Céréales, minerais ou pétrole, les ressources naturelles sont au cœur de l’économie. Chaque jour, la chronique des matières premières décrypte les tendances de ces marchés souvent méconnus. Diffusions : 06h18, 08h52 (sauf Afrique) et 13h24, 18h35 heure de Paris. Retrouvez les sujets traités par cette émission sur RFI SAVOIRS = http://savoirs.rfi.fr/
Après avoir été quasi absente du marché l'année dernière, l'Inde revient dans le jeu et libère un million de tonnes de sucre à l'exportation. Cette annonce a fait baisser les cours de manière démesurée par rapport à l'état de l'offre et de la demande.
L'Inde mettra un million de tonnes de sucre sur le marché dans les prochains mois. C'est beaucoup plus que l'année dernière, mais moins que les 11 millions de tonnes d'il y a trois ans, et finalement assez peu pour un marché global du sucre sur lequel chaque année 70 millions de tonnes sont échangées.
Mais la nouvelle n'en a pas moins ébranlé le marché, et tiré les cours à la baisse : ils ont atteint leur plus bas niveau en trois ans et demi, pour le sucre blanc – soit 466 dollars la tonne, et leur plus bas depuis le mois d'août dernier pour le sucre roux – près de 18 cents la livre. Une baisse qui illustre pour Timothé Masson, secrétaire général de l'Association mondiale des planteurs de betteraves et de cannes à sucre, la forte volatilité et la tension qui règne sur le marché.
Les cours auraient en quelque sorte chuté de manière artificielle sous la pression des spéculateurs. Ces derniers se sont positionnés en masse ces derniers jours sur le marché du sucre, en achetant et vendant du sucre qu'ils n'ont pas physiquement, et en vendant même beaucoup plus que ce qu'ils ont acheté. Ils étaient, mi-janvier, net vendeurs de 5,2 millions de tonnes, du jamais-vu depuis 2019, comme s'ils anticipaient de gros volumes disponibles à l'exportation d'ici à plusieurs semaines. L'impression d'abondance qu'ils donnent est elle-même source de baisse des prix et, comme souvent, quand les cours commencent à dévisser, c'est l'engrenage.
Mais un rattrapage n'est pas à exclure, selon Timothé Masson, car aucun excédent n'est annoncé dans le secteur. Et ce, même si la force du dollar, par rapport au réal brésilien, pousse les brésiliens à exporter du sucre plutôt qu'à le transformer en éthanol vendu sur le marché domestique afin pour récupérer des billets verts.
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« On est sur une campagne 2024-2025 à l'équilibre, voire déficitaire », explique l'expert. Les analystes de Standard and Poor's parient toujours sur un déficit de 700 000 tonnes pour la campagne 2024-2025 et de 2,6 millions de tonnes l'année prochaine.
L'impression d'avoir beaucoup de sucre sur le marché, illustrée par la baisse des prix, ne serait donc qu'une fausse perspective. Des signaux contradictoires, difficiles à interpréter et qui peuvent avoir des conséquences importantes pour les agriculteurs : c'est dans les prochains jours et les prochaines semaines que les betteraviers français, mais aussi allemands, polonais russes ou ukrainiens doivent décider, à la lumière des cours mondiaux actuels, quelle surface ils cultiveront cette année.
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Plus de 90% de l'huile de canola (colza) du Canada est exportée aux États-Unis. L'annonce de la mise en place de taxes de 25% à compter du 1er février pourrait peser sur les exportations et avoir un impact sur le marché des autres huiles.
Dans la famille des matières premières qui pourraient souffrir de l'arrivée de Donald Trump, à la présidence des États-Unis, il y a le canola, un cousin du colza, cultivé au Canada. Le marché canadien est devenu très dépendant de son voisin américain : en 2023-2024, Washington a acheté 96% de l'huile canadienne, autant dire la quasi-totalité.
Résultat, le moindre ralentissement des exportations vers les États-Unis pourrait avoir un impact important pour le Canada, qui n'a pour l'instant plus d'autres gros clients. Durant la campagne 2020-2021, la Chine achetait en effet près de la moitié de la production canadienne d'huile de canola, mais ses importations ont fondu, en raison de soupçons de concurrence déloyale. Pékin a lancé une enquête anti-dumping qui est toujours en cours et qui a eu comme effet provisoire de ralentir les échanges.
Si le canola se vend moins, ses prix seront mécaniquement tirés à la baisse. Ils ont déjà accusé le coup après l'élection de Donald Trump, avant de chuter une nouvelle fois cette semaine à la bourse de Winnipeg après l'annonce formelle de l'instauration de nouvelles taxes au premier février, relève Arthur Portier, consultant pour Argus Media France.
En cas de baisse avérée des échanges entre les États-Unis et le Canada, les cours du soja américain pourraient, à l'inverse de ceux du canola, être tirés vers le haut : son huile est une alternative toute désignée aux volumes canadiens qui n'arriveront plus, même si ses caractéristiques ne sont évidemment pas les mêmes.
Une diminution des ventes aux États-Unis « ferait perdre gros aux opérateurs canadiens, commente Arthur Portier. Et ne serait pas sans conséquence sur les cours de l'ensemble du complexe oléagineux ».
D'autres huiles devraient être moins impactées par la tourmente américaine, pour l'instant : celle de tournesol et celle de palme, dont les acheteurs sont surtout, à cette saison, concentrés sur le potentiel d'exportation de la Malaisie.
Ce qui va dominer dans les prochaines semaines, c'est une forte volatilité sur les marchés et une incertitude folle, résume un de nos interlocuteurs. L'évolution du prix des huiles sera en effet aussi liée aux choix énergétiques du nouveau gouvernement Trump et à sa politique en matière de biocarburant. Ces choix auront un impact inévitable sur la production agricole américaine et sa commercialisation.
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Le ministère chinois des Ressources naturelles a annoncé des découvertes stratégiques « sans précédent » dans le domaine de l'exploration minière, renforçant la capacité du pays à sécuriser ses ressources énergétiques. La Chine a découvert le premier gisement géant de gaz dans des eaux ultra-profondes à l'échelle mondiale, avec des réserves dépassant 100 milliards de mètres cubes. Ont également été découverts dix champs pétroliers, chacun avec des réserves dépassant un milliard de tonnes, ainsi que 19 champs de gaz naturel dont les réserves individuelles excèdent 100 milliards de mètres cubes.
Toutes ces découvertes renforcent l'autosuffisance de la Chine, en particulier pour des minerais critiques comme le lithium, le cobalt et le nickel. Ces matériaux sont essentiels à la production de batteries, aux énergies renouvelables et aux technologies de pointe. En réduisant sa dépendance à l'importation, la Chine marque un point stratégique, aussi bien sur le plan économique que géopolitique.
Mais ce n'est pas tout. Ces découvertes donnent un coup de fouet au secteur minier chinois. Elles génèrent des emplois et des revenus supplémentaires, soutenant ainsi une croissance industrielle durable. L'exploitation de ces ressources renforce aussi les infrastructures de production et de transformation dans le pays, consolidant sa position industrielle.
Et l'impact pourrait être encore plus significatif dans le cadre de la transition énergétique. Ces minerais jouent un rôle clé dans le développement des technologies vertes, qu'il s'agisse des véhicules électriques ou du stockage d'énergie. Autant d'atouts pour accélérer la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Sur le plan international, la Chine mise également sur ces découvertes pour maintenir sa compétitivité dans le domaine des technologies de pointe. En contrôlant davantage de ressources stratégiques, le pays peut non seulement influencer les prix mondiaux, mais aussi peser sur les marchés internationaux des minerais critiques.
La médiatisation autour de ces découvertes est omniprésente. Les autorités chinoises en font un symbole de fierté nationale, mais aussi une preuve de leur ambition de se positionner comme leader mondial de l'innovation.
L'objectif ? Rivaliser avec les États-Unis, le Japon et les pays européens, et améliorer la perception internationale du pays dans des domaines clés comme la recherche et les technologies. Une stratégie qui s'inscrit dans la quête de domination technologique et scientifique globale.
Ces découvertes illustrent un double enjeu pour la Chine : renforcer son indépendance économique tout en consolidant son rôle de poids lourd sur l'échiquier mondial des technologies de pointe.
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La part de marché du soja américain en Chine a chuté en 2024. Les derniers chiffres montrent que même si la Chine a augmenté ses achats de grains américains ces derniers mois, sur l’année, c’est le soja du Brésil et d’Argentine qui gagne les faveurs de la Chine.
Lors du premier mandat de Donald Trump, le soja avait souffert plus que les autres grains des tensions entre la Chine et les États-Unis.
Les importateurs chinois ont donc essayé d’anticiper une reprise de la guerre commerciale : ils ont augmenté leurs importations de soja américain sur une grosse moitié de 2024, mais, sur la totalité de l’année, les volumes ont finalement chuté de plus de 5 %, selon les données de l’Administration générale des douanes de Chine compilées par Reuters.
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Avec cette baisse des importations chinoises, la part de marché des États-Unis est tombée à 21 %, selon les calculs de l’agence de presse Reuters. Le soja qui n’a pas été acheté en Amérique du Nord, l’a été en Amérique du Sud. Le Brésil a augmenté ses ventes au géant asiatique, l’année dernière, de plus de 6 % soit 74,6 millions de tonnes. Plus de 70 % du soja acheté par la Chine est maintenant brésilien.
Le géant agricole a l’avantage d’offrir des prix compétitifs et les volumes nécessaires. Mi-janvier, l’Agence agricole nationale (Conab) a encore relevé ses prévisions de production, soit 166,3 millions de tonnes pour la campagne 2024/2025. La Conab prévoit une récolte record, supérieure de 12 % à celle de l’année précédente et des exportations totales de soja supérieures à 105 millions de tonnes.
Dans une moindre mesure, l’Argentine a profité également de la stratégie chinoise de diversification. Le pays a plus que doublé ses ventes de soja vers le géant asiatique l’année dernière.
Ces achats chinois en Amérique latine, sur fond de crainte de guerre commerciale, ont abouti à un volume record d’importation de soja par l’Empire du Milieu de 105,3 millions de tonnes, soit 6,5 % de plus que l’année 2023.
Les stocks constitués vont permettre à la Chine d’attendre de voir à quoi ressembleront les premiers jours du nouveau mandat de Donald Trump. Ces stocks annoncent aussi, de l’avis des experts, un ralentissement des achats en ce début 2025, et des prix qui pourraient être tirés vers le bas.
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Le dernier plan de développement du nucléaire publié il y a quatre mois aux États-Unis prévoit le triplement des capacités de production d'ici à 2050 dans le pays. Sera-t-il maintenu en l'état par Donald Trump ? Et quelles conséquences pourraient avoir son retour au pouvoir sur la production et les importations d'uranium ?
Républicains et démocrates, ont réussi à trouver un terrain d'entente ces dernières années sur les grands axes d'une relance de la production. Le retour de Donald Trump pourrait cependant faciliter un peu plus la levée de moratoires sur l'exploitation dans certains États, via une baisse des normes environnementales, suggère le dernier rapport publié par l'Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques (Osfme) et coordonné par l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
Le nouveau président est attendu également sur une hausse des droits de douane de 10% à 20% sur les importations de minerai radioactif. L'uranium chinois est lui déjà taxé à 25% depuis l'année dernière, mais le volume importé n'est pas significatif, explique Teva Meyer, chercheur associé à l'Iris, et co-auteur du rapport, et la mesure est sans conséquence aux États-Unis.
Le pays est le plus gros consommateur d'uranium, mais toujours aussi dépendant de l'extérieur pour son approvisionnement, ses premiers fournisseurs étant le Canada (27%), l'Australie (22%) et le Kazakhstan (22%).
Les réacteurs américains absorbent à eux seuls le quart des besoins mondiaux – soit environ 18 000 tonnes. Et le secteur sera encore plus gourmand dans les années à venir, puisque les capacités nucléaires sont appelées à tripler d'ici à 2050, selon le plan de développement du nucléaire publié en septembre 2024 par le Département américain de l'Énergie.
La production nationale, qui ne représente que quelques pourcents des besoins d'aujourd'hui, est largement insuffisante. Produire plus est capital pour les États-Unis, notamment pour le secteur de la défense, car l'uranium importé est conditionné à un usage civil.
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D'où la relance du secteur, notable depuis deux ans. Au premier semestre 2024, le pays a produit autant que sur toute l'année 2022, selon les données compilées par l'étude de l'Osfme. Près d'une vingtaine de sites d'extraction par technique ISL ont déjà leur licence et attendent d'avoir plus de visibilité sur les besoins à long terme, pour justifier des investissements.
Relancer la production, c'est aussi pour le pays pouvoir moins dépendre de l'uranium russe. En 2023, 12% de l'approvisionnement américain en uranium naturel provenait du russe Rosatom. Officiellement, ces importations-là ne sont pas interdites, contrairement à celles d'uranium enrichi.
Peut-être parce que l'uranium naturel importé, qu'il vienne de Russie, d'Ouzbékistan ou du Canada, coûte toujours moins cher que celui produit aux États-Unis.
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À cause d’une sécheresse qui dure depuis près de sept ans dans le royaume, associée à de forts pics de chaleur l’an dernier, les prix de l’huile d’olive ont atteint des sommets ces derniers mois pour les Marocains. Sur les marchés mondiaux en revanche, l’amélioration de la production chez d’importants pays exportateurs comme l’Espagne devrait permettre de renflouer les stocks et faire baisser les prix.
Les Marocains doivent acheter entre 80 et 105 dirhams leur huile d’olive en janvier 2025 (7,70 à 10,10€) environ, près de deux fois plus qu'il y a deux ans. En cause, une récolte particulièrement mauvaise cette saison, moitié moins importante qu'une année normale. La cueillette, commencée en octobre, se poursuit jusqu'à la fin du mois de janvier et le Maroc pourrait ainsi voir chuter sa production d'huile d'olive à 80 000 tonnes, estime l'Interprofession marocaine de l'olive. Des niveaux « très bas », pointe son président, Rachid Benali.
Cette faible production est une conséquence directe de la sécheresse qui touche le Maroc depuis près de sept ans. Les parcelles irriguées auraient dû être arrosées plus longtemps dans l'année, ce qui a été impossible l'an dernier vu l'état des réserves en eau. Quant aux 80% d'oliveraies qui ne sont pas irriguées habituellement, elles n'ont pas reçu assez de pluie.
La faiblesse de la récolte s’explique aussi par le fait que la sécheresse a été combinée à des pics de chaleur très importants en 2024, y compris hors saison. De fortes chaleurs ont ainsi coïncidé avec la période de floraison de la variété la plus répandue dans le pays, la picholine marocaine. Certains arbres n'ont « pas du tout fleuri » ou bien leurs olives ont séché sur l'arbre avant d'arriver à maturité. Une situation d’une ampleur « inédite », s'alarme Rachid Benali.
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Pour freiner la hausse des prix et répondre à la consommation nationale, le gouvernement marocain a établi des quotas d'importation, jusqu'à 20 000 tonnes d'huile pour 2025, ce qui devrait permettre de stabiliser les prix, estime l'interprofession. Pour une éventuelle baisse, il faudra attendre, au mieux, la prochaine récolte.
La situation marocaine ne devrait toutefois pas perturber le marché mondial. Après deux années difficiles, liées là aussi à la sécheresse (qui a touché durement la Grèce par exemple), la production à l'échelle de la planète va augmenter de près de 30% cette saison 2024-2025, anticipe le Conseil oléicole international (COI), pour revenir à des niveaux moyens. Car la récolte a été meilleure en Europe, et en particulier en Espagne, pays prescripteur de prix en tant que premier producteur et exportateur mondial.
Hors du Maroc, les prix de l'huile d'olive devraient ainsi baisser pour les consommateurs. L’huile pourrait même s’échanger à « environ 4 euros le kilo en vrac en moyenne » contre 8 euros encore en septembre dernier, ajoute Abdellatif Ghedira, l'ancien président du Conseil oléicole international. De quoi faire revenir des consommateurs qui s'étaient tournés vers d'autres huiles végétales, moins chères. De quoi également renflouer — au moins en partie — les stocks, qui étaient au plus bas après ces deux années de faible production et de prix élevés sur les marchés mondiaux.
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Le prix de l'uranium a triplé depuis février 2020. Cette augmentation rend envisageable désormais l'exploitation de réserves qui n'étaient pas rentables avant. Progressivement, de nouveaux acteurs émergent et de nouvelles routes d'approvisionnement se dessinent. C'est ce que montre une étude de l'Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques
La hausse des prix de l'uranium est d'abord un moteur pour les producteurs historiques, que sont le Kazakhstan, le Canada ou encore l'Australie, pour n'en citer que trois. Et puis il y a les États dont les réserves oubliées ou délaissées deviennent, au prix actuel du marché, beaucoup plus intéressantes. Des États qui « multiplient les changements réglementaires, les explorations et les politiques incitatives dans le but de lancer – ou relancer – la production nationale », assurent les auteurs du rapport publié par l'Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques et coordonné par l'Institut des relations internationales et stratégiques.
Parmi ces pays, on peut citer le Brésil, qui a lancé en 2022 un grand programme de prospection et d'exploitation. La compagnie d'État INB (Industrias Nucleares do Brasil) a pris attache avec la Russie, l'Inde ou encore la Corée du Sud pour lancer de nouvelles campagnes d'exploration à travers le pays. Une seule mine est pour l'heure en activité – elle produit environ 500 tonnes –, mais les réserves identifiées seraient énormes. On parle de 300 000 tonnes, sachant que 75% du territoire brésilien n'a pas été exploré, relève l'étude de l'OSFME.
La situation est moins évidente en Mongolie, mais le pays est vu comme un potentiel eldorado de l'uranium. On trouverait sur ce territoire les plus importantes ressources de minerai radioactif du monde. Plusieurs sociétés, dont le français Orano, sont positionnées et espèrent lancer leurs opérations d'ici 2030.
Il y a également le Kirghizistan qui vient de lever le moratoire sur l'exploration de l'uranium instauré il y a cinq ans, et la Tanzanie, qui développe ses ressources avec la Russie comme partenaire privilégié. Quatre pays qui pourraient permettre d'arriver à une production mondiale moins concentrée qu'aujourd'hui. Mais il s'agit de perspectives à long terme et encore incertaines, notent les auteurs de l'Iris.
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L'évolution du marché et l'entrée en guerre de la Russie en Ukraine ont, en parallèle, redessiné les routes : le Kazakhstan, premier producteur mondial, privilégie désormais les itinéraires qui ne traversent pas la Russie. En 2023, plus de 60% des exportations de Kazatomprom, la société d'État, vers le marché occidental ont pris le corridor qui passe par la mer Caspienne et qui connecte les principaux centres de production kazakhs à la Méditerranée.
Une autre route est appelée également à devenir de plus en plus essentielle, pour assurer le commerce d'uranium entre le Kazakhstan et la Chine. La construction d'un entrepôt logistique dans la ville frontalière d'Alashankou d'ici 2026 matérialisera les nouvelles ambitions de ce corridor de l'uranium hautement stratégique entre les deux pays.
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Lithium, charbon... La guerre menée par la Russie en Ukraine menace aussi l'avenir minier du pays. La dernière mine affectée est celle de Pokrovsk, qui constitue la principale source de charbon à coke du pays. Sa production est essentielle à l'industrie sidérurgique locale.
La détérioration des conditions de sécurité et des pénuries d'électricité en Ukraine sont les raisons invoquées par le sidérurgiste Metinvest pour justifier la suspension des activités du site de Pokrovsk dans le Donbass.
Un plan d'urgence a été activé pour que les usines métallurgiques du pays – Kamet Steel et la joint-venture Zaporizhstal – ne manquent pas de charbon à coke. Il prévoit une augmentation des importations des États-Unis via une des filiales du groupe – United Coal Compagny –, « l'utilisation de stocks de charbon récemment accumulés » et des achats auprès d'autres fournisseurs.
L'arrêt des activités minières à Pokrovsk sur le long terme serait un coup dur pour l'Ukraine. On parle du « cœur énergétique » du pays, rappelle le propriétaire du site. L'année dernière, le syndicat des sidérurgistes avait estimé qu'une fermeture de la mine de Pokrovsk pourrait faire chuter la production d'acier à 2 ou 3 millions de tonnes, contre un peu plus de 7 millions l'année dernière. Sachant que la destruction des principales usines du pays depuis le début de la guerre menée par la Russie a déjà fait baisser les volumes de 70%.
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Début janvier, le PDG de Metinvest était encore plein d'espoir et formulait le vœu qu'en 2025, la guerre se termine et que l'économie dévastée puisse se redresser. Le groupe assurait alors se préparer à la reconstruction et la modernisation du secteur de la sidérurgie, et annonçait en parallèle des investissements dans l'acier vert en Italie pour construire une usine pilote, en partenariat avec l'industriel Danieli.
Cette nouvelle pression sur la production ukrainienne de charbon n'est pas la seule préoccupation du secteur minier. Elle s'ajoute aux craintes de mainmise russe sur le lithium : le Donbass renferme des réserves pour l'instant inexploitées mais qui pourraient demain se révéler précieuses, quand les besoins pour la fabrication des voitures électriques décolleront.
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Peu de gens le savent, mais l'Inde est le premier producteur de bananes au monde. Le pays ne pèse cependant pas grand-chose sur le marché car il exporte peu, en tout cas jusqu'à présent. L'Inde vise un objectif d'un milliard de dollars d'exportations avec de nouveaux marchés cibles.
L'Inde pesait, en 2024, un peu moins de 2% du marché mondial de la banane malgré ses 35 millions de fruits produits. Mais cela pourrait changer. C'est, en tout cas, l'ambition affichée par les autorités et la filière.
Les faibles volumes de bananes indiennes jusque-là exportés voyageaient par avion. Mais le pays a mis en place un protocole avec le transporteur Maersk pour exporter ses produits frais, dont la banane. Le fruit périssable nécessite une maîtrise du processus de maturation, et donc de la température : la banane doit être stabilisée à 13 ou 14°C pour ne pas murir durant le voyage, qui peut prendre deux ou trois semaines selon les destinations.
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L'année dernière, les exportations se sont élevées à 300 millions de dollars, soit presque le double de l'année précédente. Pour atteindre l'objectif du milliard de dollars dans les cinq années, l'Inde, via l'Autorité de développement des exportations de produits alimentaires agricoles et transformés, souhaite renforcer ses positions au Moyen-Orient, mais également en Asie du Sud-Est et en Russie.
L'Inde a envoyé son premier conteneur d'essai en Europe, en décembre 2023. Sa place sur ce marché reste microscopique et a notamment été limitée par le ralentissement du trafic maritime sur le canal de Suez, mais elle pourrait devenir une préoccupation pour la filière africaine.
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Dans le secteur, caractérisé par des volumes importants et des marges faibles, « les droits de douane sont décisifs », explique un fin connaisseur. La banane du continent bénéficie d'une exemption de ces droits, ce qui n'est pas le cas de celle produite en Inde, pour l'instant. Mais jusqu'à quand ?
« Quand un géant commence à regarder votre débouché géographique, il faut rester en veille » ajoute notre interlocuteur, qui rappelle que la banane africaine doit déjà faire face à la concurrence des producteurs d'Amérique latine qui, pour ne rien arranger, s'inscrivent dans une logique de croissance.
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Les réserves de lithium de la Chine ont presque triplé, faisant de ce pays le deuxième détenteur mondial de réserves de ce métal essentiel pour les technologies des énergies renouvelables. Le pays représente désormais 16,5% des réserves mondiales, derrière le Chili, et devant l'Australie, l'Argentine et la Bolivie, selon le China Geological Survey.
Les mines nouvellement découvertes au Tibet comprennent une ceinture de 2 800 kilomètres de spodumène – un minerai de roche dure à partir duquel le métal peut être extrait. Cette ceinture contiendrait a minima 6,5 millions de tonnes de ressources en lithium, pouvant aller jusqu'à 30 millions de tonnes. La découverte suggère également que les scientifiques pourraient être en mesure de trouver d'autres réserves dans des zones géologiquement similaires dans les provinces voisines de Qinghai, Sichuan et Xinjiang.
Les lacs salés récemment découverts sur le plateau tibétain devraient contenir plus de 14 millions de tonnes de lithium, soit la troisième réserve mondiale de ce type.
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Le lithium est un composant essentiel dans la production des batteries lithium-ion, qui alimentent les véhicules électriques, les systèmes de stockage des énergies renouvelables et une large gamme d'appareils électroniques. Avec l'accélération de la décarbonisation au niveau mondial, la demande de lithium devrait monter en flèche. En s'assurant de vastes réserves, la Chine renforce sa position d'acteur clé de la transition énergétique mondiale.
La Chine est déjà le premier producteur mondial de batteries lithium-ion et contrôle une part importante de la chaîne d'approvisionnement mondiale en batteries, y compris la capacité de raffinage et de traitement. Le fait de disposer de réserves nationales plus importantes réduit sa dépendance à l'égard des importations en provenance de pays comme l'Australie et le Chili, ce qui renforce sa sécurité énergétique et sa résistance aux perturbations géopolitiques ou du marché.
Le lithium est de plus en plus considéré comme une « ressource stratégique », à l'instar du pétrole au XXe siècle. En augmentant ses réserves, la Chine gagne en influence sur les autres pays qui dépendent du lithium pour leurs objectifs en matière de véhicules électriques et d'énergie verte. Cette domination pourrait lui permettre d'influer sur les prix mondiaux, les conditions commerciales et les dépendances de la chaîne d'approvisionnement.
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Le fait de disposer de réserves plus importantes peut favoriser la croissance des industries chinoises de fabrication de véhicules électriques et de batteries, qui sont essentielles pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de la Chine d'ici à 2060. Cela correspond à l'ambition de la Chine de dominer les marchés mondiaux des véhicules électriques, où elle dispose déjà d'un avantage concurrentiel important.
En tant que deuxième détenteur de réserves de lithium, la Chine peut influencer les marchés mondiaux non seulement en tant que transformateur, mais aussi en tant que fournisseur de matières premières. Cette double capacité accroît sa compétitivité par rapport aux autres pays riches en lithium et garantit sa domination à long terme dans l'économie de l'énergie verte.
L'expansion des réserves intervient à un moment où d'autres pays s'efforcent également d'obtenir des ressources en lithium pour répondre à leurs besoins en matière de transition énergétique. En franchissant cette étape, la Chine se place devant de nombreux concurrents, tels que les États-Unis et l'Europe, qui développent encore leurs propres capacités d'extraction et de traitement du lithium.
En résumé, l'augmentation des réserves de lithium de la Chine amplifie son importance stratégique dans la transition mondiale vers l'énergie propre, renforce son influence économique et géopolitique et consolide son rôle en tant que force dominante dans l'élaboration de l'avenir des technologies vertes.
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La Chine a multiplié les restrictions à l’exportation de métaux ces derniers mois, en particulier à destination des États-Unis. À l’antimoine, au gallium et au germanium s’ajoute le tungstène, un métal réputé pour sa dureté, utilisé pour fabriquer certains aciers du secteur automobile, des pointes de forage ou encore des munitions perforantes.
Le tungstène n’est pas interdit à l’exportation depuis la Chine, mais son commerce est de plus en plus règlementé : « Ce qui finit par être aussi handicapant », relève Raphaël Danino-Perraud, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Pour être exportés, certains alliages en tungstène ont, depuis le mois d’octobre, besoin d’une autorisation spécifique, car ils entrent dans la catégorie des biens à double usage, qui peuvent avoir des applications donc civiles et militaires, biens sur lesquels la Chine a nettement durci ses contrôles.
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Pour l’instant, l’approvisionnement des États-Unis n’est pas affecté par les restrictions chinoises, selon le cabinet Argus Media, peut-être en raison d’une forme d’anticipation de ces tensions commerciales qui ne datent pas d’hier. Les Américains peuvent compter sur une importante capacité de recyclage : celle-ci couvre la moitié de leurs besoins. Les États-Unis ont aussi développé leur propre industrie du tungstène depuis 2022 : via des investissements au niveau national et des recherches de partenariats avec des fournisseurs privilégiés, comme ceux qui exploitent une mine de tungstène en Corée du Sud.
Preuve de la prise d’autonomie en matière d’approvisionnement des États-Unis, l’utilisation du tungstène chinois dans les équipements militaires sera interdite par la loi américaine à compter de 2026.
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Contrairement au prix de l’antimoine qui a flambé après les restrictions chinoises — de 25 000 $/tonne, mi-septembre, il a dépassé les 39 000 $/tonne à l’arrivée à Rotterdam —, celui du tungstène se maintient, selon Argus Media. Peut-être parce qu’il affiche déjà des niveaux relativement élevés, en raison notamment d’une disponibilité de la ferraille de tungstène pur qui est limitée.
Mais dans un marché déjà tendu, les restrictions imposées par la Chine, qui contrôle plus de 75 % de la production mondiale, pourraient finir par avoir un effet sur les prix.
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