Nos correspondants et envoyés spéciaux sur le continent africain vous proposent chaque jour en deux minutes une photographie sonore d'un événement d'actualité ou de la vie de tous les jours. Ils vous emmènent dans les quartiers ou dans les campagnes pour vous faire découvrir l'Afrique au jour le jour. Diffusions : Lu à Ve vers l'Afrique à 05h48, 07h51, 09h51. Vers le monde à 05h34, 06h34, 08h20, 20h18. Retrouvez les sujets traités par cette émission sur RFI SAVOIRS = http://savoirs.rfi.fr/
Au Ghana, voilà plus d’une décennie qu’environ un millier d’Ivoiriens ont établi domicile après avoir fui, en 2011 pour la plupart, les violences causées par la crise électorale. Beaucoup y ont créé leurs commerces, poursuivi des études ou même fondé une famille. Pas question pour eux donc de rentrer en Côte d’Ivoire. Sauf que depuis la cessation officielle de leur statut de réfugié en 2022, leur vie a basculé dans une grande précarité. Pourtant, un accord signé entre le gouvernement ghanéen et l’ONU leur garantit un permis de séjour permanent. Aujourd’hui, certains d’entre eux revendiquent leurs droits.
De notre correspondant à Accra,
Pas de fenêtres, des parpaings apparents, des parois humides, tel est le lieu où Geneviève Taboh, 47 ans, a trouvé refuge avec ses sept enfants et petits-enfants. « Ce n’est vraiment pas facile, la souffrance continue », déplore-t-elle.
Cette Ivoirienne, qui a fui son pays lors de la crise électorale de 2011, a pour seul papier sa carte de réfugiée. Un document qui, malgré la cessation officielle de leur statut fin 2022, est toujours censé lui garantir les mêmes droits qu’un citoyen ghanéen, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mais selon Geneviève Taboh, il n’en est rien : « Avec ça, on nous donne seulement du papier hygiénique et du savon, c’est tout. Tu es malade, tu te soignes toi-même. Il n’y a pas de travail, nous n’avons aucun document qui nous permet de travailler dans la société. »
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Comme Geneviève Taboh, ils sont environ 500 Ivoiriens à avoir demandé un permis de séjour sur le sol ghanéen. Des documents normalement garantis par un accord signé entre l’ONU et le Ghana. Sauf qu’aujourd’hui, les anciens réfugiés attendent toujours, alors que leurs passeports ont bel et bien été transmis par la Côte d’Ivoire aux autorités ghanéennes en mars 2023.
De quoi provoquer l’incompréhension et la colère d’Eric Kiple, président de l’association des Ivoiriens intégrés au Ghana : « Quand les passeports ont été remis au Ghana refugee board (Bureau ghanéen des réfugiés), il y a eu une cérémonie. Après qu’ils ont pris nos informations biométriques, nous n’avons plus entendu parler du Ghana refugee board, ni du service d’immigration, s’indigne-t-il. Nous ne pouvons ni travailler, ni faire autre chose… Nous sommes dans une situation de précarité totale, parce que le Ghana refuse de signer nos passeports et de nous fournir une “Non-citizen card”. »
Cette situation, le Bureau ghanéen des réfugiés ne l’ignore pas. Mais selon son secrétaire exécutif, Tetteh Padi, ce délai s’explique par le caractère inédit de la démarche : « Nous sommes tout autant pressés de fournir les papiers. Mais malheureusement, puisque c’est la première que nous faisons cela, il n’existe pas de procédure. Il a fallu que l’on saute des étapes tout en s’assurant que nous étions dans le cadre de la loi. Et c’est cela qui prend beaucoup de temps. »
Aucune date n’a, à ce jour, été annoncée quant à la délivrance de ces titres. Sans réponse rapide des autorités, l’association des Ivoiriens intégrés au Ghana prévoit très prochainement de manifester.
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Mettre en avant les histoires de femmes qui ont marqué et continuent d’influencer le continent africain, c’est l’objectif du podcast KaBrazen, au Kenya. Pensé pour les enfants de 4 à 10 ans, il jongle entre faits historiques et fiction pour raconter les vies de femmes africaines. Les épisodes sont disponibles en anglais et en kiswahili. Derrière les textes, trois artistes kényanes et leur studio, LAM Sisterhood. Le résultat : des épisodes mélangeant narration et musique.
De notre correspondante à Nairobi,
La combattante anticolonialiste kényane Mekatilili wa Menza, la reine Njinga en Angola ou encore la poétesse burundaise et militante des droits humains Ketty Nivyabandi, chaque épisode de KaBrazen explore la vie d’une femme africaine qui a marqué le continent, qu’elle soit une contemporaine ou une figure historique. Une façon de mettre ces femmes en lumière. « Je ne demande qu’à ce que l’on me prouve le contraire, mais à ce jour, je n’ai pas trouvé de programme scolaire qui mette en avant le point de vue des femmes africaines, explique Anne Moraa, une des autrices du podcast. Pour moi pourtant, et pour notre collectif LAM Sisterhood, c’est essentiel, car nous sommes nous-mêmes des femmes africaines. Regarder notre Histoire à l’échelle mondiale et avoir l’impression de ne pas exister, c’est fou. Nous voulions rendre accessibles ces récits pour les enfants à travers le monde. »
Aux origines de KaBrazen, il y a une pièce de théâtre que LAM Sisterhood a monté pour présenter des histoires de femmes. Puis l’envie est venue de les raconter aux enfants. Si le projet est éducatif, il doit aussi rester divertissant. Les épisodes mélangent aussi bien des faits historiques que des éléments de récits, de mythes, de légendes et des chants.
« Beaucoup d’histoires de ces femmes sont soit difficiles à trouver, car elles n’ont pas été archivées, soit elles ont été confinées à des espaces académiques, soit elles ont été racontées par des personnes qui ne nous représentent pas, analyseAleya Kassam, une des femmes derrière le podcast. Donc nous comblons les manques avec notre imagination. Il faut garder en tête que nous nous adressons à des enfants de 4 à 9 ans. Il faut réussir à transformer des notions très complexes, comme le colonialisme, en histoires que les plus petits peuvent comprendre. C’est là que l’imaginaire joue un rôle. »
Les histoires sont racontées par un personnage nommé Aunty Shishi. Laura Ekumbo lui prête sa voix. C’est la dernière membre du trio de LAM Sisterhood. Elle le reconnait, choisir les portraits de femmes n’est pas chose facile : « Ce qui était important pour nous, c'était d’abord d’avoir une diversité géographique, c'est-à-dire que les épisodes représentent les femmes de plusieurs pays du continent. Et puis nous avons aussi voulu une diversité en termes d’expériences, d’histoires, de façon à ce qu’un maximum d’enfants y trouve un intérêt. »
À travers KaBrazen, Anne, Aleya et Laura espèrent inspirer les plus jeunes. Le trio rêve de voir les épisodes traduits en plusieurs langues parlées sur le continent.
La deuxième saison est en cours de diffusion. Les épisodes sont disponibles sur l’ensemble des plateformes de podcast et sur le site du podcast.
À écouter, notre podcast sur les questions de genre dans les sociétés contemporaines africaines Bas les pattes !
Fin octobre s'est tenue la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg. Sur le continent, la liberté de la presse reste fragile : selon le classement annuel de Reporters sans frontières, dans près de la moitié des pays, la situation est « problématique » ou pire. Les journalistes d’investigation font face à de nombreuses tentatives d’intimidation, avec détentions arbitraires et même meurtres. Mais ils doivent aussi prendre leurs précautions en ligne.
De notre correspondante à Johannesburg,
Les journalistes ne sont pas immunisés contre les attaques numériques et leurs conséquences, qui peuvent se traduire de façon bien réelle. « Quand on fait du journalisme d’investigation, on s’expose naturellement aux critiques, mais il y a des fois où cela va bien au-delà, avec des cas de campagnes de désinformation très spécifiques et ciblées qui nous visent nous ou notre organisation, explique John-Allan Namu, le co-fondateur du média d’enquête Africa Uncensored. On en a fait l’expérience lors des manifestations de juin au Kenya. On peut aussi voir ses informations privées être divulguées en ligne, ce qui s'appelle le doxing, par exemple votre adresse, ou bien les gens révèlent où vos enfants vont à l’école. Ça ne m’est pas arrivé, mais j’ai vu d’autres personnes en être victimes. »
La sécurité physique des journalistes peut donc être en jeu, tout comme leur bien-être mental, en cas de cyber-harcèlement. Et les femmes sont particulièrement touchées : dans une récente enquête mondiale de l’Unesco et du Centre international des journalistes (ICFJ), 73% d’entre elles déclaraient avoir subi des violences en ligne dans le cadre de leur travail.
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« Imaginez-vous, j’ouvre mon téléphone et je vois sur Facebook, où j’ai publié un article, des gens en train de m’insulter, témoigne Madeleine Ngeunga, journaliste camerounaise spécialisée dans les enquêtes environnementales et rédactrice en chef pour l'Afrique au Centre Pulitzer. On n’est pas sans cœur, on va y penser toute la journée. Et si ça se répète, si à chaque avis qu’on donne sur les réseaux sociaux les gens nous insultent, nous traquent, je pense qu’à un moment donné, on aura comme la phobie des réseaux sociaux, notre humeur va forcément changer. »
Ce harcèlement en ligne a des conséquences sur le bien-être mental des personnes qui en font l'objet. « Donc, je ne peux pas dire que ce qui se passe sur les réseaux sociaux, c'est une autre vie, et ce qui se passe chez moi, c'est une autre vie, poursuit la journaliste d'investigation. C’est pour ça que je fais des efforts, et je conseille aussi aux collègues d’en faire, afin de trouver des méthodes pour se protéger quand on est en ligne. »
De plus, les mêmes outils de recherche en source ouverte qu’utilisent les journalistes pour enquêter sont de nature à se retourner contre eux, tout comme leur téléphone ou leurs ordinateurs qui peuvent être espionnés, ce qui conduit parfois à aussi mettre en danger ceux qu’ils ont interrogés.
Il faut donc agir avec prudence, selon Jones Baraza, expert en cybersécurité pour le réseau Code for Africa : « Avec l’émergence de nouvelles technologies, on voit aussi apparaître de nouveaux dangers pour les journalistes. Il faut que les individus et les rédactions mettent en place des règles pour s’assurer d’avoir un minimum de sécurité. »
Dans une déclaration adoptée à la fin de la conférence sud-africaine, les participants ont réclamé plus d’efforts de la part des gouvernements et des rédactions du continent, afin de mieux protéger les journalistes et sauvegarder la liberté d’expression.
Retrouvez les deux premiers épisodes de cette mini-série :
L’université du Witwatersrand à Johannesburg, en Afrique du Sud, a accueilli fin octobre la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique. Du fait de la complexité des réseaux mondiaux et de la diminution des ressources des rédactions, le travail d’investigation se fait de plus en plus en équipe, avec des collaborations qui voient le jour sur le continent.
De notre correspondante de Johannesburg,
Pour comprendre les crimes transnationaux et leur complexité, difficile de travailler tout seul de son côté. Mariama Thiam, journaliste sénégalaise, en est témoin : « L’expérience que j’ai eue, c'est une collaboration transnationale concernant le trafic de bois de rose au Sénégal, en Gambie, en Chine et en Suisse. Cela permet d’effectuer un travail plus complet et de pouvoir suivre le dossier au-delà de son pays, explique la journaliste. Si je devais faire ce travail en Gambie, ce serait plus compliqué pour moi parce que je n’ai pas forcément les bons contacts. Et quand on parle de contacts, c'est aussi la confiance qui est établie entre le journaliste et la source et justement, la collaboration permet d'arriver à tout ça. »
La plus grosse enquête à laquelle Emmanuel Dogbevi a participé est aussi un projet de collaboration : en 2018, treize professionnels de différents pays du continent ont eu accès aux bases de données du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). En s’associant avec la Cenozo (la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest), ils ont dévoilé différents cas de malversations et de blanchiment d’argent dans la région, connus sous le nom de « West Africa leaks ». Pour Emmanuel Dogbevi, la portée du projet n’aurait pas été la même s’il avait simplement travaillé sur son pays, le Ghana. « Quand on travaille ensemble et qu’on publie une enquête commune, sur le même thème, mais avec des angles et des sujets différents, cela aura potentiellement plus de poids. Et notre voix porte mieux, car on est nombreux. »
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Mais très souvent, les projets de collaboration viennent des pays occidentaux, qui possèdent plus de ressources en termes de données, d’expertise et surtout d’argent. Maxime Domegni en charge de la zone francophone du continent pour le GIJN, le Réseau international des journalistes d’investigation : « Vu que les ressources sont limitées dans la région, il se trouve qu’en général, pour les grands projets collaboratifs qui existent, les ressources viennent des médias des pays du Nord. Mais, encore une fois, il y a quelques projets qui ont abouti. Parfois, ce ne sont pas forcément des enquêtes à gros moyens, il peut y avoir des "petites enquêtes" traitées en collaboration avec d’autres journalistes, précise Maxime Domegni. C’est vrai que l’on n’a pas encore atteint le niveau souhaité en matière de collaboration, mais les choses progressent sur le terrain. »
Travailler en groupe offre aussi plus de protection, avec des journalistes qui se retrouvent moins isolés face aux menaces et aux tentatives pour les faire taire sur le continent.
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L’université du Witwatersrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, a accueilli, en octobre dernier, la conférence annuelle sur le journalisme d’investigation en Afrique. Au cœur des discussions : l’utilisation des nouvelles technologies pour creuser des enquêtes, et notamment le rôle de l’intelligence artificielle. Un outil plein de promesses, mais encore peu maîtrisé et dont on découvre l’étendue des possibles en tâtonnant.
Voici Alice, présentatrice des journaux en ligne du média zimbabwéen CITE (Le Centre pour l’innovation et la technologie). Mais Alice n’existe pas vraiment : elle a été créée grâce à l’intelligence artificielle. Pour Lulu Brenda Harris, l’une des « vraies » reporters de l’équipe, cela permet de dégager du temps pour faire du travail d’enquête : « Les journalistes humains produisent le contenu et on écrit un script, que l’on donne à Alice pour la présentation. Notre rédaction n’a que trois reporters. Donc maintenant, on a du temps pour faire davantage de reportages de fond, car on sait que la présentation de l’information sera gérée par Alice. »
Au-delà de cet exemple, l’IA offre aussi de nouveaux outils afin de traiter un grand volume de données, ce qui peut être intéressant pour enquêter, selon Henri-Count Evans, professeur de journalisme à l’université d’Eswatini : « On peut maintenant télécharger un ensemble de données, et rédiger un prompt avec des instructions, pour obtenir certaines réponses, et cela peut aider à aller dans la bonne direction. C’est un moyen intéressant pour combler un manque de compétences, puisque jusqu’à présent, lorsque les journalistes avaient besoin d'analyser des données, ils n’avaient pas forcément les connaissances pour le faire. »
L’IA peut cependant aussi servir à manipuler les images et l’information. Pour Narcisse Mbunzama, expert numérique congolais, il est crucial pour les journalistes de se familiariser avec ces outils : « Avec le développement des technologies, si vous n’êtes pas à jour, vous serez mis hors-jeu. Et il sera difficile, par exemple, pour un journaliste qui ne maitrise pas les outils de l'IA, de pouvoir identifier certaines vidéos. Il faut vraiment avoir des compétences beaucoup plus avancées, soit dans l’utilisation des logiciels de l’IA, ou dans le fact-checking, pour pouvoir être en mesure d'identifier ce genre de vidéos. »
Mais ces technologies ne sont pas forcément conçues et adaptées pour le continent africain, comme le regrette Eman El-Sherbiny, journaliste égyptienne et enquêtrice pour l’ONG Bellingcat : « Par exemple, nous avons essayé de travailler sur le Soudan, en identifiant les incendies et les forêts qui ont été brûlées, mais c’était très compliqué, car il n’y avait pas suffisamment de données satellites des années précédentes. Je pense que les personnes qui travaillent sur les technologies de l’intelligence artificielle devraient inclure beaucoup plus les chercheurs africains, dès le début. »
L’utilisation de l’IA pour mener des enquêtes journalistiques en est, en tout cas, encore à ses prémices, et de nombreuses utilisations restent à explorer.
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Les femmes font partie des premières victimes du changement climatique, et l'intensification du réchauffement de la planète vient souvent bouleverser leur vie. C'est le cas de nombreuses d’entre elles sur l’île d'Ukerewe, sur le lac Victoria, au nord de la Tanzanie. À cause de la montée des eaux et de la diminution de la population de poissons dans les eaux du lac, certains maris pêcheurs décident donc d'abandonner définitivement leur famille pour trouver plus de poissons et de revenus ailleurs, laissant femme et enfants dans une extrême précarité.
C'est un groupe de femmes enjouées qui se retrouve sur un lopin de terre asséchée, entouré de quelques arbres, à Murutunguru, au nord de l'île d'Ukerewe. Parmi elles, Sarah Bigambo, 28 ans et mère de six enfants. En 2021, alors qu'elle était enceinte, son mari pêcheur lui a annoncé qu'il partait : « Quand il est parti, il a dit qu'il avait trouvé un travail sur l'île. Il m'a promis d'envoyer de l'argent et il allait et venait. Mais maintenant, il est parti pour de bon. »
Ce qui a causé le départ de son mari, c'est le manque de poissons. Alors qu'il était auparavant possible d'en pêcher 500 kilos par jour, il est désormais souvent difficile d'en ramener cinq. Utilisation de filets aux mailles trop petites et intensification des pluies liée au changement climatique expliquent cette chute brutale. Des faits confirmés par Joyce Komanya, du Centre juridique et des droits de l'homme à Dar es Salam et auteure d'un rapport sur le sujet :
« Depuis que nous avons commencé à documenter et observer le changement de modèle climatique, nous avons réalisé qu'il pourrait s'agir du changement climatique. Les gens ont vécu dans cette zone et pêché depuis très longtemps, mais nous n'avons jamais vu de tels changements comme ceux actuels. »
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Comme souvent, les femmes sont les premières victimes du changement climatique. Comme Habiba, 47 ans, dont le mari pêcheur a, lui aussi, quitté le foyer : « C'est tellement difficile de trouver de la nourriture. La situation est très mauvaise. Les enfants vont à l'école sans rien manger de la journée, ils reviennent sans énergie. Je leur dis de rester forts, mais c'est très dur. Je ne sais pas où est leur père, il est parti sans même dire au revoir. Nous, les femmes, nous ne pouvons pas juste abandonner nos familles. Nous continuons à nous battre pour nos enfants. »
Habiba et Sarah trouvent du soutien auprès du groupe de femmes Sauti Ya wanawake (« La voix des femmes »), une ONG locale. Ensemble, elles fabriquent du savon qu'elles revendent ensuite. Un maigre revenu pour ces femmes d'Ukerewe, dont l'avenir et celui de leurs enfants restent plus qu'incertain.
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C'est la plus grande île lacustre d’Afrique. Ukerewe, 500 km² de terre dans les eaux du lac Victoria, située à 50 kilomètres de la ville tanzanienne de Mwanza, est connue pour ses pêcheurs. Mais ces derniers voient leur quotidien menacé par une diminution des stocks de poissons dans le lac. En cause, des pratiques de pêche inadaptées, mais aussi les effets dévastateurs du changement climatique.
« Samaki » (« le poisson » en swahili) est désormais bien difficile à trouver dans les eaux entourant Ukerewe. Pambano Boniface, pêcheur sur le lac Victoria depuis 15 ans, voit ses filets remonter de plus en plus vides : « Vous quittez la maison et naviguez pendant plus de six heures à la recherche de poissons. Vous partez trois ou quatre jours et il n'y a pas de garanties que vous trouverez du poisson. Vous pouvez partir pendant des heures et revenir avec seulement deux kilos de poissons, ou parfois rien du tout. »
L'économie de l'île dépend principalement de la pêche. Alors, certains pêcheurs comme Damien Simon et ses collègues s'essaient à la pisciculture : « C'est quelque chose de nouveau, que nous ne faisions pas dans le passé, où on pêchait normalement dans le lac. Mais nous avons commencé à cause du manque de poissons. »
Tous ne peuvent se permettre ces techniques, car le coût de mise en place reste élevé et le gouvernement, même s'il promeut ces méthodes, n'offre pas d'aide au financement. Certains tentent donc de se tourner vers d'autres activités comme l'agriculture, mais ils font face à des défis similaires, comme l'explique Joyce Komanya de l'organisation Centre Juridique et des droits de l'Homme à Dar es Salam : « Ils pensent que de passer de la pêche à l'agriculture va les aider, mais en réalité, les agriculteurs ont, eux aussi, leurs propres problèmes liés au changement climatique. »
Le changement climatique est l'une des causes majeures de ce manque de poissons. Les pluies sont de plus en plus rares, mais les épisodes pluvieux sont de plus en plus intenses, provoquant notamment une montée des eaux du lac. À cela s'ajoutent des techniques de pêche inadaptées avec des filets qui capturent même les plus petits poissons, qui n'ont pas le temps de se reproduire. Pour Pambano Boniface, le futur est incertain : « Je vois un avenir difficile. Si notre présent est rude, le futur le sera bien plus. »
En 2024, le niveau des eaux du lac Victoria est supérieur à toutes les années records enregistrées depuis 1992.
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D'après de nouvelles observations satellites révélées cette année, la montée du niveau des eaux des grands lacs d'Afrique de l'Est est alarmante. Sur le lac Victoria, Ukerewe en Tanzanie constitue la plus grande île lacustre d'Afrique. Sa population vit essentiellement de la pêche et les habitants de l'île sont de plus en plus nombreux à voir leurs vies bouleversées par la montée des eaux du lac.
Depuis la plage de Nansio, sur l'île d'Ukerewe, la vue matinale du lac Victoria semble idyllique. Il suffit pourtant d'un simple regard pour observer plusieurs arbres engloutis par les eaux ici et là. Paschal est guide touristique et originaire de l'île. Il a vu le lac changer ces cinq dernières années : « Je me souviens, par là-bas, il y avait un grand arbre où on avait l'habitude de s'asseoir et manger. Mais ça, c'est de l'histoire ancienne, car il n'y a plus d'arbres, plus d'ombre à cause de la montée des eaux. »
Un peu plus loin, Faustine pointe du doigt un large morceau de plage où des vaches paissent, le corps à moitié submergé dans l'eau. C'est ici que se trouvait la rizière de son père quand il était enfant : « Il y a peut-être d'autres raisons, mais de ce que je vois. Tout ça, c'est à cause de la pluie. Les gens ne peuvent plus cultiver, car il n'y a pas assez de pluie, et quand il pleut, toute la zone est inondée. »
La pluie fait effectivement partie des raisons expliquant la montée des eaux du lac. Même s'ils sont moins fréquents qu'avant, les épisodes pluvieux directs, ainsi que ceux qui alimentent la vingtaine de cours d'eau qui se jettent dans le lac, sont désormais plus intenses. Des changements climatiques qui, au-delà de transformer les paysages, affectent de plus en plus les populations les plus vulnérables de l'île. C'est ce qu'explique Joyce Komanya de l'organisation Centre Juridique et des droits de l'homme à Dar es Salam :
« Les hommes ont beaucoup émigré vers d'autres endroits, donc les femmes sont abandonnées avec les enfants sans ressources. Nous avons aussi noté beaucoup d'abus sur les enfants, une baisse du taux de présence dans les écoles, car même les enfants sont forcés de travailler pour soutenir la famille. »
Le long de la plage, John Ngaile marche sur des pierres englouties. Ce sont les restes de sa maison : « J'ai vécu 15 ans ici et j'ai essayé de construire un mur pour éviter que l'eau ne rentre, mais elle a finalement tout emporté. Ça m'a complètement changé. Je suis désormais très pauvre. »
Avec sa maison, il a aussi perdu ses revenus, puisqu'il louait des chambres. Aujourd'hui, plus de 40 millions de personnes vivent dans le bassin du lac Victoria et sont menacées par la montée des eaux.
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« Savon » et « malnutrition » : difficile au premier abord, de voir un lien entre ces deux mots. Pourtant, le savon est considéré aujourd’hui comme l’un des outils de l’arsenal déployé pour combattre la malnutrition, et vous allez voir pourquoi. À Madagascar, plusieurs organisations qui interviennent dans les régions fortement touchées par la malnutrition chronique ont mis en place des ateliers pour enseigner la fabrication artisanale de ce produit d’hygiène et permettre de lutter plus efficacement contre ce fléau. Dans la région montagneuse du Bongolava, 52% des enfants souffrent de malnutrition chronique. Reportage sur ces Hautes-Terres centrales.
Le poignet souple, Lanto mélange avec ardeur le liquide blanchâtre dans sa bassine. Progressivement, la pâte s’épaissit. « J’achète les ingrédients au marché à la ville : la soude et l’huile. Après, je rajoute l’eau et je fabrique le savon à la maison, une fois par semaine. Une bassine pleine comme celle-là, ça me fait 60 morceaux. Je vends en priorité aux membres de notre Association Villageoise d’épargne et de crédit. Et s’il en reste, je peux aussi le vendre à d’autres villageois », explique-t-elle.
Si la vente de savon permet d’accroître les revenus de celles qui en fabriquent, elle a surtout permis de rendre plus accessible un produit d’hygiène de base, mais coûteux, financièrement et en déplacements. Un produit pourtant essentiel dans la lutte contre la malnutrition ... « La lutte contre la malnutrition, c'est évidemment d'avoir une alimentation équilibrée. Mais la cause sous-jacente de la malnutrition, c’est aussi la question hygiène. Et ça, on le sait moins ». Reine Rasoamiaramanana coordonne les actions sur terrain dans la région Bongolava, pour Action Contre la Faim. « Même si on est bien nourri, le manque d'hygiène crée la dénutrition. Je pense notamment aux effets des maladies diarrhéiques ... Donc on promeut les techniques de lavage de mains au niveau de nos bénéficiaires », dit-elle.
Seulement, l’ONG s’est rendu compte que beaucoup de familles bénéficiaires des programmes de lutte contre la malnutrition n’adoptaient pas les comportements enseignés. « Pourquoi ça ? Parce qu’ils n'ont pas à disposition de savon, les savons sont très chers et ne sont pas à leur portée. C’est pour cela qu’on leur a appris à fabriquer eux-mêmes leur propre savon », indique-t-elle.
Dans la commune rurale d’Ambararatabe où vit Lanto et dans ses environs, rares sont donc les habitants qui marchent encore 3 longues heures pour rallier la ville la plus proche pour y acheter du savon. À cinquante kilomètres de là, au pied des collines rases d’Ankadinondry Sakay, Dina et Safidy, deux jeunes agricultrices, se sont elles-aussi lancées dans la production artisanale des précieuses barres blanches. « Avant, j’achetais du savon à chaque fois que j’avais du linge sale. Et quand je n’avais pas d’argent, bah je ne pouvais pas faire la lessive et le linge s’accumulait. Maintenant, plus besoin de se casser la tête pour savoir où et quand trouver du savon : j’utilise le stock que je me suis fabriqué », dit l'une. « Et en plus, c’est 3 fois plus rentable de le faire soi-même ! » ajoute l'autre. « Oui, et maintenant, on peut se laver les mains avant de préparer les aliments, et on peut aussi dire aux enfants "filez nettoyer vos mains avec du savon avant de manger !" et ils y vont », raconte-t-elle.
Petits changements pour grands effets. Le lavage des mains au savon a déjà démontré les impacts majeurs sur la santé publique partout dans le monde. Couplé à une alimentation plus nutritive, il contribue aujourd’hui à réduire la malnutrition sur l’île.
En Côte d’Ivoire, c’est un festival de poésie qui s’est tenu du 4 au 6 novembre à Abidjan. Créé en 2021 par l’écrivaine ivoirienne Tanella Boni, « Poéticales » en est à sa quatrième édition. Pendant trois jours, entre Abidjan et la ville balnéaire de Grand-Bassam, les poètes ivoiriens et les invités internationaux ont célébré la poésie sous toutes ses formes.
De notre correspondante à Abidjan,
Faire de la poésie un art accessible à tous : c’est l’objectif que s’est donné la poétesse Tanella Boni en créant le festival « Poéticales ». Entièrement gratuit, il se décline en panels de discussions, récitals de poésie et spectacles de slam, et entre plusieurs écoles, universités et instituts culturels. Car la poésie, défend Tanella Boni, est indispensable à la vie humaine.
« La poésie, c’est la parole fondamentale, professe-t-elle. Elle dit la vie, elle dit le monde, elle dit le passé, elle dit donc l’avenir. C’est une expérience fondamentale de la vie. Heureusement qu’elle existe ! Elle existe partout dans le monde, elle existe dans toutes les langues. C’est vraiment, je dirais, le langage humain par excellence. C’est ça, pour moi, la poésie. Et c’est pour cela aussi que nous créons cet espace-là, ce festival, pour que les uns et les autres puissent s’exprimer autour de la poésie et en poésie. Dans cette langue faite à la fois de mots, de silences, de rythmes… »
En plus des écrivains ivoiriens, « Poéticales » rassemble cette année sept poètes de plusieurs continents autour du thème « Poésie et Migration ». Les débats, toujours littéraires, sont aussi ancrés dans l’actualité, souligne Hanétha Vété-Congolo, professeure d’université et poétesse martiniquaise invitée à l’un des panels. « Nous sommes ce que nous sommes par migrations, par immigrations, par émigrations. Nous avons vécu et nous vivons encore des formes de déplacement massives. Il est important de proposer un espace de parole à des personnes qui peuvent ne pas en avoir, ou qui peuvent démontrer des difficultés à prendre la parole ou à poser leur parole, défend-elle. Et en effet, en poésie, nous voyons bien des personnes qui se sont déplacées volontairement, ou qui ont été déplacées contre leur gré, se donner la peine d’entrer dans cet espace poétique pour en parler, pour le dire à leur manière. »
À écouter dans Littérature sans frontièresTanella Boni, ne plus se taire et être en paix en Côte d'Ivoire
Le déplacement géographique est aussi bien souvent une source d’inspiration. Le poète et psychiatre canadien d’origine haïtienne Joël Des Rosiers va même jusqu’à qualifier l’expérience de la migration « d’expérience poétique ». « Aujourd’hui, beaucoup de poètes s’enrichissent auprès de ces pays, de ces terres étrangères qui ne sont pas les leurs, mais qui deviennent les leurs. Il y a une appropriation qui, je pense, fait partie d’un universel humain. Mais cela pose aujourd’hui la question des transgressions frontalières. Comment passer [les frontières] ? »
Aussi qualifie-t-il le « poème de la migration » de « poème qui se balance entre la vie et la mort ». « Les traversées du désert, les traversées de la mer, les traversées des forêts, énumère-t-il… Les gens meurent vraiment. Les enfants meurent. Les femmes sont violées, les petites filles sont violées. Nous vivons dans un monde où le poète a désormais une place pas seulement pour dénoncer, mais pour annoncer, je crois, pour annoncer à l’homme et à la femme ses compétences à aimer, à considérer la terre comme étant à tous et à toutes. C’est un problème majeur. Les frontières sont nécessaires, et en même temps, elles sont faites pour être traversées. »
Dans son livre Métaspora, Joël Des Rosiers évoque ce qu’il appelle « les patries intimes ». « Les questions aujourd’hui ne sont plus d’ordre identitaire, explique-t-il. La question, ce n’est pas : “Qui suis-je ?”. La question, c'est : “Où suis-je ?”. Et donc c’est la fabrication des lieux qui se superposent, qui se distendent, qui se rejoignent, à travers cette expérience de la migration, du départ, du voyage, du retour quelquefois. Donc le poème se situe dans toutes ces dimensions-là, qui sont des dimensions créatrices très puissantes désormais. »
Pour ceux qui auraient manqué le festival « Poéticales », le collectif ivoirien L’École des poètes organisera son propre festival international de poésie à Abidjan, axé celui-là sur le slam, au début du mois de décembre.
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Une femme réussira-t-elle à capter le vote des Américains pour accéder à la Maison Blanche ? C’est la principale question que les gens se posent en Centrafrique, l’un des pays du continent où cette élection est suivie de près. Dans les rues de la capitale Bangui, les partisans du candidat républicain Donald Trump affrontent ceux de la démocrate Kamala Harris, dans des débats parfois houleux comparant les projets des deux candidats. Dans ce pays où certains croient fermement qu’une femme ne deviendra jamais présidente des États-Unis, d’autres tentent de déconstruire ces superstitions.
De notre correspondant à Bangui,
Allongé sur le canapé du salon de sa maison, une carafe de vin de palme à ses côtés, Jonathan Ngouyagre, jeune entrepreneur, ne rate rien de la campagne présidentielle sur les chaînes américaines. « Je suis un fan des valeurs républicaines, confie-t-il, donc je vais m’aligner derrière Donald Trump. Pour moi, c’est une source d’inspiration, pour tout ce qu’il a fait pour les États-Unis. »
Écharpe à l’effigie du candidat républicain Donald Trump autour du cou, Jonathan est séduit par les projets de son mentor : « Donald Trump, c’est un modèle, sa politique est un modèle d’abord par rapport à l’immigration et également en matière d’ingérence internationale. Parce que pour le président, les États-Unis n’auront plus le droit d’interagir dans tout ce qui est international. » Concernant les sujets de société, Jonathan est aussi favorable au candidat républicain : « Il a parlé également du non à l’avortement, et c’est ce qui est normal en fait. C’est ce qui me plaît. »
À écouter dans DécryptageHarris ou Trump : les enjeux d’une élection historique
À Bangui, les Centrafricains suivent de bout en bout la course à la Maison Blanche. Portia Deya Abazene, présidente de la Fédération des associations des femmes centrafricaines, nous accueille dans son bureau. Son admiration pour Kamala Harris est grande. « Elle est la première femme élue vice-présidente des États-Unis. Elle soutient, et cela lui tient particulièrement à cœur, les droits des femmes et des minorités. Elle incarne l’optimisme d’un avenir meilleur », se réjouit-elle.
Selon elle, Kamala Harris est devenue un modèle de réussite pour certaines femmes centrafricaines. « La voir à la Maison Blanche, c’est un moment historique parce qu’elle a toujours placé au cœur de ses ambitions d’ouvrir les portes pour les femmes dans la société. »
Dans les rues de Bangui, les discussions sont parfois houleuses et certaines personnes pensent que les Américains ne sont pas prêts à être gouvernés par une femme. Ce jour marquera la fin du monde, selon de nombreux observateurs. Mais Lionel Koursany ne croit pas à ces superstitions. « Je ne pense pas que l’élection d’une femme est synonyme de la fin du monde aux États-Unis, défend-il, c’est de la rumeur parce qu’il n’y a pas de fondement tangible. Je pense que les femmes peuvent devenir présidentes et les hommes aussi peuvent devenir président. Il n’y a pas d’obstacles. »
Kamala Harris ou Donald Trump ? Les Centrafricains sont impatients de connaître le prochain occupant de la Maison Blanche.
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