifo. Le public d’Aného les a vues sortir de leur couvent après plusieurs mois. « Dans le couvent, on leur apprend à faire de petits métiers et à leurs sorties, elles sont habillées de la sorte, raconte Félix Dossavi, historien. Elles sont recherchées par les hommes qui veulent se marier parce qu'elles sont déjà prêtes à gérer le foyer, les enfants et les activités économiques. »
Ce dimanche soir, Afia Mala et King Mensah, deux grands noms de la musique togolaise, animeront un grand concert sur le podium de la plage, place Acofin.
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Records Zaman a ouvert en 1967 à Agadir. À l’époque, ce fut le premier magasin de disques de la ville. 58 ans après, le fils du fondateur a repris le flambeau de ce magasin qui compte des milliers de vinyles et de cassettes, principalement de musique arabe, dont certains sont très rares. Amine Aqdim, 30 ans, est aujourd’hui à la tête de ce coffre à trésor musical. En parallèle, il développe une activité de DJ et s’emploie à numériser des enregistrements rares de musique yéménite, soudanaise, égyptienne et bien sûr marocaine.
De notre envoyé spécial de retour d'Agadir,
Situé au centre du vieil Agadir, le magasin fait à peine 20 m², mais il paraît beaucoup plus grand. Du sol au plafond, des vinyles allant des années 1940 à aujourd’hui décorent les murs et garnissent les étagères. De Billy Ocean à Ray Charles, en passant par AC/DC ou Farid El Atrache, on retrouve tous les styles.
« Dans ce magasin, vous pouvez trouver de la musique d’Inde, de la musique classique égyptienne, de la musique du Brésil, du hip-hop marocain, du funk, du disco... », explique Amine Aqdim, qui a repris le magasin de son père en 2017.
Assis à son bureau au centre de la petite pièce, ses doigts pianotent sur les rangées de cassettes. Il collecte et classe toute cette musique sur son ordinateur. Il est fier de sa collection unique de musique arabe. « Je veux conserver cette mémoire au Maroc. La plupart des gens ne voient la musique marocaine que comme de la musique traditionnelle. Mais il y a aussi de la musique électronique, du groove, de la disco, s'enthousiasme-t-il. C’est ce que j’essaye de partager avec les gens dans le monde. »
Parmi ses milliers de vinyles et ses centaines de cassettes, il y a quelques perles rares. « Et maintenant, je les garde pour moi. C’est un trésor ; ça coûte très cher, confie-t-il. Il y a vraiment une différence entre les éditions originales et les rééditions, et puis pour moi, ça me rappelle mon père. »
D’une valise bien cachée à l’arrière du magasin, il sort un vinyle du groupe de rock engagé des années 1970 - Nass El Ghiwane ou encore un album d’Osibisa, du groupe britannique d’afro-pop des années 1970 formé par des Ghanéens et des Caribéens… Mais ce qui le passionne le plus, c’est la musique enregistrée dans les studios de Casablanca dans les années 1970. « Il y a Izenzaren, c’est un groupe berbère des années 1970 très connu. Ils ont sorti leur album à Casablanca. »
En plus de numériser et de classer cette musique, Amine Aqdim est également DJ. Il collabore régulièrement avec le collectif français Radio Flouka pour remettre au goût du jour toute la diversité de la musique marocaine de 1950 à nos jours.
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Présenté par ses pairs comme l'un des meilleurs danseurs camerounais, Arsène Etaba écume les rues et salles de danse du Cameroun, d'Afrique et du monde pour des battles ou des festivals depuis bientôt 10 ans. Le directeur artistique de la compagnie The Perfomers, Arsène Etaba, présente ce week-end, au laboratoire Othni de Yaoundé, son premier solo, intitulé « Les dieux dansent mal ». Une performance dans laquelle il interroge la gouvernance des dirigeants.
De notre correspondant à Yaoundé,
Le corps sculpté d'Arsène Etaba transpire la danse. Son sens inné du rythme, la grâce de ses mouvements et son énergie explosive font trembler le plancher du laboratoire Othni, où il se prépare devant quelques admirateurs.
« Je pense que c'est la danse qui m'a choisi. Dans la danse, j'ai trouvé beaucoup d'autres facilitations. J'ai trouvé beaucoup d'autres ouvertures. J'ai été lauréat du prix Goethe-Découverte en 2022, rappelle-t-il. Mais avant ça, j'avais déjà eu la grâce de rencontrer Zora Snake, chorégraphe performeur, une légende de la danse également au Cameroun, qui m'a fait connaître l'Europe pour la première fois avec sa pièce Shadow survivors. Et c'est de là en fait qu'un autre chorégraphe, Serge Aimé Coulibaly du Faso Danse Théâtre, m'a récupéré. »
La danse, sa passion, l'a accompagné jusque dans son cursus académique. L'année dernière, à l'université de Douala, il en a fait le sujet de sa thèse en pharmacie sur le thème « La danse comme thérapie ». Quand Arsène Etaba danse, c'est aussi pour passer un message. Pour cela, il a créé un style hybride, la Djeum.
« La djeum est une danse afro urbaine qui est née à la suite d'événements fâcheux, je dirais, parce qu'il nous était interdit à une certaine période de danser dans nos propres rues, déplore le danseur. Alors moi, en tant que citoyen camerounais, jeune camerounais, entrepreneur, passionné d'art et de culture, je ne parvenais pas à comprendre pourquoi il m'était interdit de danser chez moi. Surtout que mes semblables, mes proches aimaient bien ce que je faisais. Donc, c'est parti d'une frustration. »
Huit ans après ses débuts dans le ballet universitaire et sa participation à plusieurs festivals en Afrique et dans le monde avec les compagnies Mugnal du Cameroun et surtout Faso Danse du Burkina Faso, Arsène est devenu une source d'inspiration pour d'autres jeunes. Rose Gweha, récente lauréate du prix Goethe-Découverte en performance scénique, le suit à la trace : « Pour moi, c'est la référence comme danseur avec les compétitions, la danse de création, j'ai fait tout ce qu'il fait, donc j'espère pouvoir être comme lui plus tard. »
Arsène Etaba est sur scène avec son premier spectacle solo « Les dieux dansent mal », qu'il joue ce week-end du 17 janvier à Yaoundé. Ensuite, direction l'Autriche, première étape d'une nouvelle tournée mondiale.
À écouter dans le Grand invité AfriqueAngel Kaba: «Jamais je n'aurais imaginé créer un spectacle qui touche le cœur des gens comme ça»
L'association Blind S.A., qui accompagne les déficients visuels, se bat pour l'exemption des droits d'auteurs quand il s'agit de contenu adapté, notamment en braille. Selon la loi sud-africaine, pour traduire un livre, il faut systématiquement en demander les droits d'auteur. Cela limite grandement les chances pour Blind S.A., principal traducteur en braille du pays, de traduire certains livres, et prive les déficients visuels de nombreuses œuvres. Une loi est censée mettre en place cette exemption, mais le processus d'application est bloqué depuis des années.
« Ici, nous avons une tablette en métal avec un stylet. C'est ainsi que l'on écrivait en braille à l'époque. Ensuite, nous avions cette petite machine manuelle. Mais c'est vieux, on n'utilise plus ça aujourd'hui », explique Ofentse Manyane. Aujourd'hui, ces anciennes machines à écrire en braille sont des pièces de musée. Ofentse Manyane nous emmène dans l'atelier de l'association.
« Cette machine imprime 1 000 pages par heure », précise-t-il face à une grosse machine connectée à un ordinateur. Les pages en braille sortent les unes après les autres. « Là, par exemple, c'est un livre politique pour le Botswana, car on imprime pour toute l'Afrique, pas seulement l'Afrique du Sud », confie Ofentse Manyane.
Cette activité est néanmoins perturbée par les droits d'auteur, nécessaires à chaque conversion en braille. Christo de Klerk, président de l'association, détaille : « Neuf fois sur dix, nous n'avons pas les droits, et nous ne pouvons pas convertir. Ce n'est même pas qu'on nous les refuse, mais dans 90% des cas, ils ne se donnent même pas la peine de répondre à notre demande de droits. »
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Après des années de combat et de déception, vient l'espoir : un nouveau projet de loi sur la protection des œuvres stipule que, pour une conversion en braille, il n'y a plus besoin de demander les droits. Seulement, cela bloque côté politique : depuis 2017, le projet de loi enchaîne les allers-retours entre le parlement et le Conseil constitutionnel.
« La section 19D stipule exactement ce que nous avons toujours demandé. Mais la loi n'a toujours pas été promulguée, car les politiques n'arrivent pas à se mettre d'accord sur d'autres points de cette loi. Et nous, nous sommes les otages de ces désaccords », développe Christo de Klerk.
« Seulement 0,5 % des œuvres sont disponibles en contenu accessible. Et automatiquement, ça réduit notre accès à l'éducation », déplore Jace Nair, PDG de Blind S.A. « Quand j'étudiais l'espagnol par exemple, j'ai demandé la conversion d'un livre très important. Mais nous n'avons pas réussi à obtenir les droits. Résultat : j'ai dû abandonner mes études d'espagnol », reprend Christo de Klerk.
Huit ans donc que Blind S.A. milite pour que cette loi soit enfin signée. Pour convertir n'importe quel ouvrage en braille en toute liberté, sans en demander systématiquement les droits d'auteur.
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Après les fêtes de fin d'année et du Nouvel An, dans la ville de Bukavu au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), l'heure est à la propreté des quartiers. Des travaux communautaires, communément appelés « Salongo », sont organisés dans la ville chaque samedi, entre 8 heures et 10 heures, afin de remettre les rues en ordre.
De notre correspondant à Bukavu,
Entourée des bouteilles plastiques, Neema Birugu, la trentaine et mère de trois enfants, balaye sur son avenue à Bukavu, en RDC. Pour elle, le « Salongo », c'est d'abord une discipline personnelle : « Pendant la fête, moi, mes enfants et certains amis, nous avons bu du jus. Mais après, les enfants ont jeté les bouteilles vides presque partout dans la cour, jusque dans l'avenue. Alors, ma tâche est de les ramasser. Car après la fête, c'est la propreté. »
Généralement, le « Salongo » est effectué en petits groupes, par axes, selon les affinités. Jérémie Muziraboba est membre du groupe des motards volontaires. Il a déposé sa moto pour tirer une charrette pleine d'immondices : « Il y a beaucoup de saletés. Beaucoup de commerçants ont jeté des immondices, des sachets, des paquets de biscuits, les restes des choux et légumes vendus par-ci par-là. On a jugé bon de donner de nos petites énergies pour rendre la ville propre. »
Au centre-ville, l'administrateur du marché de Nyawera Chikwanine Shanyungu Shabadeux, salue le « Salongo » et demande un coup de pouce pour faire mieux : « Je vois que c'est un peu propre, mais ce que je demande à notre gouverneur, c'est de donner un véhicule à chacune des trois communes pour l'évacuation des déchets. »
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Ce sont surtout les lieux publics comme le rond-point Major Vangu et la place de l'Indépendance qui sont visées par les jeunes membres de l'association Briquette du Kivu, pour faire bonne impression et attirer les visiteurs à l'instar de la Kényane Wanjira Mathai, directrice régionale pour l'Afrique de l'institut des ressources mondiales WRI. Elle exprime son admiration : « Nous sommes très fiers ! Ici, c'est un symbole de la restauration. Nous serons en partenariat ensemble pour la ville de Bukavu. »
Mugisho Zihalirwa Joseph est le coordonnateur de la cellule de communication à la mairie de Bukavu. Il loue les résultats de l'effort collectif : « On produit 9 896 tonnes de déchets par jour. L'autorité urbaine s'est décidée de rendre Bukavu plus propre qu'avant, et c'est dans ce sens qu'après les fêtes, le maire exhorte les habitants de se mettre au travail ! »
Le « Salongo » peut-il suffire à l'évacuation des déchets urbains ? Appolinaire Bulindi, habitant de Bukavu, pense de son côté qu'il faut aller au-delà et qu'au vu de ses conséquences sur le trafic, il faudrait l'accompagner d'autres mesures : « Quand vous faites le ''Salongo'', ça signifie que le samedi, toutes les activités sont bloquées de 8 heures à 10 heures. Il n'y a aucun véhicule qui roule. Est-ce que vous vous rendez compte de toutes ces conséquences-là ? Il faudrait réfléchir dans le sens d'engager un service pour faire la propreté. »
Des experts en environnement se disent, eux aussi, partagés sur le « Salongo » ; ils l'encouragent, mais à leurs yeux, il faudrait mieux l'encadrer.
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En Tunisie, quatorze ans après la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, l'avenue Habib-Bourguiba à Tunis reste encore un symbole pour beaucoup de Tunisiens. Si la date de l'anniversaire de la révolution tunisienne n'est plus officiellement le 14 janvier, jour du départ de Ben Ali, ce jour reste ancré dans les mémoires, quatorze ans plus tard, de ceux qui l'ont vécu de près.
De notre correspondante en Tunisie,
Dans le café Bonaparte, à quelques mètres de l'avenue Habib-Bourguiba à Tunis en Tunisie, Romdhane Drissi, 69 ans, s'affaire derrière le comptoir. Ce cafetier a toujours travaillé à proximité de l'avenue Bourguiba depuis quarante ans. Le 14 janvier 2011, il était vendeur de costumes pour hommes dans une boutique de l'avenue :
« Je me souviens du dernier discours de Ben Ali à la télé, celui qui a précédé sa chute. C'était vraiment un mauvais discours. Et ensuite, le lendemain, je suis allé au travail, j'ai ouvert la boutique et j'ai tout vu. Les manifestants qui affluaient, ceux qui ont crié devant le ministère de l'Intérieur. C'était vraiment un grand jour pour moi, même si je n'en comprenais pas l'ampleur. »
Aujourd'hui, Romdhane fait partie des déçus de la révolution et ne célébrera pas le 14 janvier. « Comme beaucoup de Tunisiens, je n'aime pas trop me remémorer la révolution, et j'espère qu'on n'en fera pas une autre. La situation économique ne s'est pas du tout améliorée après la révolution », souligne-t-il.
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D'autres restent fidèles à la mémoire de la date du 14 janvier comme Salma Jabbes, la propriétaire de la librairie El Kitab, symbole culturel de l'avenue Habib-Bourguiba :
« Tous nos libraires venaient tous les jours. Certains venaient à pied, certains se débrouillaient, mais venaient quand même. On a tenu bon parce que pour nous, c'était très important d'être présents, d'être là pour les manifestants. Très souvent, on ouvrait les portes pour faire rentrer les manifestants qui passaient rien que pour les faire ressortir par les portes de derrière. »
Quelques jours après la chute du dictateur, la librairie met en vitrine tous les livres interdits à l'époque de Ben Ali. Un engagement qu'elle assume jusqu'à aujourd'hui :
« Le contrôle sur les livres, sur la presse, sur les médias de manière générale, se fait de manière un peu insidieuse, où on essaye d'obliger les gens à faire de l'autocensure. Or, nous, depuis toujours, depuis la création de la librairie – c'était ma mère à l'époque qui avait démarré –, on n'a jamais voulu céder à ces pressions. »
Et dans la vitrine, la liberté d'expression est présente avec le livre d'un collectif de chercheurs, intitulé Le Pouvoir d'un seul. Ce mardi 14 janvier, si des manifestations d'opposants politiques sont prévues, la librairie restera ouverte, comme chaque année.
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En Côte d’Ivoire, l'humour a la cote. Les spectacles affichent complet, ce qui donne envie à de nombreux jeunes tentés par une carrière artistique à s'essayer à l'art comique. Certains peuvent bénéficier de conseils et même de cours d'artistes établis. C'est le cas à Abidjan, où le comédien Kôrô Abou, figure emblématique de la scène humoristique ivoirienne, s'est donné pour mission de transmettre son savoir-faire. Depuis une vingtaine d'années, son académie forme les talents de demain.
Nous sommes sur le plateau de la série culte Cour Commune, diffusée depuis plus de dix ans sur la chaîne nationale ivoirienne. Ce programme met en lumière la vie dans une cour commune typique d'Abidjan, où cohabitent des personnages issus des différentes ethnies de Côte d'Ivoire : Bétés, Baoulés, Malinkés. Mais ce qui retient l'attention, c'est que les comédiens sont presque tous issus de l'académie Koro Abou.
Parmi eux, Aka N'Dri, qui incarne avec brio un vieil homme bété. Un rôle qu'il doit à l'expertise et à l'exigence de son mentor : « C'est Kôrô Abou qui m'a appris à être dans ce personnage, à parler comme les Bétés. Au début, je n'aimais pas ce rôle, je trouvais ça difficile. Mais il m'a dit : "Lékilé, tu vas jouer ça et tu vas y arriver". »
Dans cette académie, les enseignements théoriques laissent vite place à la pratique. Écriture comique, stand-up, improvisation... Tout est mis en œuvre pour faire éclore les talents. « Il disait toujours ''le travail d'abord'' », se souvient Karidja Traoré, une des élèves de l'académie. Elle explique le travail de fond du fondateur des lieux : « Il nous montrait comment se placer sur scène, comment bouger face à une caméra sans être stressé. Aujourd'hui, je monte sur scène sans peur, même devant des milliers de personnes. »
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Derrière ce projet ambitieux, il y a donc Dramé Abdrahmane, plus connu sous le nom de Kôrô Abou. Il encadre présentement une cinquantaine de jeunes. Du haut de ses 37 ans de carrière, il connaît les clés du succès : travail, discipline et passion.
« Ceux qui sont intéressés par le domaine viennent s'inscrire. On fait du théâtre, de l'humour et de l'imitation. Mais tout dépend de ta volonté, de ta capacité à apprendre, et de l'amour pour cet art. Nous, on est là pour te coacher et faire de toi un produit que l'on peut vendre », confie-t-il.
Après trois ans de formation, les élèves repartent diplômés, prêts à conquérir les scènes ivoiriennes et bien au-delà.
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L'académie a vu naître des figures emblématiques de l'humour ivoirien, comme L'intellectuel Kaboré. Celui-ci assure : « Kôrô Abou m'a présenté à de nombreux réalisateurs et mécènes. Grâce à Dieu et à lui, je suis devenu ce que je suis aujourd'hui. C'est un grand homme de l'humour ivoirien. »
Révélé dans les années 1990 grâce à l'émission Dimanche Passion, Kôrô Abou a su imposer son style. Aujourd'hui, il souhaite, à travers son académie, continuer à transformer la passion du rire de ces jeunes en une véritable vocation.
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