Saturation des routes et des villes, lutte contre les pollutions, besoin de mobilité toujours plus grand, livraisons en hausse, finances en baisse : autant de défis que doivent relever les acteurs et usagers du transport. Rencontre avec des voyageurs du quotidien, les professionnels de la route, du rail, des fleuves et de la mer, des constructeurs et des décideurs qui font bouger les choses. Diffusion à 07h26. Suivez la Chronique Transports sur Facebook : http://www.facebook.com/ChroniqueTransportsRfi Selon les jours, le temps, l’humeur et les besoins, Laurent Berthault circule à pied, sur un vélo en libre-service, dans un bus, dans le métro, à bord d’un train ou dans sa voiture, enchaînant souvent différents modes de transport, à la recherche du meilleur compromis.
Les Français le connaissent pour ses livres de philosophie et ses débats télévisés. Mais en ce début d'année, le philosophe dévoile une passion pour l'intelligence artificielle. L'ancien ministre explique pourquoi, comme dans la plupart des domaines, nos vies vont être bouleversées.
RFI : L’IA continue à révolutionner les transports. Quel est pour vous le transport le plus emblématique des profonds changements à venir ?
Luc Ferry : Tous. Mais pour nous, citoyens, c'est certain, ce sont les véhicules autonomes. Les voitures, camions, tous ces transports sont déjà pilotés par l’IA et le seront encore plus. Moi, j’ai testé dans Paris une voiture autonome. C’est vraiment incroyable. Des lasers, des capteurs… Je n’ai pas touché le volant une seule fois.
Une autre amélioration du secteur routier, dites-vous, étant la circulation sur les routes.
Oui, parfaitement puisque les outils GPS (du type d’application Waze) permettent d’avoir une vue satellitaire des routes. Donc, ils vont vous guider non pas en fonction des espaces les plus proches, mais de la globalité de votre trajet. En calculant l’option la plus rapide et fluide en dernier ressort, en calculant à partir de tous les trajets de tous les conducteurs.
Vous aimez cette façon de voir les choses. Le spectre large.
C’est un progrès inouï pour l’organisation de nos villes. On se rend compte, là, des gains de temps, donc d’énergie. Puisque moins les voitures roulent, moins elles consomment de l’énergie.
Votre livre parle beaucoup du bouleversement de l’industrie déjà en cours. Quel que soit le continent du monde, la manière de penser et de fabriquer les transports va changer.
Oui. Les ingénieurs inventent de nouveaux matériaux plus légers, donc moins consommateurs d’énergie. C’est vrai pour les avions comme pour les trains.
Pour cela, ils auront des jumeaux numériques. Vous expliquez très bien le rôle du jumeau numérique.
Le jumeau numérique permet aux ingénieurs d’analyser un pont, un avion, une voie de chemin de fer sans l’avoir réellement construit. La seconde option est d’avoir ce clone d’objet ou d’infrastructure déjà construit pour en optimiser l’entretien. Il faut penser le jumeau numérique comme une réplique dépassant la 3D, l’image en trois dimensions.
C’est-à-dire ?
En jouant avec. Cette image virtuelle sur ordinateur vous permet de voir votre construction en fonction des éléments qui l’impactent. Par exemple, les tempêtes, la température, les sècheresses et même le mouvement des vagues pour calculer et choisir les trajets des navires. Tout cela en temps réel, donc imaginez l’argent, le temps et la sécurité gagnés grâce aux jumeaux numériques.
Vous parlez beaucoup de l’IA et des progrès écologiques pour l'urbanisme et les villes de demain.
L’IA, en calculant et en rassemblant un maximum de données, permet d'imaginer des villes qui auront beaucoup plus de transports en commun pour tous et… partout. Des connexions capables de fournir un moyen de déplacement où que vous soyez, sans posséder forcément votre propre véhicule.
Pour les auditeurs de RFI en Afrique où dans les pays de nouvelles énergies (solaire, éolien…), l’IA va-t-elle rendre possible l’invention de nouveaux véhicules ?
Nouveaux modèles, non, je ne pense pas. En revanche, des véhicules qui éviteront les niveaux de pollution actuels que subissent les plus grandes capitales d’Afrique, d’Asie ou d’ailleurs, ça oui. Les véhicules électriques sont indispensables, il faut les faire arriver en Afrique. Mais pour cela, il faut les aider parce qu’implanter une industrie électrique, c'est très cher. Nous devons tous être conscients que c’est dans l’intérêt, non pas uniquement de l’Afrique, mais de l’humanité entière, des générations à venir.
L'IA, le grand remplacement ou complémentarité ? de Luc Ferry est publié aux éditions de l'Observatoire, 2025.
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Les Nations unies en parlent comme une épidémie mondiale. Sauf qu'en France, il ne s'agit pas d'une maladie mais de comportements. L'ONU lance sa nouvelle campagne de sécurité routière. Cette année, l'entreprise d'affichage JC Decaux codirige l'opération. Parmi les visages reconnus : le tennisman Novak Djokovic, le cycliste Tadej Pogacar ou le footballeur Ousmane Dembélé. Avec pour slogan « Sur le terrain, j'accélère. Sur la route, je ralentis ! », cette campagne est lancée dans 80 pays.
En France, c'est dans un collège de Courbevoie, en banlieue parisienne, que cette campagne mondiale a été lancée. Car, quel que soit le pays ou le continent, ce sont invariablement les plus jeunes qui meurent le plus sur la route.
Dans ces écoles, lorsque Christophe Ramon, directeur d'études à l'Association française de Prévention routière, ajoute que parmi les jeunes, il y a plus de morts chez les garçons que chez les filles, l'ambiance se glace un peu. « C'est une moyenne, pas une généralité, précise-t-il. Mais la prise de risque masculine se retrouve sur tous les continents. Les garçons sont plus fréquemment victimes des accidents de la route. Ils circulent plus à moto (donc sans les carrosseries protectrices de voitures) que les filles. De plus, les garçons roulent plus souvent la nuit et souvent plus vite que les filles. Les routes sont parfois mal éclairées ou pas assez rénovées. Cette campagne les encourage à porter un casque. »
La ceinture en voiture est considérée par les Nations unies (ONU) comme l'une des outils les plus efficaces en termes de prévention. On estime qu'elle réduit de 50% les risques de morts en cas de chocs routiers. Or, elle n'est pas obligatoire dans tous les pays, au regret des acteurs de la sécurité routière. C'est le cas au Mexique, notamment. D'autres pays obligent uniquement la ceinture pour le conducteur, en faisant l'impasse sur les autres passagers. C'est le cas au Pakistan, au Nigeria et dans les États de New-York et de Floride aux États-Unis.
Au total, 16 stars mondialement connues du show business, comme l'acteur Jean Reno, ou du monde sportif comme le footballeur français Ousmane Dembélé, le cycliste slovène Tadej Pogacar ou le tennisman serbe Novak Djokovic se mobilisent. JC Decaux, l'entreprise française d'affichage urbain, co-dirige cette campagne avec l'ONU, dont l'envoyé spécial du Secrétaire général pour la sécurité routière est l'ancien pilote de Formule 1, Jean Todt. Les visages de toutes ces personnalités et leurs messages seront présents dans 1000 villes du monde.
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L'enjeu à venir : faire baisser les morts en Afrique ou Asie, là où la majorité de la population a moins de 30 ans. C'est le cas dans de nombreux pays africains comme la Guinée ou le Zimbabwe, ainsi qu'en Asie, en Thaïlande, en Chine, des pays à la démographie élevée et au trafic routier important. Les accidents routiers coûtent cher aux contribuables de ces pays respectifs. Ils pèsent sur les dépenses de santé et ôtent la force vive de l'économie, fauchant des adultes en âge de travailler.
Depuis 2010, les Nations unies estiment que de grands progrès ont été faits. En Asie, c'est le cas dans des pays très peuplés comme l'Inde. Les gouvernements africains engagés dans des stratégies de prévention ont aussi eu des succès en faisant baisser le nombre de morts.
Chaque année, le baromètre classe les pays du nord de l'Europe sur le podium des pays où les accidents de la route sont les plus faibles. Là encore, les moyens sont connus : réduction de la vitesse, construction de routes protégées, maintenance des voitures en bon état, passages réservés aux piétons (notamment aux abords des écoles), rapidité et information des services de secours.
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L'alcool au volant et la vitesse restent les deux fléaux de la route. Les gouvernements doivent s'attaquer à certaines priorités : la qualité des véhicules (voitures et deux-roues) et la protection des piétons en leur aménageant des couloirs le long des routes. Pour rappel, 1,19 million de personnes meurent chaque année d'accidents routiers, et ils sont 500 millions à être victimes de blessures graves. Ce qui entraîne des amputations, des infirmités, des comas et des traumatismes dont les accidentés garderont des séquelles à vie.
Pour gagner en efficacité, les organisateurs demandent directement aux plus concernés, les jeunes, d'apporter leurs idées aux prochains slogans de campagne. L'enthousiasme d'Albert Asseraf, directeur de cette campagne pour le groupe JCDecaux, est perceptible : « Cette année, nous avons constaté l'impact des JO 2024 ! Les sportifs mondialement connus ont participé à transmettre leurs valeurs. La jeunesse s'y reconnaît. Vous roulez à moto ou en voiture, vous voyez nos affiches avec le visage d'un grand sportif. Vous allez lire la légende et leurs conseils. Nous allons poursuivre les prochaines avec des slogans inventés par les jeunes eux-mêmes. »
Un conseil qui peut servir à tous les parents du monde : ce ne sont pas les images de sang et d'accidents graves qui encouragent le plus les jeunes à la prudence. Certains auront tendance à fuir ce genre de messages. Dans ces cas, l'humour peut être efficace. L'expérience l'a prouvé : dans tous les pays, l'humour incite à prendre la route au sérieux.
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Recevoir une brosse à dents dans un carton vingt fois trop grand, si l'aventure ne vous est pas arrivée, vous connaissez sûrement ces expériences de paquets inadaptés à leurs marchandises. Mais aujourd'hui, les choses bougent, transporteurs et industriels du monde entiers ont rendez-vous le 28 janvier à Paris pour la semaine du Packaging professionnel. L'objectif : débattre de nouvelles solutions. Parce que mieux emballer, c'est mieux transporter !
D'après vous, le pays le plus en pointe dans les produits emballés à transporter, quel est-il ? La bonne réponse, c'est la France, le seul pays au monde à avoir inscrit dans sa loi la notion d'emballage inutile. Comme l'explique Fabrice Peltier, l'un des plus grands experts internationaux des emballages, emballer un produit, c'est répondre à trois fonctions très réglementées : protéger, conserver et informer.
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« Les produits ne sont jamais envoyés un par un. Ils sont regroupés à l'intérieur d'un emballage de livraison qui peut être une caisse en carton. Et l'emballage de livraison, c'est celui sur lequel on va justement mettre du film pour faire tenir ces palettes et regrouper tous les emballages, des housses, des cornières, pour que cela ne s'abîme pas, détaille Fabrice Peltier. Et quand on va parler après d'emballage de transport, ce qui va changer, c'est l'emballage de transport en lui-même. C'est-à-dire que si vous partez en bateau, vous allez mettre ça dans des conteneurs pour bateaux pour être sur les porte-conteneurs ; en avion, ça va être des caisses spécifiques pour les avions cargo, détaille-t-il ; et dans le transport, que ça soit maritime ou ferroviaire, c'est toujours des palettes que vous allez regrouper — donc 28 dans un semi-remorque par exemple, et une plus grande quantité dans un train. »
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France Burnand dirige le Celo, le rendez-vous annuel des transporteurs de marchandises, qui se tiendra en mars prochain. Pour elle, l'intelligence artificielle va révolutionner le domaine.
« Comment vous dire que l'IA offre un potentiel absolument immense ? Les contraintes douanières pour minimiser les retards, l'emballage, bonheur absolu, parce que l'IA va permettre l'optimisation de l'emballage, on va créer des designs adaptés à chaque produit, à chaque mode de transport, s'enthousiasme-t-elle. Ça va nous permettre de réduire les coûts, les déchets. L'IA va pouvoir nous prédire les risques pour anticiper les problèmes — de température, d'humidité, de choc — selon chaque mode de transport, chaque région, chaque pays s'il y a des vols. Puis dès qu'il y a un nouvel incident, on pourra immédiatement rentrer l'information, obtenir des plans B, comme on dit, en réduisant les erreurs humaines, ce qui va nous amener à une harmonisation des pratiques mondiales. Donc, ça n'est que des bonnes nouvelles. »
Dans les débats professionnels, cette année, il y aura encore le souci climatique, avec, entre autres, l'idée de plus en plus répandue de réutiliser les emballages, mais aussi les transports. Donc, ne plus circuler, naviguer ou rouler à vide.
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Ils ont échappé à l'interdiction totale de voler, mais de peu : après 24 heures de perturbations et de discussions, les pilotes d'hélicoptère au Népal ont pu retrouver leurs touristes et les déposer sur l'Everest. Depuis l'automne dernier, une association de jeunes défenseurs de l'environnement empêche régulièrement les appareils d'atterrir. Le blocage s'est aggravé cette semaine du 6 janvier dans le parc de Sagarmatha, classé au patrimoine mondial. Or, c'est étonnant, mais ce n'est pas la pollution des moteurs qui pose le plus problème, c'est la pollution sonore des hélicoptères.
Le bruit d’un hélicoptère dans une vallée de l’Everest, c’est celui d’un hélicoptère multiplié par dix, en raison de l’écho. Au Népal, et plus spécifiquement dans les vallées et montagnes de l'Everest, règne l'anarchie. Chaque pilote vole et atterrit où il peut pour déposer les touristes.
Les jeunes népalais qui empêchent régulièrement les hélicoptères d’atterrir accusent non pas la pollution, mais LES pollutions. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, non pas d’abord la pollution du fuel, mais celle du bruit, qui affole tellement les animaux qu’ils essaient de fuir et se tuent en tombant dans le vide. Seul un expert pilote spécialiste de l’aviation en zone difficile, comme Sylvain Bosc, directeur de la société Avico, peut vous le dire : un hélicoptère, passe encore, mais quand 30 hélicoptères survolent en même temps un parc de l’Everest, ça devient impossible.
« L'hélicoptère, en montagne, constitue une pollution sonore et écologique, surtout en montagne où l'environnement silencieux est facilement perturbé par le bruit de l'hélicoptère, qui est effectivement un appareil très bruyant. D'autant plus dans les vallées encaissées où l'écho vient amplifier le bruit. En revanche, est-ce que c'est quelque chose dont on peut se dispenser ? Je ne pense pas, parce qu'on ne peut pas remplacer par des avions, explique-t-il. Pour un avion, il faut une piste. En montagne, évidemment, ce n'est pas possible puisqu'il faut de la place parce que sinon les manœuvres sont trop dangereuses. C'est aussi l'outil d'urgence des secours lorsque la nature, hostile dans ces environnements, peut mettre en danger la vie des hommes. Donc, c'est important d'avoir une approche qui soit nuancée. »
Ce même Sylvain Bosc s'est spécialisé dans les vols de rapatriements. Pour lui, l'idéal pour résoudre les conflits autour de la pollution et du bruit des hélicoptères serait de réguler les espaces et le nombre de vols. Ou bien d'inventer des hélicoptères électriques : « Peut-être qu'un jour, on pourra avoir des hélicoptères qui seront électriques, mais ce n'est pas pour tout de suite, qui feront moins de bruit, qui seront moins polluants en termes d’émissions, imagine-t-il. Mais aujourd'hui, l'hélicoptère demeure un moyen de transport indispensable, et notamment en montagne. » Malheureusement, malgré les recherches techniques, l'hélicoptère électrique à grande échelle n'est pas encore fabriqué.
Le problème pour le gouvernement népalais est de trouver le bon équilibre entre les rentrées d’argent touristique et la protection de l’Everest, de ses ressources humaines et animalières.
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Comme le résume le responsable des industries touristiques au Népal : les touristes ont beaucoup d’argent, mais peu de temps ! Donc, faire 15 jours de transports sur des routes de montagnes dangereuses, inutile d'y penser. Alors que faire ?
La solution serait-elle celle du président de l’Association des guides grimpeurs de montagne au Népal ? Après avoir déclaré dans les journaux que se quereller ne résout rien, il propose une solution qui contenterait responsables du parc de Sagarmatha et du tourisme : faire des couloirs réservés, en tenant compte des habitats et des cycles de reproduction des animaux. En somme, des couloirs aériens dédiés aux visites panoramiques aériennes et d’autres, aux atterrissages.
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Saviez-vous que pour construire une ligne de TGV (train à grande vitesse), il faut débourser 20 millions d'euros par kilomètre ? Saviez-vous qu'en Afrique, les chemins de fer n'ont pas le même écartement, ce qui empêche le transport entre pays ? Voilà autant de questions et de réponses insolites dans le livre d’un des plus grands connaisseurs du train au monde. C'est d'ailleurs lui, Clive Lamming, qui a été choisi pour conseiller les tournages du cinéaste Martin Scorsese. Clive Lamming publie cette semaine son nouveau livre, Une histoire insolite des trains, aux éditions Alivio.
(Rediffusion du 19/10/2024)
RFI : Votre ouvrage est très original. Beaucoup d'images et d'histoires ! On y découvre les débuts des chemins de fer en Afrique. L'origine, dites-vous, est liée au colonialisme européen.
Clive Lamming : Oui. La France et le Royaume-Uni ont été les premiers à construire en Afrique. La France, pour le réseau en Algérie, Tunisie et Maroc. Le Royaume-Uni, pour l'Égypte et l'Afrique du Sud.
L'origine des transports ferroviaires est liée au besoin d'approvisionnement en matières premières et marchandises. Le souci du transport de voyageurs est venu bien après !
Parfaitement. Au commencement, le charbon, principale source d'énergie de l'époque (XXe siècle) qui était destiné à être transporté au travers d'un pays ou d'une région, en allant dans les pays voisins.
Avec un gros problème… L'écartement des rails était standardisé, commun aux colonies françaises. Mais différent de celui des pays équipés par le Royaume-Uni.
Si bien que les trains ne peuvent pas aller d'un pays à l'autre. L'écartement européen standard est de 1,435 m. En Afrique, si vous voulez voyager d'un pays à l'autre, avec le peu de voies disponibles, c'est impossible ! Il faut changer de trains ou changer l'écartement voies. Ce manque d'harmonisation augmente les coûts et le temps de trajets des convois.
Aujourd'hui, vous déplorez l'absence de chemins de fer modernes sur l'ensemble du continent.
C'est dommage, l'Afrique est sous-équipée en trains. D'ailleurs comme l'Amérique du Sud qui manque de trains et de réseaux. Ce n'est pas qu'un problème politique ou économique, je dois dire que les pays montagneux, où des régions restent peu peuplées et en hauteur, ne facilitent pas les constructions.
Or, à une différence près… Vous nous apprenez qu'en Afrique, il a existé un projet de maillage ferroviaire au travers du continent entier ?
C'était l'Union africaine des chemins de fer ! Il s'agissait de relier le sud au nord et l'est à l'ouest. Ce projet ressort de temps en temps dans les conférences africaines ! Mais j'ai bien peur qu'avec les guerres et la violence actuelle, ce soit voué à l'échec.
Les Chinois ont équipé la Grèce avec les écartements standardisés en Europe (1,453 m). Ils ont fait la même chose dans les pays africains qu'ils ont équipés ?
Oui ! Les deux exemples les plus importants sont l'Éthiopie et la Sierra Leone. La Chine a construit des chemins ferrés traditionnels avec des trains classiques. Et ça marche très bien !
Les Chinois sont connus pour leur « entrisme » en matière de transports sur les continents sous-équipés. On le voit pour les constructions de ports, de routes ou d'aéroports. Pour le train, c'est la même chose ?
Oui. La majorité des pays africains n'ont pas l'argent nécessaire pour construire un réseau ferroviaire. Même en Europe, vous savez ! Une ligne de TGV coûte 20 millions d'euros par km ! Le train coûte cher et reste très long à construire. Ensuite, il y a la maintenance et les travaux réguliers sur les voies. La stratégie chinoise est efficace. Ils proposent aux pays de construire les infrastructures gratuitement en échange de négociations commerciales.
Oui, au péril des pays qui s'endettent. Parfois même, ils regrettent, parce qu'ils ne peuvent plus payer les sommes trop importantes !
Peut-être, mais lorsque ça fonctionne comme en Éthiopie ou en Sierra Leone, c'est une bonne chose.
Cette année, la nouvelle présidente du Pérou a appelé la Chine à venir construire des voies ferrées dans son pays. Lorsqu'on vous demande l'avenir du train en Amérique latine, voire aux États-Unis, vous dîtes que vous n'y croyez pas trop.
Pour une raison simple : les trop longues distances ! Pour les marchandises non périssables et les matières premières, ça vaut le coup. Mais pour les personnes, l'avion est maintenant entré dans les habitudes. Le train est rentable dans les petits pays à forte densité de population. Le Japon et la Suisse ! Ce sont les pays champions du train, c'est dit.
Votre livre est plein d'images ! On va de photos d'archives aux photos les plus futuristes avec des chapitres sur les modèles de trains ou de moyens de propulsion restés à l'étape du dessin ou tombés dans l'oubli !
Vous savez, j'ai passé ma vie à me passionner et à écrire sur les trains. Je suis un historien. Mon métier me permet de comparer les époques et de tout voir ! Des projets de trains les plus insolites aux voyageurs les plus exigeants ! Je consacre un chapitre entier aux trains des rois !
Pour finir, ouvrons votre chapitre consacré aux métiers du ferroviaire. De l'aiguilleur au conducteur, vous nous offrez une belle galerie de photographies de tous les pays et de toutes les époques, là encore ! Alors, pour les jeunes auditeurs de RFI qui vous lisent, quelles sont les carrières aujourd'hui pour les passionnées du train ?
Tous les métiers du train sont formidables ! Aujourd'hui, l'informatique fait évoluer les métiers. Mais le train, en définitive, reste assez classique. On aura toujours besoin de personnel pour aller réparer les voies. Le métier d'ingénieur est sans doute le plus emblématique pour le futur. Pour faire fonctionner les machines, il faudra toujours des humains. J'ai formé beaucoup d'ingénieurs et je constate que les jeunes femmes et les jeunes hommes d'aujourd'hui se passionnent pour inventer différents modèles. Les ingénieurs ferroviaires ont un bel avenir.
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Les Jaguar changent de peau. Lundi 2 décembre 2024, le célèbre constructeur britannique a dévoilé ses nouvelles voitures imprimées du nouveau logo, avec des lettres dorées. Les critiques se déchaînent sur internet. L'événement nous donne l'occasion d'élargir le débat avec les plus grands experts du design. Trains, avions ou voiture… Quelles sont les clés d'un bon logo du transport ?
Une rediffusion du 30 novembre 2024
L'animal, le jaguar bondissant sur les carrosseries, n'existe plus. Il est désormais remplacé par deux lettres dorées, deux J, le J de Jaguar. Les adorateurs du nouveau logo saluent la nouveauté et surtout le culot. La marque britannique explique que cette radicalité était nécessaire pour incarner le bouleversement industriel. Dorénavant, Jaguar passe au tout électrique. Les véhicules neufs seront vendus avec de moteurs plus écologiques. Il fallait donc que cette révolution dans le commerce de véhicules de luxe se retrouve dans le logo.
Pour autant, est-ce que les deux J dorées dans un cercle apposé sur la carrosserie est une bonne idée ? Pour la photographe, créatrice designer Mathilde de l'Ecotais, Jaguar va perdre de son identité : « J'aimais beaucoup l'animal jaguar. Il symbolise la force, la rapidité, l'énergie. C'était un logo simple et efficace. C'est là l'une des clés pour réussir un logo, la sobriété et l'incarnation d'une qualité propre au produit en font partie. Alors que les J en lettres dorées et encerclées pourraient concerner n'importe quelle autre chose qu'une voiture. Je vois bien ce qu'ils ont voulu garder le luxe en l'incarnant avec l'or. »
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Dans son expérience de voyageuse, Mathilde de l'Ecotais a récemment été touchée par l'émotion du logo du TGV Inoui, le train à grande vitesse français. Pour la créatrice, le logo est une véritable invitation au voyage. L'image montre le nom dans deux fenêtres superposées. Ainsi, se forme le double regard du voyageur, de l'extérieur et de l'intérieur de la voiture du train.
Le transport est un secteur très particulier de l'industrie. Lié au mouvement, le logo doit se voir de loin et être immédiatement reconnaissable. Pour cela, l'image du logo doit correspondre ou s'inspirer de son milieu, par exemple la terre ou la mer. C'est ce qu'explique Reza Bassiri, directeur de la création à l'agence Carré Noir à Paris : « Mon logo préféré en matière de transport concerne l'espace. C'est celui de la Nasa, l'Agence spatiale américaine. Son logo rouge a même un nom, on l'appelle le "worm" (le ver de terre en anglais) parce qu'il représente le nom Nasa en rouge avec des lettres douces et souples qui font effectivement penser à un ver de terre. En revanche, dans le secteur de l'automobile, les constructeurs utilisent beaucoup les ailes. C'est le cas des anglo-saxons chez Bentley, Mini, Rolls-Royce, Aston Martin. Les Japonais également avec Honda ou Mazda. »
Puisque nous sommes sur RFI, une radio internationale, n'oublions pas qu'un logo, s'il est fait pour une marque mondiale, doit parfois s'adapter aux pays. Oui, les symboles, les couleurs, les valeurs ont aussi leurs différences selon les cultures et continents du monde.
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Lundi 18 novembre, la société exploitant le tunnel sous la Manche prolongeait ses travaux suite à la rupture d'un de ses plus importants câbles électriques. En Ukraine, les drones russes lancés lundi 18 novembre visaient essentiellement des installations électriques. Comment et pourquoi le transport de l'électricité est-il stratégique ? Angélique Palle, experte internationale à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem) à Paris, décrypte les enjeux du transport de l'électricité. Une rediffusion du 23 novembre 2024.
RFI : Commençons avec une question de novice : par quel moyen transporte-t-on l’électricité (terre, mer, rail…) ?
Angélique Palle : Principalement par des câbles terrestres, ce que l’on appelle les lignes électriques. Il y en a de plusieurs dimensions avec des puissances différentes selon les zones traversées.
Ces lignes à haute ou moyenne tension, que l’on peut voir dans le paysage européen, existent-elles partout dans le monde ?
Oui. Seulement, ces lignes ne sont pas installées de la même façon. Il y a des différences majeures entre, par exemple, l’Union européenne, le continent africain ou encore le réseau des États-Unis ou de la Russie.
Quelles sont ces différences ?
En Europe, le réseau est un réseau intégré. Il s’étend sur l’ensemble du continent. Il dépasse même les frontières de l’Union européenne puisqu’il englobe aussi bien les lignes de la France, de la Grèce, mais aussi de l’Ukraine. En Afrique ou aux USA, par exemple, chaque État ou région ou pays décide du calibre, du nombre et des lieux de ses lignes.
Ce choix de réseau intégré a été fait pour des raisons économiques, c’est moins cher de faire groupé ?
C’est surtout un choix stratégique et sécuritaire. Le marché européen étant unique, il était plus facile d’harmoniser la localisation, le transport et l’acheminement jusqu’au consommateur de l’électricité. Mais c’est vrai que la construction des lignes à haute tension coûte extrêmement cher. Dans les années 1990, l’Union européenne a appliqué son choix aux pays baltes par exemple, non sans difficultés !
Pour quelles raisons ?
Parce qu’il a fallu les décrocher du réseau russe. La plaque russe est différente de la plaque européenne. C’est un peu technique, mais les ingénieurs ont dû travailler de longs mois afin de changer les calibres et les installations.
Lors des attaques de drones russes en Ukraine, on constate qu’ils visent les installations électriques, ces lignes de transport en font partie ?
Évidemment ! Le but de la Russie est de toucher le cœur de l’économie et de la population ukrainienne. Or, avec l’hiver surtout, les gens sans électricité ne peuvent pas vivre. Il n’y aurait pas de chauffage, pas d’énergie pour les communications. Et puis n’oublions pas les usines d’armement qui sont des usines consommatrices de grandes quantités d’électricité.
Vous évoquez l’importance stratégique de ces lignes à haute tension. Cette année, vous avez rédigé pour les armées, le ministère français de la Défense, un rapport sur les enjeux de l’avenir du transport de l’électricité. Quels sont ces enjeux ?
Nous avons exposé les faiblesses de ce type de transport à l’aune du siècle à venir. L’une des vulnérabilités va concerner les catastrophes naturelles. C’est l’une des failles les plus importantes.
Les tremblements de terre ?
Plutôt les tornades, les tempêtes, les coulées de boue, avec les effondrements de terrain. La seconde vulnérabilité est du côté du choix énergétique de l’Europe, à savoir les énergies renouvelables (éolien, hydraulique, solaire…)
En quoi représentent-elles des faiblesses ?
Là encore, c'est assez technique. Mais ce type d’électricité est une énergie qui ne se transporte pas ni ne se stocke de la même façon. Ce sont des énergies plus instables, elles se produisent par périodicité et non pas en continu. Il faut donc piloter et veiller à adapter ces instabilités au transport sur l’ensemble du réseau.
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Le Grand Nord se mondialise ! Le Groenland se dote de nouveaux aéroports et à compter du 28 novembre, les plus gros avions de passagers pourront atterrir directement à Nuuk, la capitale groenlandaise. Et dans deux ans, un second aéroport international ouvrira à l'ouest du pays. Pour le gouvernement, il s'agit de développer le tourisme. Mais certains habitants et même professionnels du tourisme critiquent cette ambition touristique. (Rediffusion du 16 novembre 2024)
Un vol New York/Nuuk (la capitale du Groenland) une fois par semaine et désormais, des liaisons avec les plus grandes villes du monde, cet essor de l’aérien au Groenland s’oppose à l’autre transport touristique, la croisière. Le pays chercherait même plutôt à freiner les croisiéristes. Le Groenland vient d’ajouter des contraintes de rapprochement de ses côtes pour lutter contre la pollution. Mais il y a une autre raison, moins officielle celle-ci, les passagers des croisières étant logés et restaurés à bord, ils dépensent beaucoup moins que ceux arrivés par avion !
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« Le maire de Nuuk compte vraiment sur le nouvel aéroport de Nuuk pour développer le tourisme, explique Idrissa Thestrup, spécialiste du tourisme, elle a vécu 20 ans au Groenland où elle a travaillé au sein du gouvernement. En effet, on sait que les touristes venus en avion restent sur place beaucoup plus longtemps que ceux arrivés en paquebots. Les passagers aériens séjournent en moyenne huit à dix jours. Nous voyons aussi à Nuuk arriver des flux de travailleurs et d’ouvriers des villages éloignés qui sont là pour gagner plus que dans leur région. Ils œuvrent dans la construction de l’aéroport, d’autres s’apprêtent à venir pour travailler dans les agences, les futurs hôtels ou les restaurants. »
Le petit aéroport d’Ilulissat, à l’ouest du Groenland, est en travaux. Il s’agrandit pour devenir dans deux ans un aéroport international. Dans le pays, comme dans toutes les autres régions isolées où les infrastructures se développent, il y a les pour et les contre les aéroports. Certains habitants craignent d’être envahis. Tout irait-il trop vite ?
La mairie de Nuuk a soutenu et trouvé les fonds pour ces travaux. Le Danemark, pour éviter que des fonds chinois ou russes n’y contribuent, a décidé d’investir. L’essor économique de ce territoire rattaché au Danemark va entraîner la construction de nouveaux hôtels, de nouveaux restaurants et une industrie de services (informatique, électrique...).
Mais voilà, s’il est voulu, l’essor économique du Groenland doit s’accompagner d’un plan complet pour prendre en compte d’autres aspects du développement touristique. Sans préparation au recyclage et à la collecte de déchets par exemple, ou même à l’hébergement et à l’accueil des passagers, l’élan touristique pourrait mal tourner.
S’il salue la volonté d’agrandir les aéroports et d’encourager la venue et la consommation des touristes, Olivier Poivre d’Arvor, l’ambassadeur français des pôles, redoute aussi le voyeurisme de certains voyageurs : « Après tout, c’est vrai, pourquoi interdirait-on au Groenland son développement économique ? On l’a bien accepté sur nos côtes méditerranéennes, en Espagne, sur la Costa Brava ! Cependant, je crains que certains touristes viennent aux pôles comme au théâtre, pour regarder et assister au désastre du réchauffement climatique ! Aujourd’hui, les pôles de la Terre se réchauffent pus que n’importe quel autre endroit de notre planète. C’est une sorte de voyeurisme. »
Chez les voyageurs du monde entier, le Grand Nord a la cote ! L’an dernier, au Groenland, le nombre de touristes a augmenté de 9 %.
À écouter dans Grand reportage Groenland : les enjeux politiques du changement climatique
Les Jaguar changent de peau. Lundi 2 décembre 2024, le célèbre constructeur britannique dévoilera ses nouvelles voitures imprimées du nouveau logo. Des lettres dorées. Mais déjà, les critiques se déchaînent sur internet. L'événement nous donne l'occasion d'élargir le débat avec les plus grands experts du design. Trains, avions ou voiture… quelles sont les clés d’un bon logo du transport ?
L’animal, le jaguar bondissant sur les carrosseries, n’existe plus. Il est désormais remplacé par deux lettres dorées, deux J, le J de Jaguar. Les adorateurs du nouveau logo saluent la nouveauté et surtout le culot. La marque britannique explique que cette radicalité était nécessaire pour incarner le bouleversement industriel. Dorénavant, Jaguar passe au tout électrique. Les véhicules neufs seront vendus avec de moteurs plus écologiques. Il fallait donc que cette révolution dans le commerce de véhicules de luxe se retrouve dans le logo.
Pour autant, est-ce que les deux J dorées dans un cercle apposé sur la carrosserie est une bonne idée ? Pour la photographe, créatrice designer Mathilde de l’Ecotais, Jaguar va perdre de son identité : « J’aimais beaucoup l’animal jaguar. Il symbolise la force, la rapidité, l’énergie. C’était un logo simple et efficace. C’est là l’une des clés pour réussir un logo, la sobriété et l’incarnation d’une qualité propre au produit en font partie. Alors que les J en lettres dorées et encerclées pourraient concerner n’importe quelle autre chose qu’une voiture. Je vois bien ce qu’ils ont voulu garder le luxe en l’incarnant avec l’or. »
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Dans son expérience de voyageuse, Mathilde de l’Ecotais a récemment été touchée par l’émotion du logo du TGV Inoui, le train à grande vitesse français. Pour la créatrice, le logo est une véritable invitation au voyage. L’image montre le nom dans deux fenêtres superposées. Ainsi, se forme le double regard du voyageur, de l’extérieur et de l’intérieur de la voiture du train.
Le transport est un secteur très particulier de l’industrie. Lié au mouvement, le logo doit se voir de loin et être immédiatement reconnaissable. Pour cela, l’image du logo doit correspondre ou s’inspirer de son milieu, par exemple la terre ou la mer. C’est ce qu’explique Reza Bassiri, directeur de la création à l’agence Carré Noir à Paris : « Mon logo préféré en matière de transport concerne l’espace. C’est celui de la Nasa, l’Agence spatiale américaine. Son logo rouge a même un nom, on l’appelle le "worm" (le ver de terre en anglais) parce qu’il représente le nom Nasa en rouge avec des lettres douces et souples qui font effectivement penser à un ver de terre. En revanche, dans le secteur de l’automobile, les constructeurs utilisent beaucoup les ailes. C’est le cas des anglo-saxons chez Bentley, Mini, Rolls-Royce, Aston Martin. Les Japonais également avec Honda ou Mazda. »
Puisque nous sommes sur RFI, une radio internationale, n’oublions pas qu’un logo, s’il est fait pour une marque mondiale, doit parfois s’adapter aux pays. Oui, les symboles, les couleurs, les valeurs ont aussi leurs différences selon les cultures et continents du monde.
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Lundi 18 novembre, la société exploitant le tunnel sous la Manche prolongeait ses travaux suite à la rupture d'un de ses plus importants câbles électriques. En Ukraine, les drones russes lancés lundi 18 novembre visaient essentiellement des installations électriques. Comment et pourquoi le transport de l'électricité est-il stratégique ? Angélique Palle, experte internationale à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) à Paris, décrypte les enjeux du transport de l'électricité.
RFI : Commençons avec une question de novice : par quel moyen transporte-t-on l’électricité (terre, mer, rail…) ?
Angélique Palle : Principalement par des câbles terrestres, ce que l’on appelle les lignes électriques. Il y en a de plusieurs dimensions avec des puissances différentes selon les zones traversées.
Ces lignes à haute ou moyenne tension, que l’on peut voir dans le paysage européen, existent-elles partout dans le monde ?
Oui. Seulement, ces lignes ne sont pas installées de la même façon. Il y a des différences majeures entre, par exemple, l’Union européenne, le continent africain ou encore le réseau des États-Unis ou de la Russie.
Quelles sont ces différences ?
En Europe, le réseau est un réseau intégré. Il s’étend sur l’ensemble du continent. Il dépasse même les frontières de l’Union européenne puisqu’il englobe aussi bien les lignes de la France, de la Grèce, mais aussi de l’Ukraine. En Afrique ou aux USA, par exemple, chaque État ou région ou pays décide du calibre, du nombre et des lieux de ses lignes.
Ce choix de réseau intégré a été fait pour des raisons économiques, c’est moins cher de faire groupé ?
C’est surtout un choix stratégique et sécuritaire. Le marché européen étant unique, il était plus facile d’harmoniser la localisation, le transport et l’acheminement jusqu’au consommateur de l’électricité. Mais c’est vrai que la construction des lignes à haute tension coûte extrêmement cher. Dans les années 1990, l’Union européenne a appliqué son choix aux pays baltes par exemple, non sans difficultés !
Pour quelles raisons ?
Parce qu’il a fallu les décrocher du réseau russe. La plaque russe est différente de la plaque européenne. C’est un peu technique, mais les ingénieurs ont dû travailler de longs mois afin de changer les calibres et les installations.
Lors des attaques de drones russes en Ukraine, on constate qu’ils visent les installations électriques, ces lignes de transport en font partie ?
Évidemment ! Le but de la Russie est de toucher le cœur de l’économie et de la population ukrainienne. Or, avec l’hiver surtout, les gens sans électricité ne peuvent pas vivre. Il n’y aurait pas de chauffage, pas d’énergie pour les communications. Et puis n’oublions pas les usines d’armement qui sont des usines consommatrices de grandes quantités d’électricité.
Vous évoquez l’importance stratégique de ces lignes à haute tension. Cette année, vous avez rédigé pour les armées, le ministère français de la Défense, un rapport sur les enjeux de l’avenir du transport de l’électricité. Quels sont ces enjeux ?
Nous avons exposé les faiblesses de ce type de transport à l’aune du siècle à venir. L’une des vulnérabilités va concerner les catastrophes naturelles. C’est l’une des failles les plus importantes.
Les tremblements de terre ?
Plutôt les tornades, les tempêtes, les coulées de boue, avec les effondrements de terrain. La seconde vulnérabilité est du côté du choix énergétique de l’Europe, à savoir les énergies renouvelables (éolien, hydraulique, solaire…)
En quoi représentent-elles des faiblesses ?
Là encore, c'est assez technique. Mais ce type d’électricité est une énergie qui ne se transporte pas ni ne se stocke de la même façon. Ce sont des énergies plus instables, elles se produisent par périodicité et non pas en continu. Il faut donc piloter et veiller à adapter ces instabilités au transport sur l’ensemble du réseau.
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Le Grand Nord se mondialise ! Le Groenland se dote de nouveaux aéroports et à compter du 28 novembre, les plus gros avions de passagers pourront atterrir directement à Nuuk, la capitale groenlandaise. Et dans deux ans, un second aéroport international ouvrira à l'ouest du pays. Pour le gouvernement, il s'agit de développer le tourisme. Mais certains habitants et même professionnels du tourisme critiquent cette ambition touristique.
Un vol New York/Nuuk (la capitale du Groenland) une fois par semaine et désormais, des liaisons avec les plus grandes villes du monde, cet essor de l’aérien au Groenland s’oppose à l’autre transport touristique, la croisière. Le pays chercherait même plutôt à freiner les croisiéristes. Le Groenland vient d’ajouter des contraintes de rapprochement de ses côtes pour lutter contre la pollution. Mais il y a une autre raison, moins officielle celle-ci, les passagers des croisières étant logés et restaurés à bord, ils dépensent beaucoup moins que ceux arrivés par avion !
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« Le maire de Nuuk compte vraiment sur le nouvel aéroport de Nuuk pour développer le tourisme, explique Idrissa Thestrup, spécialiste du tourisme, elle a vécu 20 ans au Groenland où elle a travaillé au sein du gouvernement. En effet, on sait que les touristes venus en avion restent sur place beaucoup plus longtemps que ceux arrivés en paquebots. Les passagers aériens séjournent en moyenne huit à dix jours. Nous voyons aussi à Nuuk arriver des flux de travailleurs et d’ouvriers des villages éloignés qui sont là pour gagner plus que dans leur région. Ils œuvrent dans la construction de l’aéroport, d’autres s’apprêtent à venir pour travailler dans les agences, les futurs hôtels ou les restaurants. »
Le petit aéroport d’Ilulissat, à l’ouest du Groenland, est en travaux. Il s’agrandit pour devenir dans deux ans un aéroport international. Dans le pays, comme dans toutes les autres régions isolées où les infrastructures se développent, il y a les pour et les contre les aéroports. Certains habitants craignent d’être envahis. Tout irait-il trop vite ?
La mairie de Nuuk a soutenu et trouvé les fonds pour ces travaux. Le Danemark, pour éviter que des fonds chinois ou russes n’y contribuent, a décidé d’investir. L’essor économique de ce territoire rattaché au Danemark va entraîner la construction de nouveaux hôtels, de nouveaux restaurants et une industrie de services (informatique, électrique...).
Mais voilà, s’il est voulu, l’essor économique du Groenland doit s’accompagner d’un plan complet pour prendre en compte d’autres aspects du développement touristique. Sans préparation au recyclage et à la collecte de déchets par exemple, ou même à l’hébergement et à l’accueil des passagers, l’élan touristique pourrait mal tourner.
S’il salue la volonté d’agrandir les aéroports et d’encourager la venue et la consommation des touristes, Olivier Poivre d’Arvor, l’ambassadeur français des pôles, redoute aussi le voyeurisme de certains voyageurs : « Après tout, c’est vrai, pourquoi interdirait-on au Groenland son développement économique ? On l’a bien accepté sur nos côtes méditerranéennes, en Espagne, sur la Costa Brava ! Cependant, je crains que certains touristes viennent aux pôles comme au théâtre, pour regarder et assister au désastre du réchauffement climatique ! Aujourd’hui, les pôles de la Terre se réchauffent pus que n’importe quel autre endroit de notre planète. C’est une sorte de voyeurisme. »
Chez les voyageurs du monde entier, le Grand Nord a la cote ! L’an dernier, au Groenland, le nombre de touristes a augmenté de 9 %.
À écouter dans Grand reportage Groenland : les enjeux politiques du changement climatique
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