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Il y a cinq ans jour pour jour, le 23 janvier 2020, la Chine annonçait à Wuhan le premier confinement à cause d'une maladie à coronavirus, alors un virus inconnu, qui sera baptisée plus tard Covid-19. On ne fait mention nulle part en Chine de cet anniversaire. Mais à Wuhan, les stigmates demeurent.
Avec notre correspondante à Wuhan, Clea Broadhurst
La vie a repris son cours à Wuhan, dans la province du Hubei, au centre de la Chine. Mais, interrogés sur le premier confinement dû au Covid-19, les habitants se souviennent, parfois dans la douleur, « des mois les plus difficiles de [leur] vie », comme nous le dit Tang.
« Au début, ce n'était pas grand-chose, mais plus les rumeurs se répandaient, plus elles devenaient exagérées et on se sentait tous à cran, se remémore l'homme, qui tient un petit magasin près du marché de fruits de mer Huanan. Dire que le marché est à l'origine de toutes ces infections, c'est complètement absurde. Des rumeurs circulaient même sur le fait que les gens d'ici mangeaient des chauves-souris ! Aucune preuve, juste leur imagination débordante. » Ils sont nombreux, parmi les passants interrogés par RFI, à dire que le marché de la ville a été blâmé à tort.
À l’époque, ce qui comptait pour eux, c’était de survivre, explique Yue, un chauffeur de taxi. « À Wuhan, causer des ennuis, c'est comme demander la mort, se souvient-il. L'approche était la suivante : "Mieux vaut arrêter à tort que laisser passer quelqu'un." Sur TikTok, on regardait des vidéos de Pékin ou de Shanghai où des gens disaient : "Je veux sortir, je viens d'outre-mer, je veux juste faire un jogging", et la police restait là, à essayer de les raisonner. Mais des vidéos similaires à Wuhan ? Non. Si vous osiez faire quelque chose comme ça, c’était chercher les ennuis. »
Le nombre de victimes est une incertitude qui demeure, souligne Li, qui affirme ne pas savoir « combien de personnes sont mortes, car il n'y a pas eu de bilan officiel. Les critères pour les statistiques étaient très stricts. Par exemple, on ne comptait que les personnes officiellement diagnostiquées et décédées à l'hôpital. Et encore, il fallait mourir dans un service spécifique ou dans une zone désignée pour être pris en compte. Les crématoriums fonctionnaient 24 heures sur 24, sans interruption. Wuhan comptait quatre crématoriums, qui fonctionnaient tous sans interruption. S'ils brûlaient un corps toutes les demi-heures… je vous laisse faire le calcul ».
Aujourd’hui, les habitants de Wuhan veulent tourner la page, oublier à quel point leur ville a pu être silencieuse. Pour Dang, cela a aussi révélé la persévérance des habitants : « Tout le monde était uni dans la lutte contre la pandémie. Les personnes âgées, les jeunes, on faisait tous preuve de patience. L'esprit d'entraide, les bonnes actions sans se soucier du profit personnel se sont renforcés. C’est toujours le cas aujourd'hui. »
Wuhan tente de reprendre du poil de la bête, voulant à tout prix laisser derrière elles les stigmates de cette période douloureuse.
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Suite à l'invalidation par la Cour constitutionnelle du second tour de la présidentielle en Roumanie, l'extrême droite manifeste. Elle estime que le candidat Calin Georgescu, arrivé en tête, a été injustement écarté. Pour motiver l'annulation du scrutin, des soupçons de financement illégaux, ainsi que des ingérences sur le réseau social TikTok, sans doute par la Russie, ont été évoquées. Mais l'enquête n'a pas encore rendu ses conclusions, ni publié les preuves.
Les manifestants étaient près d'un millier, samedi 18 janvier, rassemblés dans une rue étroite du centre-ville de Bucarest, la capitale de la Roumanie. Entre le tintamarre des vuvuzelas et des sifflets, les protestataires ont demandé la reprise du second tour de la présidentielle. Au milieu de la foule, Antonia, 19 ans, enlace son compagnon, Matteï, 22 ans. Les deux étudiants sont venus protester contre l'invalidation du premier tour par la Cour constitutionnelle, le 6 décembre 2024.
« La Cour constitutionnelle de Roumanie a annulé ces élections complètement, du jour au lendemain, quelques heures avant de pouvoir voter en Roumanie. À l'étranger, on votait déjà. Et puis, ils ont dit que non, on annule et c'est irrévocable. Et finalement, ils n'ont pas trouvé de preuves concrètes puisque Georgescu les a attaqués devant la justice et ils n'ont pas pu dire pourquoi. Simplement, ils ont dit que non, on annule cela, sans preuves qui soutiennent cette décision », croit savoir Antonia.
La jeune femme parle français car elle a grandi au Québec et est revenue avec sa famille en Roumanie en 2022. Elle n'a manqué aucune des manifestations initiées par les partis souverainistes qui ont lieu chaque semaine depuis début janvier. Son compagnon, Matteï, en master d'économie internationale, dénonce lui aussi un manque de transparence : « Je voudrais que l'on organise un second tour, car je considère que c'était le choix du peuple. Nous n'avons pas reçu d'explications claires et je ne pense pas que des spéculations sont de bonnes raisons pour annuler cette élection. »
Dans le hall d'un hôtel de la capitale, le politologue Sergiu Mişcoiu reconnaît que la situation soulève des questions et que le statu quo observé par les partis au pouvoir ne fera que renforcer les partis nationalistes. « On a vécu les dix dernières années dans une sorte de bulle en croyant que nous sommes très pro-européens, que la Roumanie est un pays rempart de la démocratie libérale. Et malheureusement, ce discours-là a permis aux partis, notamment aux libéraux et aux sociaux-démocrates, de s'isoler du reste de la population, d'avoir une sorte d'entre soi dans les décisions prises », déplore-t-il.
La Cour constitutionnelle a invalidé le premier tour suite à la déclassification de documents des services de renseignement. Des documents qui mentionnent des manipulations graves sur TikTok et d'autres réseaux sociaux en faveur du candidat d'extrême-droite, Calin Georgescu, mais aussi des soupçons d'ingérences russes et des financements illicites pour sa campagne, alors qu'il n'a déclaré aucune dépense. Comme le revendiquent les protestataires, les preuves concrètes n'ont pas été présentées au public par les autorités.
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Un reportage à retrouver en entier dans l'émission Accents d'Europe.
Donald Trump a été investi, ce lundi 20 janvier, pour un second mandat à la Maison Blanche. Lors de son discours, il a abordé de nombreux thèmes de sa campagne, notamment sur la question migratoire.
Les élus et une majorité de Groenlandais voient dans les velléités du président américain élu, Donald Trump, l’opportunité de se libérer de la tutelle danoise. L’indépendance du territoire stratégique est au cœur des débats.
De notre correspondante à Nuuk,
Le Groenland américain ? Pas grand monde à Nuuk, la capitale, pense que Donald Trump mettra à exécution ses plans d’annexion de l’île arctique. Tida, 60 ans, n’y croit pas du tout : « Les gens ici n'en ont rien à foutre. On ne peut pas être achetés. On sait de génération en génération à quel point les peuples autochtones sont maltraités aux États-Unis. » « Nous ne sommes pas des objets, mais des êtres humains. Ça nous fait beaucoup rire. Mais nous ne voulons pas être doublement colonisés. Nous voulons être nous-mêmes et je pense que le temps est venu », rajoute Kira, étudiante de 25 ans.
Et c’est ainsi que Trump est devenu l’allié improbable des indépendantistes groenlandais. Son intérêt pour la plus grande île du monde a ravivé et attisé les espoirs de nombreux Groenlandais. C’est le cas de Qarsoq, youtubeuse et ingénieure, qui grimpe rapidement dans sa voiture pour aller se réchauffer dans un café. « Il y a deux jours, j’ai annoncé me présenter aux élections. Je viens de rejoindre le parti indépendantiste et je vais me battre pour l’indépendance du Groenland, affirme-t-elle. Le fait que Trump s’intéresse au Groenland, ça a provoqué un immense déclic. Les Groenlandais commencent vraiment à réaliser qu’ils ont beaucoup plus de valeur que ce qu’ils pensaient. Beaucoup se disent : "Wow, ok, peut-être qu’on peut faire plus que ce qu’on pensait". Je vois tout ça d’un œil très positif. »
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Svend Hardenberg, appareil photo argentique autour du cou, prend quelques clichés des passants. Il est une figure locale très populaire. Il a été chef de cabinet sous l’ancienne Première ministre du Groenland, il est aujourd’hui homme d’affaires et un acteur connu. Pour lui, les Groenlandais ont toujours voulu leur indépendance, mais pour y arriver, le peuple doit encore briser des barrières psychologiques. « Beaucoup de personnes ont été mentalement colonisées à travers le temps et c’est très difficile de se libérer de ces schémas de pensée. C’est tout un processus. »
Pourquoi acheter un territoire déjà totalement acquis à la cause américaine ? Cela n’a pas de sens pour Pele Broberg, leader de Naleraq, le parti de l’opposition et indépendantiste. « S’il veut plus de forces armées au Groenland, je l’y invite. S’il veut plus de sécurité autour de l’Arctique, on veut la même chose, souligne-t-il. Le Groenland a été annexé en 1953 par le Danemark qui est comme un mari violent pour un enfant qui essaie de sortir de cette relation. Et d’un coup, il y a ce grand type avec de grands enjeux qui débarque et qui dit : "Hé, laissez cet enfant partir." Lui, c’est Trump pour l’État danois. »
Cela ne fait aucun doute. L’enjeu majeur des élections générales le 6 avril prochain sera l’indépendance de la plus grande île du monde.
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Donald Trump menace de fermer la frontière avec le Mexique à son arrivée à la Maison Blanche et Kristi Noem, la prochaine secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis, a déjà annoncé devant le Sénat l’intention du gouvernement de supprimer l’application CBP One, lancée par l’administration Biden pour obtenir un rendez-vous pour faire une demande d’asile aux États-Unis. Dans la ville frontalière de Ciudad Juárez, en face d’El Paso, si la frontière n’est pas saturée de monde comme elle a pu l’être par le passé, les incertitudes et les craintes liées aux premières mesures de Donald Trump inquiètent les personnes souhaitant migrer.
De notre envoyée spéciale à Ciudad Juárez,
Le pont international de Ciudad Juárez est l’un des principaux points d’entrée vers les États-Unis. Au milieu du pont, au côté des voitures, s’est formée une file de plus d’une centaine de personnes. Avec leurs bagages et leurs papiers à la main, ce sont des personnes migrantes qui ont obtenu un rendez-vous cet après-midi pour déposer une demande d’asile.
Adriana Flores est Salvadorienne. Cette infirmière a tout quitté pour tenter sa chance du côté des États-Unis. Elle descend tout juste de l’avion depuis la capitale mexicaine où elle a attendu quatre mois avant de décrocher un rendez-vous. « J’ai mon passeport, la confirmation du rendez-vous et le mail qu’on m’a envoyé, explique-t-elle. J’ai été très heureuse, quand c’est arrivé. Car avec le nouveau président qu’il va y avoir, j’avais peur que le rendez-vous n’arrive jamais. Je doutais, mais grâce à dieu, j'arrive à temps. Aujourd’hui, je suis là. »
À ses côtés, des Vénézuéliens, des Haïtiens, des Mexicains... Ils pourraient être parmi les derniers à passer aux États-Unis via la procédure de CBP One.
À la moitié du pont, deux agents de l’immigration états-unienne vérifient les identités de ceux qui ont un rendez-vous avant de les laisser continuer d’avancer. Alicia Gonzalez, son mari et sa fille viennent de l’État du Michoacán, au Mexique. Cela fait un an qu’ils attendent de partir, pour fuir l’insécurité. « Je suis très nerveuse, car je ne sais pas ce qui nous attend, confie-t-elle. Justement, le mandat de Donald Trump va commencer et qui sait comment ça va se passer pour nous là-bas ? »
Comme tous ceux qui veulent aller aux États-Unis, elle est inquiète des menaces du président des États-Unis qui a promis de lancer un plan d’expulsions massives.
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Dans le centre-ville de Juarez, les migrants sont peu nombreux. L’endroit a mauvaise réputation et beaucoup de migrants craignent les enlèvements contre rançon. Mais assise à un kiosque, Emilie Diaz attend encore une chance de faire une demande d’asile - elle a essayé aussi à Tijuana, sans succès pour l’instant.
Arrivée dans le nord depuis 20 jours, elle se plaint de douleurs, accentuées par le froid qui avoisine les zéro degré en ville. Cette Vénézuélienne emmène avec elle une amie et quatre enfants. Elle vend des bonbons dans la rue pour payer quotidiennement sa chambre d’hôtel. Emilie raconte être confuse par toutes les fausses informations. « Comme l’investiture est le 20, on nous a dit que le 19, ils vont ouvrir la porte. C’est une rumeur. » Elle hésite à essayer de passer. « Je préfère attendre le rendez-vous, mais si ça ne donne rien ?! Certains disent qu’ils se livrent aux autorités… Je ne sais pas quoi faire. »
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Le 20 janvier, Donald Trump sera de retour à la Maison Blanche, et sa promesse de lancer dès le premier jour de son mandat une vaste opération d’expulsions de « sans-papiers » pourrait toucher des millions de personnes. La Californie et Los Angeles, la plus grande ville de l’État, ont déjà prévenu qu’elle n’assisterait pas le nouveau président américain dans sa tâche et qu’elles feraient de leur mieux pour protéger les quelque 1,8 million de « sans-papiers » qui vivent dans le Golden State.
De notre correspondant à Los Angeles,
Maria garde un œil sur son adorable petit-fils de 2 ans, elle fait partie des « abuelitas », ces grand-mères, « sans-papiers » et « sans histoire », loin du stéréotype du « dangereux migrant » véhiculé par certains politiques. Et quand Donald Trump parle d’expulsions de masse, il ne cible pas que les criminels endurcis. « Je n’ai jamais eu de problèmes avec la loi, affirme Maria. J’ai toujours essayé de bien me comporter justement pour les éviter. »
Arrivée il y a 31 ans du Chili avec un visa touriste, Maria attend sa régularisation. La procédure est bien enclenchée, mais la fermeté affichée par Trump sur l’immigration pourrait tout changer. Il n’exclut pas d’expulser des familles entières. « Il dit tellement de choses qu’on ne sait plus que croire. Il dit que oui, il va expulser tout le monde, puis non. Donc, on vit dans l’incertitude. Qu’est-ce qu’il va se passer ?, s'inquiète Maria. Est-ce qu’il va faire tout ce qu’il annonce ? Est-ce qu’il aura le pouvoir de faire tout ce qu’il annonce ? On vit tous avec ces doutes. »
La fille de Maria, Jennifer, est une « Dreamer », une protection spéciale créée par l’administration Obama pour les « sans-papiers » entrés enfants aux États-Unis. Un statut lui aussi incertain. « Il n’y a rien de nouveau avec ce statut. On le renouvelle encore et encore, mais on ne sait pas jusqu’à quand on pourra le faire, explique Jennifer. Trump veut apparemment s’en débarrasser, mais ce serait pour nous trouver une solution permanente. On n’a pas vraiment plus de détails, donc on attend de voir ce qui va se décider. »
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Dans leur situation, la chance de Maria et Jennifer, c’est qu’elles vivent en Californie, un bastion de la résistance anti-Trump. Mi-décembre, des centaines de personnes ont défilé dans le centre de Los Angeles avec des pancartes clamant, en espagnol : « Les immigrés sont bienvenus ». Le Conseil municipal a formalisé le statut de ville-sanctuaire de Los Angeles.
« On ne peut pas ignorer les menaces de Trump. Elles ont pour but de faire peur. Ce qu’une ville-sanctuaire veut dire, c’est que Los Angeles ne mettra pas d’argent, de personnel ou de ressources à disposition des agents fédéraux pour mener leurs expulsions, indique Jorge-Mario Cabrera, qui travaille avec Chirla, une association d’aide aux migrants. C’est très simple, mais ça aidera à éviter, ou en tout cas aidera à ralentir, le travail de ces agents à Los Angeles. »
Roxanne Hoge, porte-parole du Parti républicain de Los Angeles, dénonce de vaines gesticulations : « L’immigration relève de la compétence du gouvernement, pas d’un Conseil municipal. Est-ce qu’on vit dans un État de droit ou pas ?, interroge-t-elle. C’est très décevant de voir des élus censés défendre la loi faire exactement le contraire. Ils préfèrent qu’on parle d’eux pour montrer qu'ils s’opposent à Donald Trump. »
En 2024, l’administration Biden a expulsé 270 000 personnes. Donald Trump vise cinq fois plus chaque année.
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Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche devrait entraîner des expulsions massives d’immigrés en situation irrégulière, des droits de douanes sur les importations, mais aussi des coupes claires dans les dépenses et les effectifs de l’État fédéral. Une mission, le Doge, le ministère de l’Efficacité gouvernementale, va même être créée et confiée à l’homme d’affaires Elon Musk. Et cela fait peur aux fonctionnaires fédéraux.
De notre envoyé permanent à Washington,
Dans un parc de Washington, loin du Pentagone où elle travaille, nous avons rendez-vous avec une femme qui se fait appeler Lucy — ce n’est pas son vrai nom. Cette haute responsable du ministère de la Défense va quitter ses fonctions et, sous couvert d’anonymat, elle a accepté de témoigner. Elle dirige des milliers de fonctionnaires fédéraux, et ils sont inquiets.
« Les gens sont affolés, très très tendus. Ils sont très inquiets de perdre leur boulot ou leurs programmes, confie-t-elle. Ils s’inquiètent aussi beaucoup du Doge. Est-ce que ça va vraiment exister ? Est-ce que ça va peser beaucoup ? Ils ont l’impression qu’Elon Musk a le Pentagone dans le collimateur, ce qui est ironique parce que nous avons financé beaucoup de ses entreprises. Nous subventionnons Space X en quelque sorte, alors c’est quand même bizarre de nous attaquer. »
La Défense n’est pas le seul domaine qui est dans le viseur. Billy, ce n’est pas non plus son vrai nom, travaille pour l’Agence de protection de l’environnement. Et il s’attend au pire. « Je m’attends à des choses comme l’obligation de revenir en présentiel au bureau, peut-être des déménagements — des agences déplacées des bâtiments où elles sont depuis des décennies vers de nouvelles villes. Peut-être des licenciements, énumère-t-il. Il y a de la peur. Je crois qu’il y a beaucoup d’incertitudes. Et je pense qu’il y a aussi un peu de résignation, particulièrement pour les gens qui ont connu la première présidence Trump. Il y a un sentiment de déjà-vu. »
À écouter dans Eco d'ici, éco d'ailleursElon Musk et les autres, des milliardaires plus forts que les États ?
Si ces deux fonctionnaires ont demandé à être anonymisés, il y a une raison : ne pas être spécifiquement visé. « Cette administration a des listes de personnes à viser. C’est très inquiétant et c’est sans précédent, s'inquiète Tim Washington, qui travaille dans une organisation qui protège les lanceurs d’alerte du secteur de l’environnement. Et c’est généralement basé sur les convictions personnelles de chacun et non sur les qualités de fonctionnaire. Par exemple, la Heritage Foundation [un think tank très conservateur] a demandé des informations sur les mots que les fonctionnaires ont utilisés dans leurs courriels. Il y a par exemple "changement climatique", "orientation sexuelle", "transgenre", il y a toute une série de mots dans leurs demandes sur des employés qui ont utilisé ces mots avec l’idée qu’ils ne seraient pas loyaux au président Trump ».
Elon Musk promet de faire faire « maigrir » l’État fédéral pour atteindre les 2 000 milliards de dollars d’économies.
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Dans le nord de la Syrie, les combats continuent entre les forces armées kurdes et les factions pro-turques de l'Armée nationale syrienne. L'objectif : récupérer la totalité de la poche kurde, contrôlée par les forces démocratiques syriennes. En début de semaine, Ankara, qui accuse les forces démocratiques syriennes d'avoir des liens avec les séparatistes armés kurdes sur son sol, a menacé de lancer une opération militaire.
De notre envoyée spéciale à Manbij,
Des soldats s'entassent à l'arrière d'une Toyota transformée en canon anti-aérien. La carrosserie est recouverte de poussière, les visages sont concentrés, les fusils AK-47 chargés. Ces combattants de l'Armée nationale syrienne quittent Manbij, dans le nord de la Syrie, pour lancer l'assaut quelques kilomètres plus à l'est, en direction du barrage de Tichrine. C'est là que les milices kurdes des Forces démocratiques syriennes tiennent leurs positions. Abou Jumaa, chef de faction, lance les dernières instructions à ses hommes :
« Nous ne sommes pas d'ici, nous sommes d'Azaz, mais il est de notre devoir de libérer chaque centimètre carré de la Syrie ! Hier, nous avons libéré environ cinq villages, et y avons établi des positions. D'ici à quelques jours, nous parviendrons à traverser l'Euphrate et à pénétrer dans la zone kurde ! »
Dans le ciel, des avions de reconnaissance font des allers-retours. Un soldat lève les yeux, s'amuse à compter les traces blanches. À qui appartiennent-ils ? « Certainement pas aux Turcs », avance Khalil Al-Wakaf, un chef de faction. Le dos tourné, des soldats moins gradés affirmeront l'inverse. À Manbij, l'intervention de la Turquie est visible dès l'arrivée. Des drapeaux turcs sont peints sur le béton des check-points.
« Ça ne veut rien dire. C'est parce que nous avons dans nos rangs des combattants syriens d'origine turkmènes. Ils brandissent des drapeaux turcs, car ils aiment la Turquie. Mais c'est tout, cela ne veut rien dire de plus », appuie-t-il.
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Khalil Al-Wakaf insiste surtout pour nous faire visiter les kilomètres de tunnels creusés par les combattants kurdes ces dernières années : « Il y a une ville entière sous la ville. Venez, regardez ! » Dans un hall d'entrée, le soldat ouvre une trappe, nous fait descendre à l'intérieur. Un trou béant, et à perte de vue, des dédales de sous-terrain.
« La ville entière est truffée de tunnels. Nous n'avons pas eu le temps de tous les fouiller. Nous avons placé des gardes à chaque sortie, car vous savez, ces tunnels vont jusqu'au barrage de Tishreen, où se déroulent les combats. Les ennemis pourraient y entrer et venir jusqu'ici », précise Khalil Al-Wakaf.
Sur des pierres, en kurde, ont été gravés les noms des rues où débouchent ces tunnels. Dans les murs creusés des cavités, des kilos de TNT y avaient été dissimulés. « Montre-lui la vidéo ! », clame un homme. Sur son téléphone, Khalil Al-Wakaf nous montre : des sacs entiers d'explosifs, fabriqués à la main.
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À la sortie du tunnel, des habitants sont regroupés. Inquiets, ils craignent que les combats qui se tiennent sur le barrage de Tishreen ne reviennent jusqu'à Manbij. Mohammad, un berger du village, confie : « La situation est très instable, il y a encore des batailles et des affrontements partout. Nous avons peur. »
Sur la route du village, quelques ambulances reviennent du front. Elles roulent à toute vitesse en direction de l'hôpital de Dar al Shift. « Il y a aussi eu des victimes civiles. Manbij est déjà une zone de front, une zone de guerre. Ces victimes sont arrivées jusqu'à cet hôpital et nous avons pu les prendre en charge. Ils ont été blessés car il y a eu deux attentats à la voiture piégée. Deux attentats... », lâche Taïsir Ahmed, le directeur.
Depuis l'hôpital, on entend le son des bombes et des tirs. Ici, les civils ne rêvent que d'une chose : que cessent ces bruits sourd. Et que s'installe enfin la paix.
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Un peu partout, le réseau social TikTok est de plus en plus dans le viseur des gouvernements. Accusée d'espionnage aux États-Unis, au cœur d'une enquête après des soupçons d'ingérence dans les élections en Roumanie, la plateforme chinoise est visée par des interdictions partielles ou totales. L'Albanie a ainsi décidé de bloquer pendant un an l'application. Le Premier ministre reproche à l'algorithme d'encourager la violence chez les plus jeunes. Mais la mesure ne fait pas l'unanimité.
Emmitouflé dans sa doudoune, avec sa capuche sur la tête, Amarildo, 17 ans, attend des amis à la sortie de son lycée situé dans le centre de Tirana, capitale de l'Albanie. Les yeux rivés sur l'écran de son smartphone, cet élève de terminale fait défiler des vidéos de voitures et des scènes de rue :
« Voilà, c'est ça TikTok. C'est le réseau qu'on utilise le plus, nous les jeunes. Là, tu reçois des likes, des vues. Là, j'en ai reçu 63 000. Là, c'est 2 000, ça dépend de la vidéo et de comment elle devient virale, combien de gens la regardent. On met de la musique avec la vidéo et je montre où je suis et ce que je fais avec mes potes. »
Fin décembre, le Premier ministre albanais, Edi Rama, a annoncé la fermeture pour un an de la célèbre plateforme chinoise. Une décision qui survient quelques semaines après qu'un élève de 14 ans a été poignardé à mort près d'une école de la capitale.
Contenu violent ou inapproprié, soupçons d'ingérence chinoise... Plus de 20 pays dans le monde ont déjà interdit ou limité l'accès à TikTok. En Albanie, le Premier ministre assure avoir pris la décision après une série de concertations avec les parents d'élèves et l'administration scolaire. Mimi Kodheli, députée de la majorité socialiste et présidente de la commission des Affaires étrangères, affirme :
« TikTok est un outil de communication sans filtre. Il rend accessible aux plus jeunes des scènes de violence qui deviennent parties prenantes de leur éducation. Les familles nous ont demandé avec insistance de trouver un moyen de bloquer l'accès des mineurs à TikTok notamment. »
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Depuis son annonce, cette interdiction – qui doit commencer en ce début d'année, à une date encore inconnue – alimente les polémiques au sein de la société albanaise. Beaucoup d'entrepreneurs qui font leur publicité sur TikTok redoutent des pertes de revenus. De leur côté, les partis d'opposition accusent le gouvernement d'entraver la liberté d'expression. Surtout que d'importantes élections parlementaires auront lieu au printemps. Redi Muçi est l'un des militants du mouvement Ensemble, un parti de gauche qui dénonce l'autoritarisme et les conséquences sociales des politiques libérales d'Edi Rama :
« Des élections législatives ont lieu le 11 mai prochain, et c'est assurément une des raisons pour lesquelles le Premier ministre a choisi exactement ce moment pour interdire l'un des réseaux sociaux les plus utilisés par le public albanais, et une plateforme très importante pour un jeune parti comme nous. C'est purement et simplement de la censure. Le Premier ministre contrôle les médias traditionnels. Il peut manipuler les autres réseaux comme Facebook ou Instagram et là, il choisit de bloquer le seul sur lequel il n'a pas d'influence. »
Alors que l'interdiction de TikTok devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines, le gouvernement assure que ce blocage ne devrait durer qu'une année. Le temps de trouver une solution technique pour empêcher son utilisation par les moins de 18 ans.
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Quand on pense aux pays qui ont prospéré grâce à leurs colonies, on pense à la France bien sûr, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou à l'Espagne. On pense plus rarement à la Suisse, en revanche. On peut ne jamais avoir possédé de colonies et avoir bâti sa fortune sur l'exploitation des hommes et des ressources naturelles des pays du sud, participant de fait activement à la colonisation. Ce pan méconnu de l'histoire suisse est exposé pour la première fois au musée national à Zurich.
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Donald Trump a su élargir sa base électorale. Il a obtenu 2,5 millions de voix de plus qu'il y a quatre ans quand il a perdu contre Joe Biden. Un chiffre qui s'explique par les gains du républicain chez certains électorats traditionnellement plus démocrates, et notamment chez les jeunes. Kamala Harris a récupéré plus de voix chez cet électorat, mais moins que ces prédécesseurs démocrates. Preuve que le président élu a su s’adresser à ces électeurs.
Chez Skyler Akins, des portraits de l'ancien président démocrate John Fitzgerald Kennedy sont affichés aux murs, ainsi qu'une photo de Skyler avec Kamala Harris. Elle a été prise avant 2020, à l'époque où il votait encore démocrate. Aujourd'hui, celui qui est désormais vice-président des jeunes Républicains d'Atlanta (Géorgie, sud-est des États-Unis) constate un engouement jamais vu pour son parti : « On vient d'avoir notre fête de Noël et on n'a jamais eu autant de personnes. Et on n'a jamais eu autant de sponsors. Le soutien pour les jeunes républicains est à un niveau historique. »
Ce succès, estime Skyler, provient surtout du programme économique de Donald Trump : « Ils voient que, pendant le dernier mandat de Donald Trump, tous les indicateurs économiques étaient meilleurs quand il était président. Tout était moins cher et les taux d'intérêts étaient plus bas. »
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Sur une voie piétonne d'Atlanta, Matt, 30 ans, se promène devant des restaurants et magasins. Il a voté pour le parti libertarien, mais reste optimiste pour le mandat de Donald Trump : « La dernière fois, il s'était mal entouré. J'espère qu'il le sera mieux cette fois dans son administration pour qu'ils le mettent sur la bonne voie. »
Pour Matt, les interviews accordées par Donald Trump à des podcasts ont contribué à son succès. « Il s'est pris au jeu et s'est dit "les médias traditionnels ne proposent pas de discussion de trois heures". Je pense que ça l'a vraiment aidé, avec ses électeurs, de pouvoir s'installer et discuter pendant trois heures. Ça a changé les choses. Je ne dis pas que je suis d'accord avec tout ce qu'il a dit, mais ça a permis de le rendre plus personnel », souligne Matt.
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Tyler, 31 ans, a voté démocrate et se dit inquiet. Mais il a vu la popularité de Donald Trump augmenter dans son entourage : « Un de mes meilleurs amis a voté pour Donald Trump. Il vit en Californie. Il a toujours été un démocrate et a voté pour lui pour la première fois. Il en a juste marre des politiques en Californie. Une part importante de ma génération lit et regarde les infos plus que jamais. Et ils voient les politiques des démocrates au pouvoir qu'ils n'aiment pas et ça les pousse vers Donald Trump. Je pense que la criminalité, la délinquance et l'immigration sont importants. L'impression dans les médias, c'est que les démocrates tolèrent le crime et la délinquance. Si c'est vrai ou pas, c'est à chacun de voir. »
Mais les jeunes ont moins voté qu'aux dernières élections, selon des estimations du centre de recherche Circle. La participation des personnes entre 18 et 29 ans était de 42%, soit dix points de pourcentage de moins qu'en 2020.
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